INTERVIEWPrès de Bordeaux, une maire autorise les pesticides bio

Arrêté anti-pesticides : Près de Bordeaux, une maire « espère que d’autres élus vont prendre le même type d’arrêté, en protégeant le bio »

INTERVIEW« 20 Minutes » a rencontré Béatrice de François, maire PS de Parempuyre dans la métropole de Bordeaux, qui vient de prendre à son tour un arrêté interdisant les pesticides sur sa commune
La maire de Parempuyre, près de Bordeaux, Béatrice de François (PS).
La maire de Parempuyre, près de Bordeaux, Béatrice de François (PS). - Mickaël Bosredon/20 Minutes
Mickaël Bosredon

Propos recueillis par Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Béatrice de François a pris un arrêté qui interdit les pesticides de synthèse, mais autorise toujours les produits bio.
  • L’utilisation des produits phytopharmaceutiques est interdite jusqu’à 100 mètres des habitations et lieux publics.
  • L’édile espère que son arrêté ne sera pas poursuivi par la préfecture.

Un effet tache d’huile ? Après le maire du village de Langouët (Ille-et-Vilaine) qui a pris un arrêté anti-pesticides – arrêté suspendu par le tribunal administratif ce mardi –, c’est au tour d’une commune de la métropole de Bordeaux de lui emboîter le pas. Béatrice de François, maire PS de Parempuyre, ville de 8.600 habitants située à la lisière du Médoc, vient de prendre un arrêté interdisant les pesticides de synthèse sur son territoire. 20 Minutes l’a rencontrée.

Que dit l’arrêté que vous venez de prendre ?

C’est un arrêté contre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de synthèse. C’est-à-dire que cet arrêté autorise encore les produits en agriculture biologique, contrairement à celui du maire de Langouët qui a interdit tous les produits. Cet arrêté a été pris à une distance de 100 mètres des habitations, je pense que pour commencer, c’est raisonnable. Cela n’empêche pas totalement les agriculteurs de travailler. C’est une façon de leur dire qu’on est là pour les aider. On sait que c’est compliqué pour eux, on sait que ça peut coûter plus cher de passer en bio, et qu’ils travaillent beaucoup pour pas grand-chose.

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Les agriculteurs demandent qu’on leur laisse du temps…

Bien sûr qu’il leur faut du temps, et un accompagnement. Il faut qu’un agriculteur puisse vivre de son travail. Paysan, c’est un mot noble. Mais c’est à l’Etat de soutenir une agriculture verte, et tout le monde s’y retrouvera.

Votre arrêté est-il déjà en vigueur ?

Je l’ai pris la semaine dernière, et il est passé au contrôle de légalité lundi. Cela veut dire que la préfecture a jusqu’à deux mois pour éventuellement s’y opposer. Mais en attendant, il est applicable.

Ne craignez-vous pas qu’il soit attaqué en justice, comme l’arrêté du maire de Langouët ?

J’avais déjà pris un arrêté similaire en janvier dernier, que le préfet m’avait demandé de retirer, notamment parce que j’y interdisais tous les produits phytopharmaceutiques sans distinction. Maintenant j’autorise les produits bio. Ce qui veut dire que le sulfate de cuivre [un ingrédient de la bouillie bordelaise pour lutter contre le mildiou, très utilisé par les viticulteurs bio] continue à être autorisé.

Votre arrêté risque de pénaliser des viticulteurs sur votre commune, non ?

Nous avons deux châteaux viticoles. L’un a déjà annoncé qu’il passerait en bio [il s’agit du château Clément-Pichon, qui a annoncé en janvier dernier sa conversion sur 25 hectares situés face à un terrain où doit être construit un nouveau collège], et l’autre fait des efforts. Je sais qu’ils font des efforts, et on va les accompagner. On me reproche de faire de la politique avec cet arrêté, bien sûr que je fais de la politique, mais de la bonne politique. Je suis dans mon rôle. Si nous les élus, on ne porte pas des sujets forts, si on ne défend pas des valeurs, ça ne peut pas marcher.

Le domaine viticole qui a annoncé sa conversion en bio est situé juste en face d’un terrain qui doit accueillir un nouveau collège sur votre commune. Cette affaire avait fait grand bruit, où en est-on ?

D’abord, c’est le département qui porte ce dossier. Mais le château a annoncé qu’il passerait en bio, et il va le faire. On a besoin de ce collège, car nos locaux actuels sont surchargés, et je n’ai pas d’autre terrain assez grand. Si on ne le fait pas, les enfants devront prendre le bus matin et soir pour aller ailleurs, ce que je ne souhaite pas. Le dossier suit son cours. Mais le problème ce n’est pas le collège, ce sont les produits.

Souhaitez-vous lancer un appel à d’autres maires ?

J’espère que d’autres maires vont prendre le même type d’arrêté, en protégeant le bio. Toutes les communes sont touchées. Et c’est un dossier que je porte au niveau de la métropole de Bordeaux, notamment au niveau de la restauration scolaire, où on essaie de passer en bio, malheureusement on manque de fournisseurs locaux. Mais ma démarche n’est pas d’obliger, plutôt de faire comprendre les enjeux.

Que ferez-vous si votre arrêté est invalidé ?

S’il n’est pas maintenu, il faudra se poser des questions sur la cohérence des propos du chef de l’Etat et de notre ministre de la Transition écologique, qui a dit ce matin même qu'elle partageait la préoccupation du maire de Langouët. J’attends.

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