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8% des Français consomment 50% de l'alcool en France: faut-il instaurer un prix plancher?

8% des Français consomment 50% de l'alcool total dans le pays.

8% des Français consomment 50% de l'alcool total dans le pays. - Pexels

Des sénateurs veulent instaurer un prix plancher de 50 centimes par unité d'alcool pur sur les boissons alcoolisées. Une mesure appliquée en Écosse et qui aurait porté ses fruits sur les pratiques addictives.

La consommation d'alcool a fortement chuté sur une longue période. Depuis le début des années 1960, les quantités d’alcool mis en vente en France ont fortement diminué, indique l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). De 26 litres en moyenne par personne âgée de 15 ans et plus en 1961, la consommation en équivalent alcool pur est tombée à 10,7 litres en 2022. Un déclin qui s'explique presque exclusivement par la chute de la consommation de vin qui a été divisé par quatre en 50 ans (le vin était autorisé dans les cantines jusqu'en 1956).

Si les Français dans leur ensemble consomment moins d'alcool, les pratiques addictives de la boisson restent une cause majeure de décès en France. L'alcool serait à l'origine de 49.000 morts prématurées par an selon le Ministère de la Santé. Car comme le rappelle Santé publique France, une minorité de buveurs consomment l'essentiel de l'alcool dans le pays. Les 30% des plus gros buveurs adultes représentent 90% de la consommation totale d'alcool. Et la moitié de l'alcool consommée dans le pays est le fait de seulement 8% des habitants.

C'est pour s'attaquer à cette frange de très gros buveurs que des sénateurs réunis derrière l'apparenté PS Bernard Jomier veulent fixer un prix plancher pour l'alcool. Dans le cadre des débats au Sénat sur le projet de loi de finances 2024, ils ont déposé des amendements afin de fixer à 50 centimes minimum (hors inflation) le prix d'une unité d'alcool par boisson.

Instaurer un prix minimum pour l'alcool : bonne ou mauvaise idée ? - 23/11
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24:24

Pas moins de 24 euros le "cubi"

Une unité d'alcool représente 10 grammes d'alcool pur. Un litre de vin qui a un taux d'alcool de 12% par exemple en contient 96 grammes. Une bouteille standard de 75 cl propose donc sept unités d'alcool (72 grammes). Si les amendements devaient entrer en application, plus aucune bouteille de vin ne pourrait coûter moins de 3,50 euros. Idem pour les très populaires conditionnements en "bag in box" de 5 litres. Alors que la grande distribution propose des offres d'appel à moins de 10 euros, les "cubis" de 5 litres ne pourraient plus coûter moins de 24 euros (pour des vins à 12% d'alcool).

Si la mesure venait à entrer en application, il s'agirait d'une petite révolution dans la stratégie de prévention par le prix fondée en France sur des taxes mais sans interdiction de pratiquer des tarifs d'appel très bas.

Une mesure qui s'inspire de politiques de préventions mises en place dans certains pays d'Europe comme l'Écosse depuis 2018. Depuis, selon une étude publiée en juin sur The Lancet, les ventes d'alcool en Écosse ont chuté de 3 % au cours des trois années suivantes et le nombre de décès entièrement imputables à l'alcool de 13,4%. Des réductions particulièrement importantes selon les auteurs dans les quatre zones les plus défavorisées d’Écosse sur le plan socio-économique.

Pour autant, la bataille des sénateurs est loin d'être gagnée.

"L’Écosse a dû convaincre le lobby du whisky. On a d’autres difficultés ici. C’est le vin, explique Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie sur Public Sénat. Le lobby de l’alcool est très introduit au Parlement comme à la tête de l’Etat. On a toujours lutté contre un refus du Président, dès qu’on est venu titiller cette filière."

Si une majorité sera sans doute difficile à fédérer cette année, les porteurs du projet parient qu'à plus ou moins long terme un prix plancher sur l'alcool sera appliqué dans le pays.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco