Va-t-on enfin faciliter les expulsions de squatteurs en France ? Un amendement dans ce sens a en tout cas été déposé à l’Assemblée nationale par le député d’Eure-et-Loir (LREM) Guillaume Kasbarian. Sur RTL, la ministre déléguée chargée du Logement Emmanuelle Wargon a annoncé lundi qu’elle soutenait le texte. L’amendement, adopté mercredi en commission, et intégré dans la loi d'accélération et simplification de l’action publique (ASAP), doit être soumis au vote des députés le 28 septembre prochain. Celui-ci doit donner “des solutions très rapides pour toutes les personnes confrontées à un squatteur”, explique la ministre. En effet, les propriétaires spoliés attendent souvent des semaines - voire des mois ou des années - avant de pouvoir reprendre possession d’un bien. La problématique n’est malheureusement pas nouvelle. Mais depuis la médiatique mésaventure arrivée à un couple de propriétaires retraités à Théoule-sur-Mer cet été, elle a pris une ampleur inégalée dans le débat public.

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S’il est voté en l’état, le texte facilitera ce que l’on appelle les “expulsions administratives.” C’est-à-dire celles orchestrées par le préfet, sans intervention du tribunal. “Je suis convaincu que le texte permettra d’éviter que les gens ne se retrouvent dans un marathon judiciaire”, veut croire le porteur du texte Guillaume Kasbarian. Ce n’est pourtant pas le sentiment de certains juristes. “En voyant ce texte, je me sens perplexe. Ce sont des procédures rarissimes, on n’obtient presque jamais d’expulsions par cette voie”, déplore Maître Romain Rossi-Landi, avocat à Paris. “Ce texte va dans le bon sens. Mais j’ai de sérieux doutes sur sa mise en application”, se méfie de son côté Maître Jérôme Maudet, avocat à Nantes.

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Des modifications essentielles…

L’amendement prévoit deux améliorations. D’abord, la notion de “domicile” a été clarifiée. En effet, d’après l’article 102 du Code Civil, le domicile est un lieu où le citoyen “a son principal établissement”. Beaucoup de tribunaux ont donc jusqu’ici considéré que les résidences secondaires ou occasionnelles n’étaient pas des “domiciles.” Ce qui rendait difficiles les expulsions de nombreux squatteurs. Le nouvel amendement compte résoudre ce problème, en ajoutant explicitement les résidences secondaires et occasionnelles au texte de loi sur les squats.

Ensuite, les délais des préfets seront revus. Pour accélérer les procédure, les préfets disposeront désormais de 48 heures pour instruire une demande de mise en demeure d’un squatteur, contre deux mois auparavant. “Si c’est un refus, ils devront également le motiver”, plaide Guillaume Kasbarian. Enfin, si la mise en demeure adressée à un squatteur expire sans que celui-ci ne quitte les lieux, le préfet devra procéder “sans délai” à l’expulsion.

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...Mais insuffisantes

Problème : les squatteurs utilisent souvent des astuces pour contourner la procédure administrative. “Ils changent par exemple les serrures, présentent de nouvelles factures EDF à leur nom…”, éclaire Maître Rossi-Landi. Dans la pratique, il est donc difficile pour les propriétaires d’apporter rapidement des preuves “d’effraction” à la police, et de faire constater le délit. Or, à compter de la découverte du squat, les propriétaires n’ont que 48 heures pour porter plainte... Et perdent souvent à ce petit jeu contre des squatteurs qui savent les embourber et les ralentir. “Les policiers ne sont pas des juges. S’il faut trancher entre deux versions opposées, l’affaire se résoudra au niveau judiciaire”, témoigne Maître Rossi-Landi. De par ces astuces, beaucoup de plaintes ne peuvent être reçues. Elles obligent donc les propriétaires à engager la “procédure judiciaire” pour déloger les squatteurs.

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Autre écueil soulevé par les juristes : l’attitude qu’auront les préfets devant le futur texte. “Que vont-ils réellement faire ? Ils auront toujours du mal à ordonner des expulsions si des enfants se trouvent parmi les occupants”, anticipe Maître Rossi-Landi. S’ils choisissent de ne rien faire… les propriétaires s’exposeront toujours à des marathons judiciaires pour faire valoir leur préjudice. “Les préfets possèdent déjà des compétences identiques dans le cadre des procédures d’occupations illicites de terrains par des gens du voyage”, explique de son côté Maître Maudet. Or, estime le juriste, “le schéma ne fonctionne pas. Les préfets ont beaucoup de difficultés à recourir à la force publique.”

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Une révision du Code Pénal à envisager ?

Pour couvrir définitivement les angles morts, les deux juristes plaident donc pour de nouvelles évolutions, au niveau pénal. “Il faut réécrire la loi”, plaide ainsi Jérôme Maudet. Le juriste suggère ainsi de faire reconnaître le squat comme une “occupation sans droit ni titre”, durable dans le temps. Et non plus comme l’action ponctuelle d’entrer dans un domicile “à l’aide de manoeuvre, menaces, voies de fait ou contraintes”, comme c’est le cas actuellement.

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“Ce n’est pas l’objet de l’amendement en question”, rétorque le député Guillaume Kasbarian. “Le texte est inclus avec une cinquantaine d’autres articles dans une loi de simplification de l’action publique. Ces textes ne relèvent pas du Code Pénal”, poursuit-il.

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Pour l’instant, les propositions du député LREM ne s‘alignent donc pas sur celles de son collègue Julien Aubert (LR), qui plaidait en 2019 pour une révision en ce sens. Néanmoins, l’élu de la majorité se déclare “totalement ouvert à des modifications” de son texte. “L’essentiel, c’est d’avoir des solutions qui fonctionnent”, exprime-t-il. On ne demande qu’à être d’accord.