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Richard Ferrand : "Ceux qui à Paris se reconnaissent dans l'action du Président doivent se serrer les coudes"

Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand s'exprime dans le JDD après le retrait de Benjamin Griveaux de la course à la mairie de Paris.

Hervé Gattegno , Mis à jour le
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. © Sipa

Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand s'inquiète dans le JDD des conséquences pour la démocratie après la diffusion d'une vidéo intime du candidat LREM à la mairie de Paris Benjamin Griveaux. "Le droit à la vie privée est fondamental. Si le dévoilement de la vie privée est toléré, la vie de chaque citoyen va devenir un enfer", explique-t-il. Le président de l'Assemblée croit par ailleurs encore à une possible victoire de la République en marche dans la capitale. "Les équipes et le projet collectif sont toujours là pour construire une alternance à Paris, hors du remake droite-gauche", dit-il.

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Benjamin Griveaux a-t-il bien fait de se retirer de l'élection municipale à Paris?
Lui seul a pris la décision qu'il a jugée bonne. Et permettez-moi de dire ici l'amitié que nous partageons, par-delà cet événement.

Considérez-vous qu'il porte une responsabilité dans ce qui vient de se passer?
Depuis quand une victime, en l'occurrence d'une violation flagrante de la vie privée, serait-elle coupable? Ne renversons pas le sujet!

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Le droit à la vie privée est fondamental

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Qu'un candidat se retire après une divulgation de sa vie privée est une première en France ; est-ce un précédent qui peut peser sur notre vie politique?
Le danger est là. Le droit à la vie privée est fondamental. Si le dévoilement de la vie privée est toléré, la vie de chaque citoyen va devenir un enfer. Pas seulement la vie politique, mais la vie tout court. La légitimation de la mise sur la place publique de la vie de chacun attiserait délation, rumeurs et interprétations nauséabondes. Chaque personne a droit à ses "jardins secrets", à son intimité sur ce qu'elle pense ou sur ce qu'elle fait. C'est la liberté qui, en République, est encadrée par la loi.

Pour vous, la majorité présidentielle a-t-elle perdu toute chance de gagner la mairie de Paris?
Pas du tout! Bien sûr, la perte du chef de file affaiblit! Mais les équipes et le projet collectif sont toujours là pour construire une alternance à Paris, hors du remake droite-gauche. Une nouvelle personnalité va reprendre le flambeau de Benjamin Griveaux, et j'espère que le rassemblement le plus large se fera autour d'elle, y compris avec l'équipe Villani. Il est des moments où l'Histoire oblige à dépasser les querelles. Ceux qui à Paris se reconnaissent dans l'action du président Macron doivent se serrer les coudes, avoir l'esprit d'équipage!

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Ne confondons pas transparence et voyeurisme, prélude à une forme d'inquisition

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L'exigence de transparence des citoyens ne conduit-elle pas à l'abolition de la vie privée des responsables publics?
La transparence existe, c'est bien ainsi, mais son exigence n'a pas à empiéter sur la vie privée. Ne confondons pas transparence et voyeurisme, prélude à une forme d'inquisition. À ce rythme, qui prendra le risque de la vie publique si elle devient l'antichambre du lynchage permanent?

L'homme qui a divulgué ces vidéos compromettantes pour Benjamin Griveaux dit l'avoir fait pour lui nuire. Faites-vous un lien entre cette affaire et la montée des violences (verbales, matérielles et physiques) contre les élus?
La justice devra dire le droit. L'intention de nuire n'est pas un intérêt légitime pour déstabiliser et porter atteinte à une personne, quelle qu'elle soit. Cet acte jusque-là isolé doit être sanctionné, mais surtout réprouvé par toute notre société. Les délateurs doivent être montrés du doigt et punis, pas leurs victimes. Cet épisode épouvantable donne l'impression que la fin justifie tous les moyens, et constitue une violence qui s'ajoute à celles que nous connaissons et qui signent un niveau d'intolérance insupportable. Tous les républicains doivent combattre cette dérive malsaine et dangereuse.

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Il faut être bien conscient que la démocratie peut être remise en question par des manipulations et des violences

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Les réseaux sociaux nuisent-ils à la démocratie?
Ils incitent à l'imprudence : les uns exposent leur vie, leur famille, leurs vacances, leurs fêtes… Ce faisant, ils dévoilent leur vie privée et la banalisent. D'autres réseaux sont les égouts de sentiments haineux où d'aucuns déversent leur bile. Non seulement la tolérance zéro doit être de mise, mais surtout il faut expliquer aux enfants, aux jeunes, les risques encourus, avec l'idée que tout ce qu'ils révèlent pourra leur être reproché un jour… Sans droit à l'oubli, sans nuance et sans ménagement.

Faut-il légiférer davantage pour protéger la vie privée ? Interdire l'anonymat sur les réseaux sociaux?
Faisons un état du droit et voyons ce qui peut progresser, mais l'arsenal pour agir est là! Il nous faut appliquer très fermement, sans aucune faiblesse, à la "société numérique" les règles en vigueur sur la violation de la vie privée, l'injure, la diffamation et la dénonciation calomnieuse et par des procédures qui permettent d'agir vite. L'anonymat est une honte. Le premier des courages est de signer, d'assumer ce que l'on dit. La loi Avia est un début pour nous protéger des messages haineux.

Êtes-vous inquiet de la dégradation du débat public d'ici à la prochaine campagne présidentielle?
Oui, car comme le dit l'historienne Mona Ozouf, 'l'ensauvagement des mots annonce, prépare et fabrique l'ensauvagement des actes'. Les discours des extrémistes, leurs expressions de haine, l'abandon parfois de toute rationalité au profit de leur exaltation au service de combats mythiques génère et justifie pour certains la violence. C'est une manière de nourrir la haine qui n'est pas tolérée ni tolérable dans notre pays. Il faut être bien conscient que la démocratie peut être remise en question par des manipulations et des violences. Rien n'est jamais acquis. J'appelle citoyens et élus à la mobilisation permanente.

Dans votre livre*, vous appelez aussi les citoyens à s'engager davantage. Ce type d'affaire ne peut-il pas les en dissuader?
C'est le risque, mais l'engagement que j'appelle de mes vœux n'est pas que politique. Il concerne l'engagement associatif, syndical, local qui permet de partager les complexités et de nourrir le "dialogue civil" entre élus et citoyens.

*Nos lieux communs, éditions de l'Aube

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