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"Le gouvernement souhaite la mort du secteur": les professionnels de l'immobilier sont dépités

Le gouvernement a dévoilé ses premières mesures concernant le logement. Elles ne sont pas à la hauteur des attentes du secteur.

Le gouvernement détaille lundi son plan pour désamorcer le "risque de bombe sociale" que constitue la crise du logement, sans convaincre les professionnels du secteur, qui attendaient un "électrochoc" et dénoncent des "mesurettes". Ce plan est tiré des discussions du Conseil national de la refondation (CNR), dont la Première ministre Elisabeth Borne doit conclure le volet logement lundi à 17H30. Sans attendre, Matignon en a dévoilé l'essentiel dès dimanche soir.

Invité de FranceInfo lundi matin, le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, a concédé qu'il y avait "un risque de bombe sociale" lié à la violente crise du secteur, alors que la construction neuve est en chute libre, la location grippée et que le mal-logement touche près de 4,1 millions de personnes. Il est revenu sur les annonces de la veille, à commencer par le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) "pour trois ans" et "pour le collectif neuf en zone tendue", et dans l'ancien "en zone tendue et détendue", pour 600 millions d'euros par an.

La mesure ne concernera donc pas les acquéreurs "d'un petit pavillon" neuf, le gouvernement ayant "fait le choix" de "loger le plus grand nombre", a défendu le ministre. Le plan gouvernemental affiche cinq objectifs: favoriser l'accession à la propriété et à la location, soutenir la production et la rénovation de logements sociaux, relancer la construction et amplifier la rénovation énergétique du parc privé.

La déception

Sur les sujets sensibles, telle la refonte de la fiscalité des meublés touristiques, accusés d'aggraver la crise, de grands chantiers vont être "ouverts", a assuré Matignon. Olivier Klein s'est dit favorable à "taxer plus les Airbnb". Il a encouragé les maires "à construire du logement social" et a défendu l'augmentation des loyers plafonnée à 3,5% jusqu'en juin 2024, une décision qui sera étudiée par le Sénat dans les jours qui viennent.

Alors que le nombre de ménages en demande d'un logement social (2,42 millions) n'a jamais été aussi élevé et que celui des personnes sans domicile a grimpé (à 330.000), les attentes du secteur étaient énormes. Pour autant, les 14 dispositions techniques dévoilées (fin du dispositif Pinel d'investissement locatif, aides à la location, soutien à la construction...) ne comprennent aucune mesure choc comme l'encadrement des prix du foncier, l'une des propositions fortes issues du CNR.

Avant même la prise de parole d'Elisabeth Borne, le monde du logement n'a pas caché sa déception, même si certains espèrent encore de nouvelles annonces.

"En l'état, ce plan n'est pas de nature à répondre aux immenses inquiétudes, aux défis qui sont devant nous, ça manque de souffle, il y a peu d'objectifs chiffrés, pas vraiment de recentrage social", a réagi auprès de l'AFP le directeur général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, également co-animateur du CNR.

"La montagne accouche d'une souris"

"J'ai du mal à comprendre le lien entre l'engagement qu'ils annoncent et des mesurettes, voire des engagements extrêmement vagues", a souligné Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, qui représente les bailleurs sociaux.

"Il n'y a aucune annonce qui augmente les moyens pour produire plus de logements sociaux", a-t-elle ajouté.

"Après sept mois de travail et plus de 200 personnes à l'oeuvre, la FFB attendait un électrochoc. C'est une déception! Quasiment aucune des propositions faites par le secteur n'a été retenue", a fustigé le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron.

Même son de cloche chez les artisans, le président de la Capeb Jean-Christophe Repon jugeant les annonces "pas suffisamment ambitieuses". "Ce sont des mesurettes, un rapiéçage, un raccommodage, l'utilisation d'anciens dispositifs qui ont plus ou moins connu un succès", a abondé Loïc Cantin, président de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier). Pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), "la montagne accouche d'une souris".

"Il n'y a pas d'incitation pour les maires bâtisseurs, il n'y a pas de statut du bailleur privé, on programme l'arrêt du Pinel alors qu'on en a besoin", a-t-il égrené. "Tout ça pour ça !"

Pour Loïc Cantin, président de la FNAIM, "ces premières propositions, pour la plupart court-termistes, ne sont pas à la hauteur des enjeux et de la crise à laquelle nous sommes confrontés, et ne répondent à aucune des urgences identifiées par les professionnels, que ce soit pour le logement social ou pour le logement privé neuf et ancien. Le gouvernement manque d'une vraie vision sur le logement, mais le pays ne peut plus en faire l’économie".

"La casse sociale sera d’envergure"

Damien Hereng, président de la Fédération Française des Constructeurs de maisons individuelles, s'énerve: "Nous nous attendions à des mauvaises nouvelles, nous sommes servis! Le gouvernement par ces annonces souhaite la mort du secteur de la construction neuve et des milliers d’entreprises qui au quotidien participent à la création de lieux de vie pour nos concitoyens! La casse sociale sera d’envergure. Nous sommes devant un gouvernement complétement hors-sol avec une vision du logement parisienne oubliant les besoins, les attentes de millions de concitoyens qui n’ont pas pour unique ambition d’être locataire d’un logement social".

Anticipant les critiques, Matignon soulignait dimanche que "ce n'est pas en une fois que l'on résout l'intégralité de la politique du logement". Ces annonces sont "tout sauf un point final", a aussi promis Olivier Klein.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze avec AFP Journaliste BFM Éco