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Mort de Nahel : au moins une dizaine de journalistes pris pour cible par les émeutiers partout en France

Des journalistes en train de prendre des photos ont été attaqués par des émeutiers, ces trois derniers jours.
Des journalistes en train de prendre des photos ont été attaqués par des émeutiers, ces trois derniers jours. GONZALO FUENTES / REUTERS

TÉMOIGNAGES - Depuis mardi, plusieurs journalistes ont été agressés physiquement ou menacés par des émeutiers, lors des affrontements qui ont suivi la mort de Nahel.

Ils ont été agressés pour avoir voulu faire leur travail. On recense ce samedi au moins une dizaine de journalistes agressés lors des nuits d'émeutes qui font suite à la mort de Nahel, dont deux membres de la rédaction du Figaro.

Pour avoir pris une photo ou simplement pour avoir couvert l'événement, des reporters ont été pris à partie par des groupes de jeunes émeutiers. Imposant leur loi aux abords de leurs quartiers, ces derniers n'ont pas hésité à insulter ou molester des membres de la presse. Les coups reçus, parfois extrêmement violents, ont conduit certains journalistes aux urgences, dont ils sont ressortis avec des points de suture.

«T'es un condé !»

Deux journalistes du Figaro ont ainsi été attaqués dans la nuit du 29 au 30 juin alors qu'ils couvraient les émeutes en région parisienne. L'un d'entre eux a été pris à partie puis frappé et volé, aux abords de la cité Pablo Picasso à Nanterre, devenu l'épicentre des violences depuis la mort de Nahel. «Je me suis éloigné des affrontements quand la tension a commencé à monter. À ce moment-là, un jeune s'aperçoit qu'il ne me connaît pas et me lance “Vas-y t'es qui toi ?”», raconte notre journaliste.

Rapidement, il se retrouve entouré par dix jeunes, le visage dissimulé, qui lui crient «T'es un condé !», lui arrachent son téléphone et fouillent ses poches. La scène file, en un éclair, sans que le journaliste du Figaro puisse réaliser ce qu'il se passe. Les jeunes lui assènent «quatre ou cinq coups dans la tête», raconte celui qui s'en sort aujourd'hui avec des «traces de coups sur le visage et une entaille à l'arcade». Le second de nos journalistes a quant à lui été braqué en région parisienne, alors qu'il tentait de prendre une photographie des violences dont il était témoin.

Toujours à Nanterre, dans la cité Pablo Picasso, un autre journaliste, Corentin Fohlen, photographe pour Libération, a été violemment agressé. La soirée se déroulait sereinement jusqu'au moment où la brigade de la BRI s'est éloignée des affrontements. «Une trentaine de jeunes se sont mis à avancer d'un pas menaçant, déclare-t-il au Figaro. Quand je me suis dit qu'il y avait une photo à faire, un gars m'a tapé derrière la nuque avec un pavé.» On en voulait à son appareil photo. «J'étais étonnamment plus effrayé à l'idée de perdre mes images que ma propre vie», confie-t-il avec ironie dans un post Facebook. Après avoir réussi à s'emparer de l'appareil, l'un des jeunes agresseurs lui dit : «Casse-toi maintenant, dégage !». Sonné et déboussolé, il s'exécute. Le photographe s'en sort avec une contusion à la jambe. Un photographe du Point a aussi été agressé jeudi soir à Nanterre. Selon l'hebdomadaire, l'homme souffre «d'une blessure à un genou et de multiples contusions», après avoir été passé à tabac par une dizaine d'individus.

Toujours au sein de la cité Pablo Picasso, un journaliste de la chaîne qatari Al Jazeera accompagné de son caméraman ont été pris à partie et agressés alors qu'ils couvraient en direct les émeutes. Alors qu'ils filmaient des poubelles en train d'être incendiées par les émeutiers, plusieurs jeunes se sont regroupés autour d'eux. Le journaliste a été roué de coups et le matériel du caméraman a été volé. Tous deux ont réussi à s'enfuir et ont trouvé refuge auprès de policiers, à qui le journaliste a rapporté ressentir «des douleurs à la tempe gauche et au niveau du trapèze».

C'est aussi à Nanterre qu'un photoreporter travaillant pour la rédaction du Point a reçu des coups violents dans la nuit de jeudi à vendredi. L'hebdomadaire a raconté le récit glaçantde l'agression dont il a éte victime : «Vers 1 h 15 du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi, alors qu'il photographiait un véhicule incendié, pompiers et policiers « à court de munitions » ont dû se replier, et notre photographe s'est retrouvé isolé. Une dizaine d'individus, dont « deux leaders âgés d'environ 25 ans », entraînant un groupe de mineurs, l'ont alors encerclé, ont tenté de lui arracher son matériel, puis l'ont violemment passé à tabac, lui jetant même des pavés. Ils l'ont laissé sur le trottoir après l'avoir dévalisé.»

Sept points de suture

D'autres journalistes ont été également gravement blessés et parfois hospitalisés. C'est le cas de Toufik de Planoise, journaliste chez Radio Bip à Besançon. «Comme à notre habitude», explique sa collègue Emma Audrey sur Twitter, les deux journalistes se trouvaient en plein cœur de zones d'affrontements. «Toufik a reçu un coup avec une barre à mine à la tête très violent et comme il avait enlevé quelques instants son casque, cela n'a pas pardonné», détaille-t-elle. Le jeune rédacteur a été transporté aux urgences où «il a eu sept points de sutures».

Le journaliste Maël Fabre, adjoint à la chefferie de la rédaction de Ouest France à Angers, a quant à lui annoncé sur Twitter qu'une plainte serait déposée par sa rédaction suite à son agression dans la nuit de vendredi à samedi dans le quartier de la Roseraie, où il était en reportage pour couvrir les émeutes. Il affirme avoir été mis au sol et avoir reçu des coups et des menaces.

Au-delà des atteintes physiques, rares dans le métier, les agressions verbales, elles, sont plus fréquentes. Et elles ont atteint leur paroxysme à Tours, dans la nuit du 29 au 30 juin. Une journaliste d'une chaîne de télévision locale a été insultée, menacée de mort puis bousculée par une «quinzaine d'individus», rapporte Emilie Tardif, directrice déléguée de TV Tours-Val de Loire, à l'AFP. «Ils ont pris sa caméra et l'ont fracassée par terre avec un pavé», a-t-elle ajouté en précisant que la journaliste «est juste choquée», mais «pas blessée».

«En découdre avec la police»

Depuis la couverture des «gilets jaunes» en 2019, des manifestations contre la réforme des retraites émaillées de violences, puis désormais des émeutes dans les cités depuis mardi 27 juin, les journalistes se disent habitués à la violence. «Ceci est notre quotidien. Il y a beaucoup de colère dans la rue, on savait que ça allait être difficile», confie Emma Audrey sur Twitter. «J'avais couvert les émeutes en 2005 et ce n'était pas si différent que ça. Au détail près que désormais les émeutiers ont des mortiers», analyse Corentin Fohlen.

Le photographe de Libération compare par ailleurs la violence de ces émeutes à celle des manifestations contre la réforme des retraites. «Comme les black blocks, ces jeunes de Nanterre s'en prennent à nous pour les photos qu'on a prises d'eux. En fait, ils veulent contrôler les clichés d'eux diffusées dans les médias. Ce qui est paradoxal puisque nous vivons dans une société d'hypercommunication où les images et les vidéos circulent en masse sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, ils se filment eux-mêmes en pleine action». Notre journaliste du Figaro constate également une distinction des pratiques : «Dans les manifestations, ce sont des agitateurs qui cassent simplement des vitrines. Là, ces jeunes sont là pour en découdre avec la police, qu'ils considèrent comme un gang d'adversaire.»

Face à la violence accrue envers les journalistes, Reporter Sans Frontière «dénonce fermement ces attaques», déclare la porte-parole de l'organisation Pauline Adès-Mével. «Tout doit être fait pour qu'ils puissent continuer de travailler dans une sécurité maximale.»

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98 commentaires
  • Anonyme

    le

    Les maires aussi payent..
    Boris Ravignon, le maire LR de Charleville-Mézières, agressé par des émeutiers. Au cours de la nuit de vendredi à samedi, le maire de Charleville-Mézières et trois autres élus, ont été visés par des jets de pierres alors qu’ils se trouvaient dans le quartier de la Ronde-Couture de nouveau émaillé par des violences. Pontoise (95) : la voiture de la maire LR Stéphanie Von Euw a été attaquée au mortier alors qu’elle conduisait, elle a perdu l’ouïe et a une jambe brûlée. Sa famille a été menacée.

  • anonyme

    le

    au fait, ce sont des vols en bande organisée

  • Jeanne D

    le

    Ben voyons ! Mais c’est G Lejeune le méchant !

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