Dette de la Ville de Paris : le milliard de la discorde

Publié le 18 juin 2020 à 18h23
Rachida Dati et Agnès Buzyn se sont attaquées à la gestion budgétaire d'Anne Hidalgo.
Rachida Dati et Agnès Buzyn se sont attaquées à la gestion budgétaire d'Anne Hidalgo. - Source : THOMAS SAMSON / AFP

À LA LOUPE – Lors d'un débat en vue du second tour des municipales, les candidates à la mairie de Paris ont débattu sur la dette, dont le chiffrage a fait l'objet d'échanges musclés. On fait le point.

Réunies à 10 jours du second tour des élections municipales, les candidates à la mairie de Paris ont débattu et confronté leur programme sur France Info. L'occasion d'observer des divergences, concernant la question de la dette par exemple. Agnès Buzyn a notamment reproché à la maire sortante de l'avoir accrue durant son mandat, quand Rachida Dati a assuré que l'on se trouvait aujourd'hui à "près de 7 milliards".

Ce chiffre, Anne Hidalgo et ses équipes le contestent, indiquant que les comptes font état d'une dette un milliard d'euros moins importante. Des passes d'armes qui font écho à celles observées depuis plusieurs années dans la capitale entre l'équipe municipale et l'opposition, Rachida Dati dénonçant en effet très régulièrement ce qu'elle nomme des "dettes cachées"

Pour mieux comprendre ces échanges tendus autour des chiffres, il faut en fait s'intéresser à la question du logement social à Paris, au cœur de ces débats.

De très grosses sommes récupérées

"Les bailleurs sociaux parisiens sont devenus les banquiers de la Ville de Paris", a lancé Rachida Dati. La candidate LR fait ici référence à une stratégie budgétaire opérées par la municipalité sortante, et qui lui a permis d'équilibrer ses finances tout au long de son mandat. L'ancienne ministre pointe du doigt des loyers qualifiés de "capitalisés", encaissés auprès de bailleurs sociaux pour des logements logements conventionnés.

Ces logements, résume Le Parisien, "occupés" et "déjà propriété de la Ville (soit parce qu'ils font partie du parc social dit 'intermédiaire', soit parce qu'elle les a préempté et acquis dans le parc privé)", ont été revendus "pour une durée limitée par la ville aux bailleurs sociaux". Ces derniers signes des baux de plusieurs dizaines d'années, tandis que "les logements intègrent alors le parc de logements sociaux parisiens".

Une opération qui contribue à augmenter le nombre de logements sociaux dans la capitale, mais qui s'est accompagnée d'une autre mesure. Grâce à un décret datant de 2015, la mairie a en effet pu réclamer aux bailleurs le versement des loyers dus sur la durée intégrale du contrat. Les bailleurs s'endettent alors pour assumer cette charge, tandis que les sommes récoltées permettent à la mairie de poursuivre ses politiques d'investissement.

Bien que légale, cette stratégie a été critiquée en 2016 par la Chambre régionale des comptes, ce que ne manque pas de rappeler Rachida Dati pour justifier ses accusations de mauvaise gestion budgétaire. À terme, elle estime en effet que les sommes récoltées (un peu plus d'un milliard d'euros sur le mandat d'Anne Hidalgo), vont constituer un manque à gagner pour la municipalité, et que ces montants peuvent être considérés comme une dette à retardement. 

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Anne Hidalgo assume

La maire socialiste a l'habitude de ces critiques, qui lui sont régulièrement formulées par son opposition. Elle assume néanmoins totalement de prôner une politique d'investissement, et de recourir à ce dispositif pour parvenir à financer les transformations de Paris qu'elle appelle de ses vœux. 

Il faut préciser que la Ville dispose d'un "réservoir" de logements susceptibles d'être conventionnés, et pouvant donc à l'avenir intégrer le parc social. Il sera donc possible de poursuivre cette approche durant plusieurs années, avec un encaissement des loyers lors de la délivrance des baux. 18.000 logements sont concernés, notait en 2016 La Tribune. Se pose forcément la question de savoir quelles rentrées d'argent pourront être envisagées une fois que les ressources (tarissables) fournies par ces stocks de logements seront épuisés. La baisse des recettes risque alors de faire grimper en flèche le déficit de la Ville. 

"Une collectivité ne peut pas s'endetter pour son fonctionnement", a rappelé sur le plateau de France Info Anne Hidalgo. Elle a par ailleurs jugé que "nous sommes dans une situation où il faut investir", pour financer notamment "la transition écologique". Dès lors, elle considère légitime les récupérations de fonds réalisées auprès des bailleurs sociaux. L'enjeu pour la maire sortante sera de permettre à la Ville, par ses investissements présents, de générer de nouvelles sources de revenus, susceptibles de compenser à l'avenir les pertes à venir liées au tarissement des ressources venues de l'exploitation des logements sociaux.

En résumé, il est donc inexact de dire que la dette de Paris est aujourd'hui de 7 milliards d'euros, les comptes officiels faisant état d'une dette un milliard moins élevée. Pour autant, si l'on aborde la question budgétaire sur un temps long, on peut néanmoins s'interroger sur la capacité de la municipalité à maintenir un endettement raisonné. L'épuisement progressif des ressources liées à l'encaissement anticipé des loyers dont s'acquittent les bailleurs sociaux de la capitale pourra constituer à l'avenir un important manque à gagner, assimilable à une dette pour les équipes municipales futures.  

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Thomas DESZPOT

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