Résolue à réguler les prix de son électricité, la France essuie une nouvelle défaite en Europe

Dans une proposition de compromis sur la réforme du marché de l’électricité dévoilée mercredi par Contexte, la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne supprime la possibilité pour la France de réguler les prix de son parc nucléaire. Hier encore, l’Elysée affirmait pourtant que l’Hexagone se rapprochait d’un accord avec l’Allemagne, jusqu’ici fermement opposée à l’idée de laisser son voisin contrôler les tarifs de son électricité, pour ne pas lui conférer un avantage comparatif. Néanmoins, ce coup de théâtre pourrait, paradoxalement, constituer une relativement bonne nouvelle pour l'Hexagone. Explications.
Marine Godelier
Une nouvelle proposition de compromis du Conseil de l'UE fait encore barrage aux intérêts de l'Hexagone.
Une nouvelle proposition de compromis du Conseil de l'UE fait encore barrage aux intérêts de l'Hexagone. (Crédits : YVES HERMAN)

Nouveau rebondissement dans le dossier explosif de la réforme du marché européen de l'électricité. Alors que l'Elysée se disait hier « confiant pour obtenir un accord », persuadé que l'opération séduction d'Emmanuel Macron à Hambourg avait convaincu le chancelier allemand, Olaf Scholz, de laisser la France « contrôler les prix de [son] électricité », le sujet continue de piétiner. Et pour cause, ce mercredi 11 octobre, une nouvelle proposition de compromis du Conseil de l'UE fait encore barrage aux intérêts de l'Hexagone.

Lire aussiA Hambourg, Macron va tenter de convaincre Scholz sur la régulation des prix du nucléaire

En effet, tandis que le gouvernement tricolore se bat pour pouvoir réguler le parc nucléaire d'EDF après 2025, via l'accès à des contrats à prix fixes garantis par l'Etat (CfD), le texte rédigé par la présidence espagnole (à la tête du Conseil jusque fin décembre) et dévoilé ce mercredi par Contexte...supprime purement et simplement cette possibilité. Or, c'est bien cette version qui sera présentée aux ambassadeurs des Vingt-Sept le 13 octobre, puis aux ministres de l'Énergie réunis à Luxembourg le 17 octobre.

Concrètement, pour éviter tout avantage comparatif à la France sur les autres pays du Vieux continent, seuls les nouveaux réacteurs, construits trois ans après l'entrée en vigueur de la réforme du marché de l'électricité, auront accès aux prix garantis par les CfD si ils demandent un soutien public. En d'autres termes, rien dans cette ébauche n'autorise l'Etat à administrer les tarifs issus du parc historique d'EDF. A priori, ceux-ci devraient donc se voir soumis au prix (aujourd'hui exorbitants) du marché, au détriment des consommateurs français, professionnels comme particuliers.

« Nous sommes en train d'évaluer la proposition espagnole en lien avec l'ensemble des affinitaires. Notre objectif constant est de proposer pour l'Europe une réponse à la hauteur des défis de la concurrence internationale comme l'IRA [l'Inflation reduction act américain, ndlr] qui réduise la volatilité des prix de l'électricité et donne un cadre prévisible permettant aux producteurs européens d'investir dans de nouvelles capacités comme aux consommateurs européens d'accéder à une électricité décarbonée compétitive [...] C'est à l'aune de ces objectifs que nous examinerons le texte en vue du Conseil », réagit-on au ministère de la Transition énergétique.

Bataille de compétitivité

Interrogé, l'Elysée n'a pas souhaité réagir. Il faut dire qu'hier encore, la présidence de la République se voulait optimiste. « Nous sommes bien partis pour que l'intégralité du parc existant soit inclus dans les CfD. C'est-à-dire toutes la production des centrales existantes », affirmait alors à La Tribune une source proche d'Emmanuel Macron.

« Nous voulons ensemble faire en sorte que l'Europe conserve sa souveraineté dans ce domaine et que le système énergétique européen puisse assurer la croissance et des prix de l'électricité bas », soulignait lui-même publiquement Olaf Scholz à l'issue de la rencontre avec Emmanuel Macron, assurant qu'il était « possible de développer un point de vue commun ».

Jusqu'ici, l'Allemagne, effrayée à l'idée de perdre en compétitivité industrielle face à l'Hexagone, se mettait en travers du chemin de la France. « Ce que je crains, ce n'est pas qu' [elle] possède des centrales nucléaires. Ce que je crains, c'est que l'exploitant des centrales nucléaires puisse proposer des prix bon marché, inférieurs à la valeur du marché », avait d'ailleurs clarifié le vice-chancelier allemand à l'Économie, Robert Habeck, lors d'un événement à Rostock, dans le nord du pays, en septembre.

Néanmoins, la suppression du passage concernant la régulation du nucléaire existant pourrait, paradoxalement, constituer une relative bonne nouvelle pour Paris. Et pour cause, dans les faits, rien dans le texte n'interdit nommément à la France d'autoriser des CfD pour tous ses réacteurs, puisque celui-ci ne mentionne plus que ceux sur les futures installations. Or « ce qui n'est pas interdit est autorisé », glissait vendredi à La Tribune l'eurodéputé Renew Christophe Grudler. Plus précisément, tandis que l'Allemagne proposait de graver dans le marbre une limitation des CfD a une petite partie des installations existantes d'EDF, la disparition pure et simple de l'article concerné éviterait donc à la France un cadre explicitement restrictif.

« S'il n'y a pas de mention des CfD, on peut sans doute faire ce que l'on veut pour le nucléaire, mais il convient de vérifier ce point auprès de tous les pays qui utilisent le nucléaire ; je suis en train de faire ce travail auprès des parlementaires affinitaires », ajoute Christophe Grudler.

Lire aussiNucléaire : EDF en discussion avec 8 pays européens pour vendre ses EPR

Attention cependant : la proposition espagnole ne sera pas forcément le texte final approuvé par les Vingt-Sept, mais servira simplement de base de discussion lors de la prochaine réunion des Etats membres du 17 octobre. Il faudra donc attendre cette date pour savoir si l'accord évoqué hier par Emmanuel Macron, « à portée de main » selon le chef de l'Etat, aura finalement lieu.

Vers un plan B ?

Une chose est sûre : en France, l'exécutif s'accroche toujours à son projet de loi sur la régulation des prix, qui devra être présenté d'ici à la fin de l'année. Fin septembre, Emmanuel Macron avait même promis aux Français d'annoncer une reprise du « contrôle du prix de notre électricité » dès le mois d'octobre.

« Le gouvernement nous a confirmé qu'il prévoit une concertation des parties prenantes, avant la présentation d'un projet de loi au Parlement en décembre. On nous assure qu'il y aura bien une régulation, mais la question, c'est de savoir si elle découlera d'un accord de l'UE ou pas », glissait il y a quelques jours Frank Roubanovitch, président de l'association de grands consommateurs d'énergie CLEEE.

Dans le deuxième cas, le gouvernement français envisagerait de s'en tenir à un prix plafond au-delà duquel EDF ne pourrait pas aller, sans pour autant instaurer de CfD (donc de prix plancher, considéré comme une aide d'Etat par Bruxelles). Soit la puissance publique récupérerait la différence entre le prix de marché et ce plafond, soit EDF s'engagerait à ne pas proposer de tarifs au-delà dans ses contrats.

Reste à savoir quel en serait le montant. Alors que le chiffre de 120 euros par mégawattheure circulait il y a quelques semaines chez EDF, un rapport de la Commission de la régulation de l'énergie (CRE) commandé par l'exécutif semble avoir définitivement enterré cette possibilité. Et pour cause, celle-ci table sur des coûts de production autour de 60 euros le MWh. Or, le gouvernement entend obliger EDF à vendre à un tarif proche de ses coûts de production, alors que les cours de marché flirtent autour de 150 euros le MWh pour 2025.

Lire aussiPourquoi EDF et le gendarme de l'énergie s'écharpent sur les vrais coûts du nucléaire

Marine Godelier

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Commentaires 33
à écrit le 13/10/2023 à 15:03
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L'U.E. était censée permettre le développement économique de chaque pays mais c'est tout le contraire que des contraintes et des obligations qui mettent à terre l'économie européenne. La France doit refuser de mettre en place toutes les mesures qui s...

à écrit le 12/10/2023 à 17:11
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Après la corruption notamment du frère de la Présidente teutonne Ven Der LEYEN et plus généralement de la position anti nucléaire Allemande, sortir la France du marché de l'énergie européenne. Les Français n'ont pas à payer le prix de l'électricité f...

à écrit le 12/10/2023 à 15:31
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remettons une bonne fois l église au milieu du village question qui a dérégulé l électricité ? puisqu on a une classe de savant on devrait y arriver. réponse SARKOZY qui en 2010 a créer la loi NOME qui a mis fin au monopole d EDF et fait exploser ...

à écrit le 12/10/2023 à 14:13
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Le 9 juin se dérouleront les élections européenne. Alors, soit vous votez comme ces 50 dernières années et vous nous envoyez tous dans le gouffre, soit vous vous réveillez.

à écrit le 12/10/2023 à 13:31
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Elle n'essuie aucune défaite , elle se SOUMET aux dictats de la dictature a laquelle elle appartient a l'insu de son plein gré et a L Allemagne Posez vous la BONNE question , Macron est il un agent infiltré du neo libéralisme ,la réponse est oui

à écrit le 12/10/2023 à 11:56
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Faîtes de votre vote aux élections européennes de 2024 un véritable avertissement aux dirigeants européens : ce qu'ils font de l'Europe n'est pas le souhait des citoyens français.

à écrit le 12/10/2023 à 11:07
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C’est quand même « dingue » de ne pas être maître de sa propre production électrique et d’avoir des contraintes supranationales. Merci qui? Sarkosy,Hollande et Macron.

à écrit le 12/10/2023 à 10:07
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Hmmm, la France se targue toujours d'avoir le 2 eme réseau diplomatique le plus dense au monde , ce qui coûte des milliards. Mais á voir les résultats de la France à l'international, on se demande, si la France a une diplomatie digne de ce nom!!! Pas...

à écrit le 12/10/2023 à 10:06
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Lorsque l'état est faible les sorcières apparaissent indiquait Michelet, nous sommes gérés par de petits gestionnaires même pas des comptables au vu de notre dette abyssale. Actuellement la question pour certains est moins d'assurer une production d'...

à écrit le 12/10/2023 à 10:06
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Il y a quinze jours MR Macron affirmait que le pays devait retrouver sa souveraineté énergétique en matière de prix KWH ,mai comme toujours après sa rencontre avec l.allemand de service il est revenu bredouille, que dis-je la queue entre les jambes ,...

à écrit le 12/10/2023 à 8:59
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"qui sera présentée aux ambassadeurs des Vingt-Sept" LOL ! On en apprend tous les jours des nouveaux emplois fictifs en UERSS empire prévu pour durer mille ans ! Tout ça pour pouvoir se déplacer sans leurs femmes certainement,. Le déclin c'est toujou...

à écrit le 12/10/2023 à 0:05
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Macron c'est la 5 eme colonne.. celle de l'étranger qui combat contre les interets des français. c'est évident. il attend la fin de son quinquennat pour passer à la caisse des grandes sociétés et de la commission européenne. Pas de mot assez dur pou...

le 12/10/2023 à 2:46
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Les francais l'ont plebicite deux fois. Faites avec, encore 4 ans. Pauvres de vous.

à écrit le 11/10/2023 à 23:18
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La solution est connue depuis plus d'un an : sortie du marché européen de l'électricité, ce qui n'entravera en rien les échanges transfrontaliers, comme le montrent le cas de l'Espagne et du Portugal. Certes, cela pourrait être un signal de détricota...

à écrit le 11/10/2023 à 20:34
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Macron c’est 6 ans d’échec dans tous les domaines..jusqu’à quand allez vous le couvrir..jusqu'à la guerre.vous avez pas attendre longtemps....

le 12/10/2023 à 10:55
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Macron a des résultats économiques indéniable. Baisse historique du chômage, baisse des impôts, attractivité de la France la plus élevée en Europe. Beaucoup de pays voisins jalousent notre production nucléaire alors qu'ils sont beaucoup plus dépendan...

le 12/10/2023 à 18:12
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@marc469. "Refux temporaire" du chômage avec pour corollaire une paupérisation grandissante; baisse "des impôts" avec pour corollaire de nouvelles taxes; attractivité de la France par les allégements fiscaux concédés aux investisseurs à court terme (...

