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Harcèlement scolaire : après le courrier de la «honte», Attal convoque les recteurs

Les parents d’un collégien qui s’est donné la mort début septembre dans les Yvelines avaient prévenu l’académie que leur fils était harcelé. Le rectorat leur a répondu en les menaçant de porter plainte. «Une honte», a réagi le ministre de l’Education.

En envoyant un courrier accusateur aux parents du jeune Nicolas N., la communauté éducative aurait-elle eu une réaction inadaptée face à la détresse d’un enfant victime de harcèlement scolaire ? Le «pas-de-vaguisme» aurait-il été fatal à un collégien en souffrance ? La missive du rectorat de Versailles aux parents de Nicolas, rendue publique samedi, a choqué l’opinion comme le gouvernement.

En réaction, le ministre de l'Éducation Gabriel Attal a déclaré le jour même que ce courrier était «une honte». Il a également annoncé organiser dès lundi «une réunion avec l’ensemble des rectrices et recteurs pour lancer un audit dans l'ensemble des rectorats sur toutes les situations de harcèlement qui ont été signalées jusqu'aux rectorats l'année passée».

Le 5 septembre dernier, Nicolas N., un adolescent de 15 ans, se donnait la mort à son domicile à Poissy, dans les Yvelines. Il avait été retrouvé par sa mère pendu à une taie de traversin. Se disant victime de harcèlement durant plusieurs mois au sein du lycée professionnel Adrienne-Bolland à Poissy, il avait fait sa rentrée ce mois-ci dans un autre établissement, à Paris.

«Immobilisme» de l’établissement

L’adolescent et ses parents avaient prévenu l’établissement que Nicolas N., scolarisé en 3ème, était harcelé par deux élèves. En décembre 2022, la famille avait ensuite signalé au commissariat de Poissy ces faits de harcèlement, évoquant des «brimades» et des «injures répétées».

Le 10 mars 2023, le proviseur d’Adrienne-Bolland recevait les parents dans son bureau. Il leur aurait promis une réponse sous deux semaines. En l’absence de solution jugée satisfaisante et n’étant pas avertis si oui ou non une mesure disciplinaire avait été prise à l’encontre des deux harceleurs, le 18 avril 2023, les parents avaient écrit au lycée.

Dans ce courrier adressé au proviseur, les parents du jeune homme disent avoir avisé le rectorat de la situation par le biais du Service de lutte contre le harcèlement du ministère de l'Éducation, a indiqué au Figaro une source proche du dossier, confirmant une information révélée par BFMTV. «Il est incompréhensible que vous puissiez laisser un adolescent subir une telle violence verbale et psychologique dans votre établissement sans réagir d'une quelque manière», s'indignent les parents, affirmant «considérer comme responsable» l'établissement «si une catastrophe devait arriver à notre fils».

Face à «l'immobilisme» du lycée, les parents ajoutent avoir déposé une main courante. Le parquet de Versailles a confirmé au Figaro qu’une main courante avait en effet bien été déposée le 13 avril 2023 au commissariat de Conflans-Sainte-Honorine pour des faits de harcèlement.

Le proviseur avait répondu à ce courrier le 20 avril. De manière sibylline, il évoque «une situation ressentie comme harcelante» par Nicolas, prenant bien soin de ne pas parler de «harcèlement scolaire». Il ajoute avoir été surpris d’avoir été informé en mars pour une situation dont les parents auraient eu connaissance en octobre. A croire que le chef d’établissement ignore qu’un jeune harcelé à l’école est bien souvent tiraillé entre la volonté de s’en sortir et la difficulté de dénoncer, entre honte et culpabilité.

Mieux, le proviseur semble presque trouver des excuses aux agresseurs de Nicolas, soulignant qu’il avait été établi «qu’il n’y avait pas, dans une temporalité proche, de caractère répétitif et régulier dans la nature des incidents que vous me signaliez».

«Adopter une attitude constructive et respectueuse»

Le 4 mai 2023, les parents du collégien recevaient une lettre du rectorat de Versailles dans laquelle il leur était reproché d’avoir «menacé» et «remis en cause» le personnel de direction du lycée Adrienne-Bolland. Dans ce courrier publié par BFMTV, l’administration éducative dit estimer ces propos «inacceptables» et enjoint les parents à «adopter une attitude constructive et respectueuse». Le rectorat leur rappelle également que les dénonciations calomnieuses sont punies de 5 ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. L'institution évoque aussi un «supposé harcèlement». Pour la famille, c'est un coup de massue.

Lorsque Béatrice, la mère de Nicolas, lit cette lettre, son fils se trouve juste derrière elle. «J’étais dans une colère noire. Nous étions outrés. Nous passions désormais pour des coupables», s’indigne auprès du JDD la mère de famille.

