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«Contrer l’effet apéro: une formule révélatrice de la déconnexion dramatique des élites au pouvoir»

«Elle souligne une fois de plus à quel point le mépris des gens est au centre de l’idéologie dominante, celle qui sous-tend le discours et l’action politique depuis une dizaine d’années». 292839465/exclusive-design - stock.adobe.com

FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour justifier la décision du gouvernement d’imposer un nouveau couvre-feu sur l’ensemble du territoire à 18 heures, le délégué général de LREM Stanislas Guerini a utilisé une formule destinée à marquer les esprits: «contrer l’effet apéro». Pour Maxime Tandonnet, cette expression s’inscrit dans une longue lignée de formules méprisantes de la classe dirigeante à l’égard des Français.

Fin observateur de la vie politique française et contributeur régulier du FigaroVox, Maxime Tandonnet a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019).


Pour expliquer la décision gouvernementale d’imposer un nouveau couvre-feu général à 18 heures, l’un des principaux leaders de l’équipe dirigeante et de la majorité a utilisé une formule destinée à marquer les esprits: il faut éviter «l’effet apéro». Il voulait dire par là que l’objectif de cette mesure était d’empêcher les réunions amicales ou familiales autour d’un verre ou d’un repas susceptible de propager le virus. Cette déclaration a atteint une partie de son but: elle suscite le «buzz», provoque, à droite comme à gauche, une avalanche de réactions.

Mais par-delà le bruit médiatique et celui des réseaux sociaux, cette expression est riche de significations. Elle en dit long sur la fracture démocratique ou le fossé d’incompréhension qui sépare les élites dirigeantes de la population de ce pays. Elle souligne une fois de plus à quel point le mépris des gens est au centre de l’idéologie dominante, celle qui sous-tend le discours et l’action politique depuis une dizaine d’années.

Les paroles ou les gestes, issus de la même inspiration, manifestant le dédain de la nation dans ses profondeurs, s’accumulent au fil du temps. Nous avons eu les sans dents, les Gaulois réfractaires, les fainéants, ceux qui ne sont rien, ne peuvent même pas se payer un costume, n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un emploi, fument des clopes et roulent au diesel. Et voici désormais les addicts à l’apéro quotidien. La crise des gilets jaunes comme le mouvement social, la poussée de l’abstentionnisme comme du vote antisystème (de droite ou de gauche), ne serviront donc jamais de leçon…

Elle est sans doute représentative de l’image que les élites au pouvoir, dans leur ensemble, se font de la population de ce pays et fondent leur discours et leur action

La formule de «l’effet apéro» suggère une véritable méconnaissance de la vie quotidienne des Français, en particulier des entrepreneurs, des salariés, des étudiants, qui sont aussi, bien souvent, des mères et des pères de familles. Elle est sans doute représentative de l’image que les élites au pouvoir, dans leur ensemble, se font de la population de ce pays et fondent leur discours et leur action. Qu’imaginent-elles, à en juger par ce cliché? Elles imaginent les Français à 18 heures , en semaine, à la sortie du bureau ou de l’usine, se précipitant comme un seul homme devant le verre de pastis, un demi de bière, un ballon de rouge, les cacahouètes et les biscuits salés.

Or, cette image quelque peu triviale est sans le moindre rapport avec la réalité de la vie quotidienne, loin des dorures des palais de la république et des véhicules de fonction. Que font les «sans dents» à 18 heures, en semaine, à la sortie du boulot, dans l’immense majorité des cas? Les courses pour le dîner, les devoirs des enfants, les visites chez le dentiste ou le médecin, les démarches à la poste ou à la banque ou sur Internet. De fait, le quinquagénaire slogan, «métro/boulot/dodo», n’a pas vieilli d’une ride.

L’effet apéro, lui, n’existe évidemment pas. Cependant, l’utilisation de cette formule est préoccupante dans la mesure où elle manifeste une déconnexion de la classe dirigeante qui est à la source d’un immense malentendu avec le pays. La protection de la population envers l’épidémie du covid19 est bien entendu un devoir essentiel de l’État.

La mission, oh combien difficile! de tout gouvernement est de la concilier avec d’autres impératifs tout aussi fondamentaux et vitaux: la préservation des libertés publiques, de la vie des commerces, des grands équilibres de l’économie française, de l’éducation et de la formation des scolaires et des étudiants, de la santé mentale des personnes.

Ce n’est pas avec des formules triviales comme celle de « l’effet apéro » que les dirigeants politiques regagneront cette confiance qui est la clé de la sortie de crise

La mesquinerie bureaucratique, le chantage à la sanction collective et la répression ne permettront jamais d’atteindre cet équilibre complexe. Rien n’est possible sans la confiance d’une nation en ses dirigeants, seule de nature à façonner en profondeur les comportements quotidiens et faciliter l’acceptation du vaccin.

Ce n’est pas avec des formules triviales comme celle de «l’effet apéro» que les dirigeants politiques regagneront cette confiance qui est la clé de la sortie de crise.


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539 commentaires
  • Super Tartine

    le

    A part le weekend, j'ai vraiment l'impression d'être assignée à résidence. Il ne me manque que le bracelet électronique et c'est tout à fait ça. En semaine, je travaille jusqu'à 18h. Et quand j'arrête le soir, il est trop tard pour aller faire des courses. Quoi, en France pendant le Covid, il n'y a que les personnes sans profession, au chômage et les retraités qui ont le droit de prendre l'air et de faire leurs courses ? Ce couvre-feu est totalement inique !

  • JC FONVIELLE

    le

    M TANDONNET, vous reprochez aux gouvernants d'ignorer la vie des français, mais vous semblez totalement ignorer leurs comportements, les cafés ou bars marchent très bien entre 18h et 20h car avant de rentrer chez eux, ceux qui n'ont pas d'obligations domestiques, ils sont nombreux, se retrouvent entre amis ou collègues pour boire une bière; depuis la fermeture des bars ils se retrouvent certainement d'une autre façon.
    Vivant dans le monde dit rural, c'est à dire à la campagne, j'ai toujours été impressionné, lors de mes interventions sur le chauffage, par le nombre de maison dans lesquelles le garage est aménagé en bar, avec table, banc, réfrigérateur, verres et cubitainers; si les femmes entrent par la partie habitée, les hommes entrent directement par le garage et se servent en attendant que le propriétaire arrive !
    Mon fils célibataire qui n'est pas un ivrogne et qui a un travail, retrouve ses amis régulièrement dans les bars autour d'un verre, et c'est rarement de la limonade !
    Pour les pères de famille, il y a aussi ceux qui retardent leur rentrée à la maison pour éviter les contraintes de la vie familiale.
    C'est souvent cela la vie ordinaire, en dehors des très grandes villes où le temps de trajet est très long et fatiguant.

  • 2924137 - profil très modéré

    le

    Ce genre de sortie n'a qu'un but: occulter le vrai problème qui est que le couvre-feu ne sert à rien. Le couvre-feu n'est qu'un demi confinement - 12 heures dedans, 12 heures dehors. Mais comment envisager que la demi-mesure sera plus efficace que la mesure pleine qui a montré sa vacuité, puisque après deux confinements, le virus circule toujours - on nous dit même qu'il circule plus fortement et plus dangereusement... Alors oui, on peut insulter les Français, pour créer la polémique, et détourner les regards des vrais questions qui sont la faillite de la vaccination en France, qui ne fait suivre que les faillites précédentes des masques, des tests et de l'hospitalisation. Y-a-t-il une seule chose qu'ils n'aient pas raté ?