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Vie de bureau

Quand l’Inspection du travail épingle une PME… pour utilisation illégale de titres-restaurant

Utiliser ses chèques restaurant le dimanche, où est le problème? Vous l’ignoriez peut-être mais cette pratique est interdite par la loi. Ce patron de PME l’a appris à ses dépens en se faisant sévèrement recadrer par l’Inspection du travail. Récit ubuesque.

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Illustration Titres restaurants, cheque dejeuner, ticket restaurant.

Les règles applicables aux chèques restaurant d’entreprise sont très encadrées par le code du travail. 

GILE MICHEL/SIPA

Lorsqu’il ouvre ce courrier de l’Inspection du travail, Charles*, patron d’une PME parisienne, tombe presque de sa chaise. Médusé, il découvre les fruits d’une enquête minutieuse et d'un rappel à la loi détaillé sur neuf pages lui reprochant… une utilisation illicite de titres-restaurant par l’un de ses salariés. Listant une série de dates, l’inspecteur y rapporte très sérieusement: «Mes contrôles réalisés […] au sein de deux établissements de restauration rapide McDonald’s […] m’ont permis de constater l’utilisation de titre(s)-restaurant par de(s) salariés(s) ou agent(s) de votre structure […] notamment un jour non ouvrable […].»

Le fonctionnaire zélé ne s’arrête pas là: «Vous trouverez en annexe un récapitulatif avec les mentions suivantes: lieu, date et jour d’utilisation du titre-restaurant, montant (en €), informations recueillies sur le titre-restaurant, code et code de sécurité.» Et embraye d’un ton plus menaçant: «En tant qu’employeur, vous n’ignorez pas que ce dispositif, prévu aux articles L.3262-1 à 7 et R3262-1 à 46 du code du travail, fait l’objet d’une réglementation stricte, indiquée sur le titre-restaurant, au recto et à son verso, dont un rappel global est fait dans la présente.»

Règles strictes méconnues

«J’ai cru à un gag, c’est tellement ridicule! Les inspecteurs du travail ne doivent pas être très occupés en ce moment, lâche Charles. Personnellement, j’ignorais qu’il existait des jours où on ne pouvait pas utiliser ses titres-restaurant. Toutes les personnes que je connais les utilisent n’importe quand», affirme le dirigeant.

L’anecdote peut faire –au choix– sourire ou rager. Il n’en demeure pas moins que l’inspecteur du travail, aussi pointilleux soit-il, a raison sur un point: les règles applicables aux chèques restaurant d’entreprise sont très encadrées par le Code du Travail. Nominatif, ce type de titre ne peut être utilisé que par le salarié auquel il a été remis dans le département du lieu de travail, voire dans les départements limitrophes. "Vous n'êtes pas censé(e) payer vos repas de vacances avec", précise Alexandra Stocki, avocate associée du cabinet Bird & Bird. 

Ainsi, contrairement à ce que beaucoup pensent, il est également interdit d’utiliser ces chèques le dimanche et les jours fériés, raison pour laquelle notre patron a été épinglé. Avec une exception néanmoins, lorsque les salariés travaillent ces jours-là. Leur recours est par ailleurs plafonné à 19 euros par jour, sachant que selon la loi un même repas ne peut être payé avec plusieurs chèques repas. De même, à l’inverse de ce que plusieurs commerçants pratiquent, les restaurateurs n’ont légalement pas le droit de rendre la monnaie sur les titres-restaurant. Autant de petits arrangements qui ne sont désormais plus possibles avec les cartes restaurant dématérialisées, qui se bloquent automatiquement dès le plafond atteint et lors des jours non ouvrables.

Avantage en nature

Pourquoi le chèque repas est-il soumis à tant de restrictions? "Il est considéré comme un avantage en nature dérogatoire ouvrant droit à des exonérations de charges sociales pour les employeurs et d'impôt sur le revenu pour les salariés. Pour éviter les abus, le législateur a dû fixer des limites et encadrer les pratiques, selon des règles qui me semblent plutôt dictées par le bon sens, estime Alexandra Stocki. Pour ce cas d'espèce, je n'ai jamais connu cette situation, mais ce type de contrôles ne me semble pas extraordinaire."

En attendant, Charles, lui, est censé retourner sans délai à l’Inspection du travail une «fiche d’identité pénale» ultra-détaillée sur son entreprise (raison sociale, numéro SIRET, effectif dont nombre de CDI, CDD, stagiaires…), les mandataires sociaux (identité, date de naissance, noms et prénoms du père et de la mère…) ainsi que sur le salarié concerné (identité, date et lieu de naissance, type de contrat, horaires…), à laquelle «il [lui] faudra joindre le contrat de travail, le(s) bulletin de paie et les relevés horaires de(s) salarié(s) concerné(s)», ainsi que d’un extrait K-bis (sorte de carte d’identité d’une entreprise).

«Pour l’instant je n’ai pas donné suite et je n’ai pas l’intention de le faire. Ils reviendront vers nous, s’ils le veulent», défie le patron qui s’expose tout de même à une amende de 4ème classe par salarié (135 euros -somme minorée ou majorée selon le délai de paiement). Reste à savoir si l’inspecteur fera ses choux gras de cette résistance silencieuse assumée.

*Le prénom a été modifié.

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