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Les abattages d’arbres à Paris cesseront-ils un jour?

L'entretien des arbres anciens est un passage de relais s'étalant sur plusieurs décennies voire plusieurs siècles et qui ne suppose aucune baisse de vigilance sauf à risquer de compromettre la santé des spécimens les plus remarquables de Paris.
L'entretien des arbres anciens est un passage de relais s'étalant sur plusieurs décennies voire plusieurs siècles et qui ne suppose aucune baisse de vigilance sauf à risquer de compromettre la santé des spécimens les plus remarquables de Paris. STRINGER / AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les architectes Dominique Dupré-Henry et Tangui le Dantec, cofondateurs du collectif Aux arbres citoyens, s’inquiètent du sort réservé aux arbres de la capitale.

Au mois de juillet à Paris, non seulement la météo était plus que médiocre mais les Parisiens et les touristes de passage ont fait de bien tristes découvertes. Au petit matin, près de Montparnasse, à l'angle de la rue Vavin et de la rue Bréa, dans le 6e arrondissement, la très jolie place Laurent Terzieff et Pascale de Boysson s'est retrouvée défigurée par l'abattage, presque en catimini, de ses quatre beaux paulownias. Ces arbres d'ornement, d'environ quinze mètres de hauteur, ont la particularité de pousser très vite vers la lumière sans se soucier de leur équilibre, un problème souvent aggravé par la légèreté de leur bois, d'où parfois des défauts d'ancrage. Depuis environ un demi-siècle, ils agrémentaient cette charmante place, la seule à être ombragée dans un quartier minéral et dense. Bordée par le bâtiment en céramique blanche de l'architecte Henri Sauvage, immortalisée par plusieurs films, avec sa fontaine Wallace et ses bancs à l'ombre des arbres, la place et ses paulownias faisaient partie de la mémoire de Paris.

Peu après, dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, toujours dans le 6e arrondissement, c'est la célèbre place Furstemberg qui est à son tour victime de l'abattage soudain, dans le carré central, du plus magnifique paulownia parisien, le plus imposant (355 cm de circonférence) et le plus ancien (environ 80 ans) de tout Paris, justifiant son classement en tant qu'arbre remarquable. Ce paulownia impérial était, pour beaucoup de passants et d'habitants, l'image même de la place, un arbre iconique qui donnait à ce havre de paix son atmosphère si particulière, aujourd'hui disparue pour longtemps. Son abattage précipité a choqué nombre d'artistes et d'écrivains qui ont évoqué leurs souvenirs de ce lieu unique ; un quotidien néerlandais a même titré: «À Paris l'un des arbres les plus célèbres de la ville a été abattu». Signe d'un manque d'entretien, des galeries de rats avaient fragilisé son assise, un problème qui aurait pourtant été simple à traiter.

En période estivale, ces abattages intempestifs, sur deux places emblématiques de Paris, ont suscité une très vive réaction chez de nombreux citoyens et personnalités, relayés par les médias qui ont filmé les dégâts: places méconnaissables et arbres réduits à des souches. L'émotion ne se limite pas à la France puisque même le journal britannique The Times s'est fait l'écho de ce désastre (31 juillet 2023) sous la plume de la journaliste-écrivain Agnès Poirier. Celle-ci se désole: «mes compatriotes parisiens et moi n'avons jamais vu autant d'arbres massacrés de leur vivant que ces trois dernières années».

Les moyens alloués à l'entretien des arbres ne cessent de s'effondrer tandis que le budget d'investissement consacré à de nouveaux projets souvent très discutables se retrouve démultiplié.

Ces abattages ainsi que l'ampleur légitime des réactions suscitées, amènent inévitablement à une réflexion sur la politique menée par la municipalité. S'il n'est pas question de remettre en cause des décisions liées à des problèmes de sécurité, les citoyens sont néanmoins en droit de s'interroger sur l'information fournie par la mairie de Paris. Dans ces cas, il semble bien qu'elle ait été plus que succincte, limitée à une simple affichette apposée la veille ou indiquant que ces arbres malades allaient être abattus. Or, non seulement cette communication était bien trop tardive mais elle était de plus inexacte, les arbres n'étant nullement malades mais présentant, semble-t-il, un défaut d'ancrage du moins pour trois d'entre eux sur les cinq. La confiance des Parisiens dans la politique menée par la mairie concernant les arbres s'est largement détériorée ces dernières années avec toute une série de décisions néfastes et d'explications incomplètes voire erronées, comme dans le cas de la célèbre glycine centenaire de Montmartre, victime de travaux à son pied. Or, une information précise, étayée par des avis techniques compétents, est la base d'un rapport respectueux entre les citoyens et les institutions municipales. Sans cette transparence, la confiance et la démocratie locale n'existent pas.

Au-delà de la communication se pose la question des moyens mis en œuvre par la mairie: force est de constater que dans ce domaine le compte n'y est pas. En effet, le budget 2023 présenté par la mairie de Paris ne consacre que quelques millions d'euros à l'entretien des arbres et se révèle en baisse par rapport à celui de 2022. Ce budget qui était déjà très faible devient dérisoire et en contradiction avec les promesses de la mairie pour répondre aux enjeux bioclimatiques. En réalité, les moyens alloués à l'entretien des arbres ne cessent de s'effondrer tandis que le budget d'investissement consacré à de nouveaux projets souvent très discutables se retrouve démultiplié. En témoignent les 107 millions € du projet OnE qui devait transformer radicalement le Champ-de-Mars et dont les travaux mettaient paradoxalement en péril certains arbres centenaires au pied de la Tour Eiffel.

L'entretien des arbres anciens est un passage de relais s'étalant sur plusieurs décennies voire plusieurs siècles et qui ne suppose aucune baisse de vigilance sauf à risquer de compromettre la santé des spécimens les plus remarquables de Paris. Ce suivi permanent et de long terme nécessite d'y consacrer de manière régulière tous les moyens humains et financiers adéquats, leur insuffisance actuelle étant bien évidemment à l'origine des nombreux problèmes constatés. Il est en effet tout à fait possible de préserver les arbres anciens mais cela suppose d'en faire un objectif prioritaire. Il semble que la ville de Paris, pourtant riche d'un patrimoine végétal exceptionnel, n'estime pas cet enjeu à sa juste valeur, malgré l'attachement des Parisiens à leur patrimoine paysager, comme en témoignent les actions récemment engagées par des dizaines de milliers de citoyens (pétitions pour sauver les squares de Notre-Dame ou ceux du boulevard Richard Lenoir…). Sans une politique ambitieuse dans ce domaine qui soit véritablement à la hauteur d'une capitale, les arbres anciens, classés remarquables ou non, continueront d'être maltraités puis précocement abattus pour le plus grand désespoir des Parisiens et de tous ceux qui aiment Paris.


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5 commentaires
  • anonyme

    le

    Pauvre Hidalgo plus BOBO qu’ ECOLO !

  • PA75

    le

    Voilà qui démontre que les écologistes de la mairie de Paris agissent sous faux drapeau.
    Ils se prétendent écologistes et sont simplement des gauchistes.

  • écusettedenoireuil

    le

    Les arbres sont des organisme vivants qui naissent, vivent et meurent. Si on ne veut plus d'abattage, il faut mettre des arbres en plastique.

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