D’évidence, les sénateurs trouvent qu’il faut siffler la fin de la récréation. Dans le cadre de l’examen qui commencera mardi 11 juin d’une proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux - déposée par Bruno Gilles, sénateur des Bouches-du-Rhône et conseiller municipal de Marseille -, la Haute Assemblée veut créer une police spéciale du logement. De quoi s’agit-il ?

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a déjà habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance pour simplifier la situation, sachant qu’il n’existe aujourd’hui pas moins de treize procédures distinctes, renvoyant à des organismes de contrôle ou de sanction différents. S’ajoute à cette intention qu’elle nomme la réalité sans circonlocution : il faut faire la police pour éradiquer ce mal rampant au cœur de nos villes, tel un cancer qui ronge notre patrimoine urbain, particulièrement les logements en copropriété occupés par des locataires. On a beaucoup parlé de lutte contre les marchands de sommeil et la récente loi ELAN a encore renforcé l’arsenal contre ces exploiteurs de la misère humaine, associant même les professionnels de ma transaction et de la gestion pour identifier et dénoncer les coupables.

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Il s’agit dans la proposition de loi de considérer le problème de l’insalubrité et de la dangerosité des logements de façon plus large, alors que les précédentes initiatives publiques ne montraient du doigt que les coupables intentionnels. En fait, un propriétaire bailleur qui néglige l’entretien de son logement et le loue sans scrupule mérite aussi qu’on le punisse et qu’on le contraigne à engager les travaux nécessaires.  Les copropriétaires occupants ou les propriétaires de maisons individuelles qui ne prennent pas soin de leur logement et le laissent se dégrader et compromettre leur propre vie ou leur propre santé seront-ils la cible des actions de cette nouvelle force de police ? Peut-être aussi, car le problème est global et ma responsabilité est partagée : l’exemple marseillais d’immeubles progressivement abandonnés nous donne le spectacle d’un parc dans lequel les personnes concernées, quel que fût leur statut, investisseurs ou habitants, avaient fini par baisser les bras et par renoncer.

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Cela dit, les citoyens admettraient mal que la police intervienne chez eux si la puissance publique n’assumait pas sa part de responsabilité. L’État et les collectivités locales ne peuvent pas tout rejeter vers les propriétaires. Il y a d’abord la question cruelle de l’impécuniosité : que faire quand les bailleurs ou les occupants n’ont pas les moyens d’engager les travaux indispensables pour remettre un logement aux normes élémentaires de décence et de sécurité ? Des aides publiques doivent pouvoir être mobilisées, alors même que la tendance est à la disette budgétaire. Il faut également que de grands projets ambitieux se multiplient sur le territoire, sous la forme notamment d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat. Il faut enfin, dans les cas les plus alarmants de dégradation des logements, que les armes juridiques soient non seulement brandies mais utilisées, expropriation ou encore évacuation et démolition. À cet égard, les sénateurs ont prévu de nouveaux pouvoirs pour les élus locaux, tel qu’un droit de priorité sur l’État pour exproprier, partant du principe que la collectivité d proximité est mieux placée pour réhabiliter le bien et en faire le meilleur usage, par cession ultérieure ou par utilisation en propre.

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La proposition de loi en vient aussi à recourir aux syndics de copropriété, comme la loi ELAN, pour identifier les logements insalubres ou dangereux, qui que soient les copropriétaires, c’est-à-dire non seulement lorsqu’il est clair que ce sont des trafiquants de locations de logements indécents, mais tout simplement quand un logement ne répond pas aux normes techniques fondamentales fixées par la règlementation. Il serait pertinent d’ailleurs d’associer au même effort de signalisation les gestionnaires locatifs. Ils n’administrent malheureusement pour l’instant qu’un tiers du parc locatif privé, mais ce tiers doit être irréprochable et pourtant la situation est loin d’être parfaite. Pourquoi ? Parce que l’autorité du professionnel ne suffit pas toujours, ou il ne l’exerce pas toujours au moment d’exiger du propriétaire bailleur les travaux indispensables à la mise aux normes. En toute orthodoxie, l’administrateur de biens ne devrait pas courir le risque d’une incrimination pénale et a minima d’un engagement de sa responsabilité civile parce qu’il accepte de louer un bien dangereux ou insalubre : il reste que certains seraient bien aise d’être délégataire d’un pouvoir de police pour que leur pouvoir de conviction auprès de l’investisseur s’en trouve majoré.

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Le texte d’initiative sénatoriale introduit enfin une disposition salutaire : l’obligation sous peine de sanction de réaliser dans les immeubles en copropriété de quinze lots et plus le diagnostic technique global que la loi ALUR avait instauré - cette toise est d’ailleurs trop haute, et il serait judicieux de la descendre à dix lots pour embrasser une plus large proportion du parc -. Par souci d’économie, par inconscience des enjeux d’entretien et de valorisation, trop de copropriétés ont refusé de faire établir ce diagnostic, qui les eût éclairé sur les besoins de rénovation ou de réhabilitation des parties communes. Certes, les parties privatives ne sont pas directement concernées. Néanmoins, les indications données par le DTG mènent évidemment au traitement complet de l’immeuble, parties privatives et parties communes, sans distinction. Il serait souhaitable en outre qu'un lot de copropriété ne puisse pas se vendre dès lors que le diagnostic technique global n’a pas été effectué et que le notaire ait le pouvoir de bloquer la transaction.

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Et si notre pays affichait sans concession l’ambition de disposer du parc de logements le mieux entretenu du monde ? Il faut pour parvenir à ce résultat une mobilisation de toutes les partis prenantes. Il faut également assigner un rôle majoré aux professionnels de l’immobilier. Il est antinomique de la défiance, de celle dont les syndics ont encore pâti ces derniers jours à la faveur de la publication du récent observatoire des charges : l’opinion leur dénie la faculté d’augmenter leurs honoraires alors que leurs missions, dans l’ordre de la valorisation du patrimoine collectif, ne cessent de s’alourdir. Antinomique de la même manière du faible taux de pénétration des gestionnaires locatifs en France, auquel le député en mission Mickaël Nogal veut remédier, sans doute en exigeant d’eux qu’ils soient davantage garants de la qualité des locations et de la sécurité des revenus locatifs : puissent la communauté professionnelle être au-rendez vous de l’histoire.

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