Selon les informations du Figaro, Nicolas N. avait subi durant toute l'année précédente des «difficultés scolaires». Une information confirmée par le ministère de l'Éducation qui avait indiqué le 6 septembre que les premiers éléments de l'enquête «attestent clairement que des faits de harcèlement avaient été déclarés au cours de l'année scolaire 2022-2023».

«Nul», «moche»

Lors de sa déposition au commissariat, le jeune homme avait expliqué que, depuis septembre 2022, deux camarades de son lycée proféraient régulièrement des insultes à son encontre. Ils lui disaient qu'il était «nul», «moche» et que «personne ne l'aimait», a confié au Figaro une source policière. Des propos insultants avaient aussi été prononcés au sujet de sa mère et de sa sœur. L'adolescent avait ajouté que certains de ces faits avaient été commis devant l’un de leurs professeurs, qui n'était pas intervenu.

Au lendemain du suicide de Nicolas N., une enquête administrative avait été ouverte en parallèle de l'enquête ouverte par le parquet de Versailles pour «recherche des causes de la mort». Les conclusions de cette enquête administrative devraient être remises à Gabriel Attal sous 15 jours. «Cette enquête, qui permettra d’établir la manière dont les faits se sont déroulés et les différentes responsabilités, j’en prendrai connaissance avec une attention absolue. Et j’en tirerai toutes les conclusions, y compris en matière de sanctions», a déclaré ce samedi le ministre qui, la veille, était présent aux obsèques du jeune Nicolas, à la collégiale Notre-Dame à Poissy.

«Nous ne sommes toujours pas à la hauteur»

«Nous ne sommes toujours pas à la hauteur» sur la lutte contre le harcèlement scolaire, a par ailleurs déploré Gabriel Attal, évoquant les parents de Nicolas ainsi que l’institution, dont «le rôle absolu est de protéger les élèves». De son côté, la première ministre Elisabeth Borne a dénoncé «une défaillance sur le type de réponse» ainsi qu'un «courrier choquant».

Dimanche matin lors du Grand Jury sur RTL, le porte-parole du gouvernement et ministre délégué chargé du Renouveau démocratique Olivier Véran a déclaré ne pas souhaiter «polémiquer» sur le sujet, assénant que «nous avons tous honte de ce courrier qui a été envoyé». «Ce qui s’est passé, c’est une page administrative de notre pays qui se tourne», a-t-il ajouté.

Interrogé sur les possibles sanctions, le ministre a indiqué que la rectrice de l’époque avait «quitté son poste» et qu’elle n’était plus, aujourd’hui, rectrice. «L’enquête administrative permettra de déterminer les responsabilités. Mais plus jamais ce type de lettre ne doit être envoyé à la moindre famille», a-t-il conclu.

Depuis mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme étant un délit pouvant être puni de 10 années de prison.

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975 commentaires
  • Philomène

    le

    L'article mélange 2 problèmes différents. Ce genre de courrier n'est pas envoyé en réponse à un dossier de harcèlement, mais pour protèger des personnels de l'EN qui ont été agressés ou menacés. Ce qui n'empêche pas les personnels de l'EN de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider les familles d'élèves harcelés ou agressés.

  • Lulu91

    le

    Le gros problème de la Fonction publique c'est qu'il n'est pas prévu de mettre les gens à la porte (sauf je crois pour vol) mais surement pas pour incompétence.

  • NORDMAN

    le

    Charline Avenel, rectrice de l'académie de Versailles du 24 octobre 2018 au 13 juillet 2023, vous connaissez ?
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    Sans doute pas.
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    C’est une amie personnelle et camarade du président Macron, de la promotion ENA « Léopold Sedar Senghor », bénéficiaire du népotisme du prince de l’Elysée.
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    Cette femme, après ses méfaits dans l’éducation nationale, avec cette lettre de la honte aux parents qui ont perdu leur enfant harcelé, est partie mi juillet dernier pantoufler dans un organisme lucratif dont le but, tenez-vous bien, est de racheter des établissements publics pour le compte du privé.
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    Elle prend ainsi la direction générale du groupe Ionis (29 écoles, 35.000 étudiants) qui est un groupe lucratif d’écoles privées.
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    Bravo pour la vocation républicaine de la dame et le conflit d’intérêts. -
    Ça veut dire qu’après l’enquête lancée par Gabriel Attal, si la responsabilité de cette haute fonctionnaire est établie, elle ne pourra pas être sanctionnée, puisqu’elle a pris la fuite avant.
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    Pour mémoire, c’est dans cette académie prestigieuse de Versailles dont Mme Avenel était rectrice qu’a eu lieu l’assassinat de Samuel Paty.
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    Une plainte de Me Le Roy, avocate de ce martyr au nom de sa famille ciblait les délits de « non-empêchement de crime et de non-assistance à personne en péril » et visait « plusieurs agents du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Éducation nationale » qui ont eu à connaître, directement ou indirectement, de la situation d’abandon de Samuel Paty.

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