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Agression à Bordeaux: relayer la vidéo sur les réseaux sociaux peut vous coûter très cher

L’agression filmée d’une grand-mère et d’une jeune fille à Bordeaux a largement circulé sur les réseaux sociaux, provoquant l’émoi. Mais la diffusion des images brutes est totalement interdite.

L’acte est d’une rare violence. Une septuagénaire et sa petite-fille ont été victimes, ce lundi, d’une agression à Bordeaux. Une scène en partie filmée par la caméra d’un interphone et dont les images se sont rapidement propagées sur internet.

Certains politiques l’ont ainsi mise en ligne sur les réseaux sociaux, à commencer par Eric Zemmour, qui l’a publiée sur Twitter sans prendre le soin de flouter les visages des victimes. L’ancien candidat à la présidentielle a finalement modifié son tweet, en masquant les visages sur une seconde version de la vidéo. Ne souhaitant pas supprimer la première version, il laisse toutefois librement accessible la séquence d’origine, qui cumule plus d’un million de vues.

Millions de vues

En parallèle, la vidéo s’est propagée rapidement, cumulant des millions de vues à travers de nombreux comptes. Ce mardi matin, la vidéo non censurée circulait largement, portée par des personnalités comme Eric Naulleau ou le compte Twitter à plus de 550.000 d’abonnés @CerfiaFR, qui a affiché la vidéo plus de deux millions de fois, avant de finalement supprimer cette dernière "par respect envers les victimes et pour éviter toute poursuite.

Sauf que la diffusion de cette vidéo est totalement illégale. Dans un premier temps, c'est l'article 222-33-3 du code pénal qui pourrait être invoqué, précise l'avocat spécialisé en droit pénal, connu sous le pseudonyme de Maître Eolas, auprès de Tech&Co.

Le texte précise que "le fait de diffuser l'enregistrement" d'une agression est punie de "cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d’amende". Des sanctions qui peuvent s'appliquer à ceux qui diffusent initialement la vidéo, mais également à ceux qui la partagent en la retweetant. En revanche, le Code pénal précise que ces sanctions ne s’appliquent pas aux médias.

Relayer de telles images sans l'accord des personnes concernées est par ailleurs passible de sanctions au civil, comme le rappelle l'article 9 du Code civil, protégeant la vie privée.

“Il y a par ailleurs le RGPD (règlement européen sur la protection des données personnelles, ndlr) qui s’applique, notamment par le biais de l’article 17 concernant le droit à l'effacement” précise Alexandre Archambault, avocat spécialisé dans le numérique, auprès de Tech&Co.

Si la plupart des médias ont relayé la version floutée de la vidéo de l’agression de Bordeaux, la grand-mère ou les parents de la petite fille agressée auront ainsi la liberté de demander le retrait total de la séquence.

Enquête Pharos

Face à la diffusion massive de la séquence, en toute illégalité, le compte officiel de la cybergendarmerie a appelé les internautes confrontés à de telles images à les signaler sur la plateforme Pharos. En milieu de matinée, la Police nationale a annoncé que ses enquêteurs avaient été saisis.

Tweet mis en ligne par la Police nationale ce 20 juin 2023
Tweet mis en ligne par la Police nationale ce 20 juin 2023 © Twitter (Police nationale)

De son côté, Twitter n’a pour l’heure supprimé aucun de ces contenus illicites, malgré leur très large audience. Interrogé à ce sujet par Tech&Co, l’entreprise a répondu automatiquement par un émoji “crotte”, à la suite de la décision de son propriétaire Elon Musk de ne communiquer avec les médias que de cette façon.

Le 8 juin dernier, l’attaque au couteau dans un parc public d’Annecy avait aussi été largement relayée sur les réseaux sociaux. Là encore, la cybergendarmerie avait rappelé que les “internautes qui diffusent et partagent des vidéos montrant des violences aux personnes s’exposent à des sanctions pénales.”

Thomas Leroy et Raphaël Grably