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Défense

Guerre en Ukraine: comment des officiers allemands se sont bêtement faits espionner par la Russie

En Allemagne, c'est une déflagration. Le chef de l'Etat russe cherche "à nous déstabiliser, nous insécuriser", a accusé le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, parlant "d'une guerre de l'information que Poutine mène".

En Allemagne, c'est une déflagration. Le chef de l'Etat russe cherche "à nous déstabiliser, nous insécuriser", a accusé le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, parlant "d'une guerre de l'information que Poutine mène". - Ronny HARTMANN

Voici ce que l'on sait d'une affaire d'espionnage qui a visé des officiers allemands discutant sur un réseau non sécurisé d'envoi de missiles à l'Ukraine et des cibles potentielles.

Amateurisme, inconséquence, légèreté, les qualificatifs ne manquent pas pour désigner les officiers allemands impliqués dans cette opération d'espionnage. Vendredi, la chaîne d'Etat russe RT a diffusé 38 minutes de conversations confidentielles entre officiers allemands de haut rang, certainement des généraux.

Cet échange de 18 minutes daterait du 19 février et portait sur l'aide militaire à Kiev. Les propos échangés ont provoqué un refroidissement instantané des relations entre Berlin et Kiev.

Ce que l'on ne sait pas c'est si d'autres fuites seront progressivement diffusées par la Russie, mais surtout, s'il s'agit d'une première. Si ce n'est pas le cas, Moscou aurait plus d'informations qu'elle n'en dit et se garde de les dévoiler pour l'instant.

Comment les officiers allemands ont été espionnés

Les méthodes d'espionnage de personnalités militaires et diplomatiques sont nombreuses et souvent très sophistiquées. Il n'en est rien pour cette opération qui pose de nombreuses questions.

Selon l'hebdomadaire Der Spiegel, plutôt que d'utiliser le réseau interne ultra-sécurisé de l'armée de l'Air allemande, la visioconférence a eu lieu via la plateforme publique WebEx, non pas une version payante et sécurisée, mais via la version gratuite - et donc non sécurisée - de ce service de communication.

Selon la presse allemande, l'un des officiers se serait connecté à cette visio conférence depuis la chambre d'un hôtel à Singapour via le réseau WiFi de l'hôtel. Cerise sur le gâteau, la presse dévoile que sa chambre était en plus truffée de micros.

Pourquoi ces responsables militaires n'ont-ils pas utilisé le réseau interne ultra-sécurisé de l'armée de l'Air? La question reste sans réponse et pointe ainsi de graves failles dans la sécurité de l'armée allemande, accusée d'amateurisme et de légèreté dans la gestion de la sécurité.

Quelles informations ont fuité ?

Cette question reste en partie sans réponse. Selon l'enregistrement audio diffusé vendredi sur les réseaux sociaux depuis la Russie, cette conversation entre officiers de haut rang allemands portait sur une livraison hypothétique à Kiev de missiles de longue portée Taurus qu'Olaf Sholtz refuse de livrer à l'Ukraine par crainte d'une escalade dans ce conflit. Le nombre de 100 missiles livrés en deux tranches a été évoqué. L'effet de surprise tombe à l'eau.

Benaouda Abdeddaïm : Pas de missile allemand Taurus pour Kiev - 23/02
Benaouda Abdeddaïm : Pas de missile allemand Taurus pour Kiev - 23/02
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En plus de cela, les militaires espionnés ont abordé les frappes que l'armée ukrainienne pourrait lancer, notamment le pont de Crimée qui relie la péninsule de Kertch au territoire russe. Selon l'un des officiers, il faudrait entre 10 et 20 missiles pour venir à bout de l'ouvrage.

Pour la formation des opérateurs, les officiers allemands estiment que, contrairement à ce qu'affirme le chancelier Olaf Scholz, elle ne nécessiterait pas l'envoi de troupes au sol pour aider au maniement des armes. On entend au cours de la conversation les officiers révéler des détails sur la manière dont le Royaume-Uni et la France aident l'armée ukrainienne à utiliser les missiles de longue portée Scalp/Storm Shadow que les deux pays livrent à Kiev.

Les réactions en Russie et en Allemagne

Côté Kremlin, le porte-parole Dmitri Peskov affirme que les échanges qui ont fuité montrent "une fois de plus l'implication directe de l'Occident collectif dans le conflit en Ukraine".

"L'enregistrement lui-même témoigne qu'au sein de la Bundeswehr, on discute de manière détaillée et concrète de projets d'effectuer des frappes contre le territoire russe", a déploré lundi Dmitri Peskov.

Les autorités russes ont indiqué lundi avoir convoqué l'ambassadeur allemand, ce que Berlin a démenti, affirmant qu'il s'agissait d'un rendez-vous prévu de longue date.

En Allemagne, c'est une déflagration. Le chef de l'Etat russe cherche "à nous déstabiliser, nous insécuriser", a accusé le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, parlant "d'une guerre de l'information que Poutine mène".

Les responsables politiques y voient une manœuvre de Moscou pour faire pression sur le chancelier Olaf Scholz afin qu'il ne livre pas les missiles Taurus à Kiev, malgré les demandes répétées des Ukrainiens.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco