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Marseille : après la fusillade à St-Thys, "ce n'est plus un sentiment d'insécurité, c'est l'insécurité totale"

Hier matin, les habitants de la cité étaient en état de choc et dénonçaint "l'abandon" de leur quartier par l'État.

Hier matin, les habitants de la cité étaient en état de choc et dénonçaint "l'abandon" de leur quartier par l'État.

Photo DR

Marseille

Dimanche soir, deux individus ont fait irruption dans la cité Saint-Thys (10e) et ont tiré deux rafales à la kalachnikov. Un projectile a traversé le mur de la chambre d’une jeune femme de 24 ans qui se trouvait chez elle. Atteinte à la tête, elle est en état de mort cérébrale.

Ils vivent dans la cité depuis cinq, dix ou quinze ans et hier matin, le choc le disputait à la colère. "C'est une cité calme normalement, témoigne cette mère de famille, un enfant en bas âge dans chaque main. C'est vrai qu'on a l'habitude des feux d'artifice ou de mortiers, mais ça..." Comme elle, de nombreux riverains ont sursauté dimanche soir, quand les premiers tirs de kalachnikov ont résonné à l'entrée de la cité. "On a attendu un quart d'heure, puis on est allé voir au balcon, raconte Mohamed. On a eu peur, évidemment. On voit que le quartier se dégrade. Il est délaissé par l'État, par tout le monde."

Pourtant, au rez-de-chaussée de ces immeubles de quatre étages, certains commerces tiennent bon. "Au début, c'était le paradis. On avait des commerces de proximité, une boulangerie... puis le tabac a fermé mais la pharmacie a rouvert", poursuit Mohamed. Une pharmacie dont le rideau portait, hier matin, les multiples stigmates de la fusillade de la veille, dont une jeune femme de 24 ans a été victime. "Elle a pris une balle perdue, qui a traversé le mur. Ça aurait pu être moi, ma mère ou ma soeur, répète un voisin adolescent, qui vit dans le même immeuble. De ce côté-là, il y a les chambres. Alors cette nuit, après les coups de feu, je suis allé dormir dans le salon. J'étais pas serein."

Une situation qui, selon les habitants du quartier, se détériore depuis quelques années. Lionel*, lui, ne laisse plus ses filles rentrer seule à la maison. "Je leur dis de m'appeler quand elles sont là et je vais les chercher, confie ce père de famille. Pour lui, Saint-Thys a "complètement été abandonné. La police municipale est là pour sécuriser le passage piéton devant l'école, aux heures de rentrée et de sortie. Mais sinon, on voit jamais un policier. On dirait qu'ils se concentrent sur le centre-ville, ou les cités des quartiers Nord. Mais dans les quartiers périphériques comme ici, il n'y a personne."

"Arrêtez-le ! Il vient du point de deal !"

Alors que les caméras, objectifs et micros d'une douzaine de journalistes sont braqués sur le quartier où des fonctionnaires de police procèdent aux constatations et interrogatoires, certains riverains n'hésitent pas à les interpeller. "Regardez ! Arrêtez-le, il vient du point de deal d'en haut. Tout le monde le sait et personne ne fait rien !", vocifère un homme, pointant du doigt un jeune déboulant à scooter, avant de quitter la cité.

Entre ras-le-bol et résignation, certains confient leur désir de quitter les lieux. "Ça a jamais été comme ça ici, on était tranquille, loin de tout, souffle une jeune femme. Maintenant, on ne se sent plus en sécurité." Et Lionel d'abonder : "On n'est plus dans le sentiment d'insécurité, on est dans l'insécurité totale. Les gens commencent vraiment à baliser mais n'ont pas les moyens de vivre ailleurs. J'espère juste que les prochains ne seront pas mes enfants."

*Le prénom a été changé