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Lutte contre l'islamisme : pourquoi Emmanuel Macron muscle son discours

Emmanuel Macron a peu à peu durci le ton de son propos sur l'islamisme, notamment lors de son discours mardi à la préfecture de police de Paris en hommage aux quatre fonctionnaires assassinés. 

David Revault d’Allonnes , Mis à jour le
Emmanuel Macron a exhorté à bâtir "une société de vigilance" mardi lors de l'hommage aux fonctionnaires assassinés dans l'attaque de la préfecture de police de Paris.
Emmanuel Macron a exhorté à bâtir "une société de vigilance" mardi lors de l'hommage aux fonctionnaires assassinés dans l'attaque de la préfecture de police de Paris. © Reuters

Le chef de l'Etat se serait-il converti à la fermeté face à ­l'islamisme? Des extraits de son discours mardi à la ­préfecture de police, en hommage aux quatre fonctionnaires assassinés , le laissent supposer. "L'Administration seule et tous les services de l'État ne sauraient venir à bout de l'hydre islamiste", a-t-il diagnostiqué. "Une société de vigilance , voilà ce qu'il nous revient de bâtir", a exhorté Emmanuel Macron , incitant à "savoir repérer à l'école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi, les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la République".

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Une révolution culturelle? En décembre 2015, après les attentats de Paris , le même Macron, alors ministre de l'Économie, ­évoquait les discriminations contre les musulmans et estimait que la ­société française portait "une part de responsabilité". Une analyse en opposition avec celle du Premier ministre d'alors, Manuel Valls, qui avait parlé à propos des djihadistes d'"ennemis de l'intérieur". À l'Élysée, on nie toute volte-face : "Il n'y a ni virage ni changement de pied. Juste l'affirmation de quelque chose d'inhérent à la fonction présidentielle : la protection due aux Français. On avait dit que l'acte deux serait social et économique, écologique et régalien. Et dans le régalien, il y a la lutte contre le fondamentalisme islamique."

Le risque d'une "jospiniation" 

Un ministre, pourtant, salue l'évolution du Président : "Macron vient d'une vision très différente, mais il est en train de s'apercevoir qu'on va tout droit au délitement de la nation. Il a fait un choix très courageux par rapport à sa majorité, avec laquelle il se met en décalage." De fait, sur l'aile gauche de la majorité parlementaire, on se montre circonspect : "Le discours de mardi doit venir en complément du discours de 2015 mais ne doit pas l'effacer", estime le député Aurélien Taché. Avant d'ajouter : "Que l'on en appelle aux Français ne me choque pas dans le logiciel macronien. Mais dans ce domaine-là, il faut être un peu plus prudent que dans d'autres..."

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Après que l'exécutif avait, dans un premier temps, semblé minorer les conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen , Macron a voulu, après le choc de l'attentat à la préfecture de police, frapper un grand coup dans l'opinion. "Il ne pouvait pas ne pas le faire, glisse un proche. On a été tapé au cœur du cœur!" "Que ce soit un sujet inflammable ou pas, le Président est persuadé qu'il faut le traiter", estime une parlementaire. Car Macron paraît sensible, ces jours-ci, au risque de "jospinisation", selon son entourage. Alors que ses résultats économiques étaient bons, l'ancien Premier ministre socialiste (de 1997 à 2002) n'était pas assez sonore, selon les macronistes, face à des crises majeures. Et s'était fait rattraper sur les questions régaliennes. Lors d'un récent dîner à l'Élysée, où les convives parlaient budget et bioéthique, Macron a ramené tout le monde à l'islamisme : "On ne peut pas écouter que les bonnes âmes. Il faut aussi être lucide et réfléchir à toutes les mesures qui peuvent éviter l'intégrisme."

Une réforme de l'organisation de l'islam de France

C'est pourquoi le chef de l'État a inscrit cette question, comme celle de l'immigration, au premier rang de ses priorités. Au Conseil des ministres qui avait suivi les élections européennes, déjà, le Président avait évoqué les listes communautaires musulmanes, arrivées en tête dans certains bureaux de vote des Hauts-de-France. "Macron est en train de se chevènementiser", note un parlementaire. Formation des imams, financement du culte, instances ­représentatives des musulmans : ­Macron s'était emparé du dossier dès son élection. L'Élysée avait même bien avancé sur une réforme de l'organisation de l'islam de France, par voie réglementaire. "Le sujet a été travaillé et retravaillé, mais n'a jamais vu le jour", raconte un proche. ­Opposition des instances actuelles, travaillées par l'influence de pays étrangers ; doutes des préfets sur la capacité à faire accepter la réforme sur le terrain ; préférence de Gérard ­Collomb, l'ancien ministre de l'Intérieur, pour des solutions locales ; et enfin irruption des Gilets jaunes : le dossier est passé au deuxième plan. Avant de ressurgir dans le sillage de l'attentat.

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Plusieurs ministres ont ­accompagné le cheminement présidentiel : Gérald Darmanin, premier à avoir adressé à Macron une longue note sur le sujet ou encore Jean Michel Blanquer et Bruno Le Maire, tenants d'une laïcité intransigeante. "Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin", lâche un ministre. "Vu la xénophobie actuelle, c'est très important qu'il s'exprime", juge un de ses conseilleurs sur le sujet. Un proche de Macron abonde : "Il ne s'agit pas de faire du maccarthysme, mais le Président doit s'attaquer à l'islamisme pour être celui qui ne stigmatise pas l'islam." Promis pour le premier semestre 2018, le discours sur l'islam de France n'adviendra cependant pas "dans l'immédiat", selon l'Élysée.

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