Ils pèsent le quart du PIB de la France, et les 30 patrons qui signent l’appel de Challenges pour "sauver les maths" poussent un cri d’alarme (lire le manifeste et la liste des signataires ci-dessous). Tous ne sont pas ingénieurs ou fondus d’équation. Mais tous ont remarqué que quelque chose a changé imperceptiblement, comme si l’enseignement des maths avait été une victime collatérale de la réforme du Bac. Or, assurent-ils en préambule : "La puissance industrielle d'un pays ne peut progresser sans compétences scientifiques."
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Appel pour "sauver les maths"
Parce que la puissance industrielle d’un pays ne peut progresser sans compétences scientifiques.
Parce que les mathématiques sont incontournables pour la bonne compréhension de l’économie.
Parce que la transition écologique et digitale réclame davantage d’ingénieurs.
Parce que la réforme du lycée a fait chuter de 18 % les heures de mathématiques enseignées en terminale et en première.
Parce que le nombre de candidats au Bac suivant un enseignement de mathématiques a baissé de 115 000 en trois ans.
Parce que la création de la filière « mathématiques expertes » a renforcé l’élitisme.
Parce que cette filière a encouragé les stéréotypes et réduit de moitié le nombre de filles inscrites à ces formations.
Parce que le vivier des classes préparatoires s’est rétréci.
Nous appuyons la volonté du président de la République de réintroduire les mathématiques dans le tronc commun du lycée
Nous invitons les candidats à l’élection présidentielle à s’engager à développer la place de l’enseignement des mathématiques
dans les cursus primaires, secondaires et supérieurs
Nous recommandons que le monde académique conjugue la formation mathématique, culture de rigueur, avec la nécessaire conversion des entreprises au digital et aux datas
Signataires :
Olivier Andriès Safran, Bernard Arnault LVMH, Jacques Aschenbroich Valeo, Benoit Bazin Saint-Gobain, Jean-Laurent Bonnafé BNP Paribas, Christel Bories Eramet, Thomas Buberl Axa, Patrice Caine Thales, Marie-Ange Debon Keolis, Aiman Ezzat Capgemini, Jean-Louis Girodolle Lazard, Gilles Grapinet Wordline, Catherine Guillouard Groupe RATP, Paul Hermelin Capgemini, Christel Heydemann Orange, Nicolas Hieronimus L’Oréal, Xavier Huillard Vinci, Denis Kessler Scor, Patrick Koller Forvia, Maurice Lévy Publicis, Florent Menegaux Michelin, Sébastien Missoffe Google, Xavier Niel Iliad, Frédéric Oudéa Société générale, Claude Perdriel Challenges, Patrick Pouyanné TotalEnergies, Stéphane Pallez Française des jeux, Alexandre Ricard Pernod Ricard, Stéphane Richard Orange, Sophie Zurquiyah CGG
Cet appel ne devrait que renforcer la prise de conscience du ministère de l’Éducation nationale. Déjà, en décembre, sa Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance alertait le ministre Jean-Michel Blanquer sur les dégâts de la réforme sur l’apprentissage des mathématiques. Mais il a fallu que le président de la République en fasse un thème de son premier déplacement de candidat, à Poissy le 7 mars, pour que son ministre préféré accélère son rétropédalage à grande vitesse : il devenait impératif de "réintroduire les maths dans le tronc commun du lycée".
Car il y a urgence : le nombre d’heures de maths enseignées en Terminale et en Première a chuté de 18 % en deux ans ; les candidats au bac suivant un enseignement de mathématique ont baissé d’un tiers ; le nombre de filles inscrites à ces formations a été réduit de moitié. Tout cela alors que parallèlement, la France a perdu 17 places en 24 ans aux tests internationaux de compréhension en mathématiques des élèves de 4e, et que les professeurs candidats au Capes de maths sont deux fois moins nombreux en dix ans… Quel gâchis au pays des médaillés Fields !
Tout cela ressemble au paysage calamiteux de notre industrie : les deux sujets sont intimement liés, et c’est pour cela que les grands patrons ont été si nombreux à signer l'appel de Challenges. Mais de même que les nouvelles usines seront construites autour des robots, l’apprentissage des mathématiques au XXIe siècle doit prendre en compte les enjeux du numérique et du traitement de la data. C’est ce que promeut cet enseignant de lycée, étonnant polytechnicien de la Société générale, qui a finalement préféré les salles de classe aux salles de marché, et qui pousse ses élèves de Seconde à apprendre à coder. Chapeau le prof’ !