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En quoi consiste le poste d'officier de liaison LGBT, inauguré par la préfecture de police de Paris?

Préfecture de Police de Paris (illustration)

Préfecture de Police de Paris (illustration) - AFP

La préfecture de police de Paris a confié, le 7 octobre dernier, le poste d'officier de liaison LGBT à Mickaël Bucheron. Ce dernier sera notamment chargé d'orienter et d'accompagner les victimes d'actes LGBTphobes dans leur dépôt de plainte, une action parfois difficile à entreprendre pour elles.

Le chiffre est impressionnant. En France, seulement 4% des victimes d'insultes homophobes portent plainte ou déposent une main courante, selon une enquête de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), diffusée en 2017. 

Ce pourcentage reflète les difficultés et les appréhensions importantes des personnes LGBT lorsqu'elles se rendent dans un commissariat pour dénoncer les actes LGBTphobes (insultes, rejet, agressions, discriminations…) dont elles sont victimes. Ces actes ont pourtant augmenté de 15% en 2018, selon le dernier rapport de l'association SOS homophobie.

C'est pour remédier à cette situation que la Direction de la Sécurité de Proximité de l'Agglomération Parisienne (DSPAP) de la préfecture de police de Paris a approuvé la création d'un poste d'officier de liaison LGBT. Une petite révolution dans l'univers de la sécurité, qui s'est concrétisée le 7 octobre dernier avec la nomination de Mickaël Bucheron.

"Les victimes d'actes homophobes peuvent avoir peur d'être mal reçues"

Cet ancien membre du commissariat du 19e arrondissement de la capitale, âgé de 45 ans, souligne ainsi auprès de BFMTV.com que "les victimes d'actes homophobes peuvent avoir peur d'être mal reçues dans un commissariat et de faire face à des commentaires, des quolibets de la part des policiers." "Cette appréhension n'est parfois pas justifiée mais reste nourrie par des préjugés", ajoute-t-il. 

Son rôle est donc d'abord d'accueillir, d'orienter et d'accompagner les victimes de LGBTphobies qui voudraient déposer plainte.

Mickaël Bucheron souhaite "favoriser le recueil des plaintes et contribuer à ce que les victimes puissent le faire sans aucune inquiétude". Il peut même, dans certains cas, recueillir lui-même la plainte de la personne.

L'officier de liaison LGBT suit également avec attention les procédures pour "s'assurer que le caractère aggravant d'homophobie ou de transphobie apparaisse bien dans les plaintes, car cela arrivait qu'il ne soit pas retenu". Tous les dossiers liés aux LGBTphobies lui sont automatiquement transmis. Il peut, si une victime ou une association le contacte, vérifier où en est une procédure pour laquelle elles seraient sans nouvelle.

Recenser avec précision le nombre d'actes LGBTphobes à Paris

Mickaël Bucheron veut aussi, grâce à son poste, "assurer le lien entre le tissu associatif LGBT et la préfecture de police de Paris". Le but est de "faire remonter les éventuelles difficultés que rencontreraient les associations LGBT sur l'accueil des victimes au sein de l'institution policière".

"Les associations doivent vraiment s'attribuer l'officier de liaison et ne pas hésiter à me contacter quand on leur rapporte des situations délicates dans un service", affirme-t-il. Depuis sa nomination, il a déjà reçu plusieurs associations, se posant comme la personne faisant le lien entre ces deux mondes distincts. 

Le policier de 45 ans désire, enfin, établir un état des lieux précis des actes homophobes et transphobes sur Paris et la petite couronne. Ce relevé permettra d'"avoir une meilleure connaissance de la montée des LGBTphobies" et d'"apporter un éclairage sur la réponse policière et la réponse pénale à ces actes". Si l'association SOS homophobie diffuse chaque année, depuis 1997, un rapport sur les LGBTphobies en France, elle se base seulement sur les témoignages qu'elle a recueillis. Le chiffre, nécessaire, ne reflète donc pas nécessairement l'étendue de la réalité.

Des personnels de police peu formés aux questions LGBT

En France, les personnes LGBT souffrent d'un manque de formation des policiers, comme le soulignait une enquête de Têtu, publiée l'année dernière. Après une agression homophobe à Arles en juin 2018, le député LaREM Raphaël Gérard indiquait ainsi, dans une lettre diffusée sur Twitter, avoir saisi le ministre de l'Intérieur de l'époque Gérard Collomb pour pointer du doigt "le manque de sensibilisation et de formation des personnels de police face aux problématiques liées à l'identité de genre ou l'orientation sexuelle". 

En novembre 2018, la secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa annonçait plusieurs mesures pour lutter contre les violences envers les personnes LGBT. Parmi elles, la mise en place de référents accueil luttant contre la haine anti-LGBT dans tous les commissariats. Si une circulaire de la direction générale de la police nationale a rappelé, en janvier dernier, cette mesure, comme le rapportait le site web de LCI, le gouvernement n'a cependant pas communiqué sur son application effective. 

Mickaël Bucheron souhaite, néanmoins, profiter de l'existence de ces référents LGBT dans les commissariats "pour animer ce réseau, faire remonter des informations et donner des pistes sur les difficultés rencontrées ici ou là".

Une avancée similaire à Marseille

Si Paris est la première ville à bénéficier de la création d'un officier de liaison LGBT, une avancée similaire existe dans une autre ville française. La police marseillaise a, ainsi, nommé Frédérique Jeckel référente sur les questions LGBT en mars dernier. Elle s'occupe du suivi des procédures en cours et conseille les policiers en charge d'accueillir les victimes de LGBTphobies. 

Si Paris et Marseille apparaissent aujourd'hui comme précurseurs dans le domaine de l'accueil des personnes LGBT dans les commissariats, Mickaël Bucheron espère que cette initiative se démocratisera sur tout le territoire. "Ce sera à nos deux villes d'en démontrer la pertinence", conclut-il, optimiste.

Clément Boutin