à écrit le 11/10/2023 à 19:03
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Frexit en vue ?

à écrit le 11/10/2023 à 19:01
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Quand il y a une distorsion compétitive liée à des paradis fiscaux (pays bas, Luxembourg, Irlande), pas de problème. Or il s’agit de droit, régalien. Mais pour l’énergie, le fait d’avoir développé une énergie compétitive, ça devient une distorsion de...

le 11/10/2023 à 21:27
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le marche evolue. Les prix evoluent tres vite. Aujourd hui le mWh produit par des ENR est bien plus competitif que le mWH nucleaire nouveau....contrairement aux prix de 2015, L Allemagne, aujourd hui est en position de forçe; elle produit 50% de son ...

le 11/10/2023 à 21:56
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Le MWh des ENR est plus compétitif LORSQU'ELLES PRODUISENT. C'est l’intermittence qui fait monter le prix moyen en forçant le maintien de centrales à charbon pour pallier les défaillances.

le 11/10/2023 à 22:13
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L’Allemagne paye plus chère son électricité, pollue plus avec ses centrales à charbon, et elle est beaucoup dépendante que nous des russes.

à écrit le 11/10/2023 à 18:40
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Comme de coutume, le bonnet d'âne, mais la France se rassure comme elle le peut. Cocorico🤡

à écrit le 11/10/2023 à 18:38
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"l’Elysée affirmait... " C'est justement là le problème. Ils n'ont plus les pieds sur terre, prennent leurs désirs pour des réalités, et le résultat est qu'on joue toujours, au final, les dindons de la farce de leur psychose collective, au nom de leu...

à écrit le 11/10/2023 à 18:30
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Il faut aller au clash avec l’union. On a un parc nucléaire conséquent profitons en. Pour les autres, demerdez vous.

à écrit le 11/10/2023 à 18:24
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Pas étonnant , l'Espagne est toujours du coté de l'Allemagne , en embuscade , il va falloir punir ceux qui sont toujours contre nos intérêts , le SCAF n'ira pas au bout , rappelez vous Arcelor et la trahison espagnole ...

à écrit le 11/10/2023 à 18:20
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L'union Européenne est une arme de destruction de la France. Et nos dirigeants serviles s'y soumettent depuis Maastricht. Écoeurant

le 11/10/2023 à 18:45
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Ben oui, mais la France de Raymond Barre (monétariste) l'a voulue cette Union européenne, avec sa zone monétaire non optimale en prime, rappelez-vous😉

le 11/10/2023 à 18:56
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Nous sommes plus forts à l'intérieur de l'Europe. Mais le problème est que les Européens ont été jusqu'à présent incapables de faire des Etats-Unis d'Europe, avec un leader élu par le peuple européen, des objectifs clairs, etc. Il y a trop de nationa...

à écrit le 11/10/2023 à 18:19
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333 Francs le MWh max ! Le prix de l'électricité en France est un sujet qui ne concerne AUCUN ÉTRANGER ! L'explosion générale des prix est intégralement due aux décisions stupides prises par le régime gauchiste de macron ! (1 Franc = 0.15 eur)

le 11/10/2023 à 19:17
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Rappelons que la casse du nucléaire français a été initiée par F. Hollande (par idéologie, et par opportunisme électoral, pour plaire à ses alliés EELV…), avant d'être poursuivie par E. Macron. Des présidents visionnaires, à n'en pas douter ! (Et E. ...

à écrit le 11/10/2023 à 18:15
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Les Allemands ont voulu sortir du nucléaire… c'était leur droit le plus stricte, mais qu'ils assument ! Au lieu de cela, ils veulent continuer à entraver la route de ceux qui n'ont pas commis la même grossière erreur stratégique (aussi bien économiq...

à écrit le 11/10/2023 à 17:50
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Il est assez désopilant que ce soit au nom du capitalisme 'libéral' que l'on prenne ce genre de décisions. Il me semblait que l'avantage comparatif était justement au coeur de l'optimisation du marché. En agissant de la sorte l'UE garantit la sélecti...

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