CRYPTOMONNAIES - Le projet de cryptomonnaie de Facebook ne doit pas se transformer en projet de “monnaie souveraine”, a mis en garde mardi le ministre des Finances Bruno Le Maire, jugeant nécessaire que le géant américain présente des “garanties” à ce sujet. “Que Facebook créé un instrument de transaction, pourquoi pas. En revanche, que ça devienne une monnaie souveraine, il ne peut pas en être question”, a déclaré le ministre sur Europe 1.
″Ça ne peut pas et ça ne doit pas devenir une monnaie souveraine, avec tous les attributs d’une monnaie, c’est-à-dire la capacité à émettre un titre souverain” et à servir de “réserve”, a-t-il poursuivi. “J’ai demandé aux gouverneurs des banques centrales des sept pays membres du G7 de nous faire un rapport pour la mi-juillet pour qu’ils nous disent ‘voilà les garanties qu’il faut fixer sur ce projet de monnaie’”, a ajouté le ministre, jugeant nécessaire de “protéger les consommateurs”.
Ce mardi 18 juin, Facebook dévoile son livre blanc concernant sa propre cryptomonnaie (cliquez ici pour tout savoir dessus), Libra, qui devrait être lancée en 2020.
La monnaie, adossée à un panier de monnaies existantes, pourra s’échanger sur l’ensemble des plateformes appartenant au groupe - WhatsApp, Instagram, et Facebook- mais pas seulement. Pour son projet, Mark Zuckerberg a lancé un large “appel d’offres” à ses partenaires, afin d’ouvrir l’éco-système de sa monnaie.
Une arrivée remarquée dans le monde monétaire qui n’est pas sans susciter quelques interrogations.
Facebook compte effectivement 2,3 milliards d’utilisateurs actifs, soit près d’un quart de la population mondiale. Cela fait donc potentiellement plusieurs millions d’utilisateurs du Libra. De quoi déstabiliser les gouvernements?
Selon Grégory Raymond, journaliste pour le magazine Capital et spécialiste des cryptomonnaies, ce sont plutôt les utilisateurs qui doivent se méfier... et les banques. “Cela me paraît dangereux qu’un tel acteur obtienne autant de données importantes sur les citoyens. Pensez-y: Facebook pourrait en savoir plus sur vous que le fisc et pourrait monnayer ces infos à des entreprises privées. Cela devrait poser la question du démantèlement de Facebook avec plus d’insistance”, détaille le journaliste, avant d’ajouter que ce sont les institutions bancaires qui doivent aussi se méfier: ”À court terme, ce sont plutôt les banques qui ont du souci à se faire. L’ampleur de ce qui se prépare pour elles est mille fois supérieure à ce qu’elles ont subi avec l’émergence des FinTechs. Et là, elles ne pourront pas racheter leur concurrent”, explique-t-il.
Sur Atlantico, Michel Ruimy, Professeur à Sciences po et économiste à la Banque de France, abonde en ce sens et n’exclut pas qu’une une fois la valeur d’usage de sa cryptomonnaie développée, Facebook ait toute latitude pour faire évoluer sa “politique monétaire” et se mette à agir “non seulement comme une banque commerciale, mais aussi comme une... banque centrale”. “A terme, Facebook aurait les moyens de devenir une sorte de banque centrale privée”, analyse-t-il.
“Le protocole faisant tourner Libra sera contrôlé par une fondation installée en Suisse, ajoute Grégory Raymond. Ce mode de gouvernance montre que Facebook a compris qu’il fallait partager les responsabilités pour inspirer de la confiance. Toutefois, on ne sait pas à quel point Facebook exercera son pouvoir. Facebook aura-t-il un droit de veto? La technologie sera-t-elle en open source ou appartiendra-t-elle à Facebook?” It’s complicated...
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