L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) va devoir être plus intransigeante envers les chaînes de télévision à l’avenir, y compris CNews. Dans une décision rendue publique mardi 13 février, et inédite en ce qui concerne une autorité indépendante, le Conseil d’Etat demande à l’Arcom de réexaminer le respect par la chaîne propriété de Vincent Bolloré de ses obligations en matière de pluralisme. Il donne six mois au « gendarme » de l’audiovisuel pour apporter une réponse à Reporters sans frontières (RSF), qui l’avait saisie.
« C’est une décision historique pour la régulation de l’audiovisuel, pour la démocratie et le journalisme », exulte Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF, qui se réjouit que « le Conseil d’Etat annule le refus de l’Arcom d’agir contre CNews ». L’avocat de l’ONG, Me Patrice Spinosi, y voit même « un camouflet » pour l’instance, estimant que « sa passivité » est « sanctionnée ».
En novembre 2021, RSF avait demandé à l’autorité − qui s’appelait alors le Conseil supérieur de l’audiovisuel − de mettre en demeure CNews afin que celle-ci respecte ses obligations légales relatives à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information. L’ONG jugeait que l’antenne du Goupe Canal+ n’était plus une chaîne d’information et qu’elle s’était muée en une chaîne d’opinion largement ouverte aux droites extrêmes. Après des échanges infructueux en avril 2022, RSF avait saisi le Conseil d’Etat d’un recours « pour contester le refus de l’Arcom d’agir contre les manquements de CNews à ses obligations ».
« S’assurer de l’indépendance de l’information »
L’autorité dirigée par Roch-Olivier Maistre est donc aujourd’hui sommée par la plus haute juridiction administrative d’imaginer une nouvelle manière de « prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ».
L’Arcom va devoir apprécier le pluralisme des courants de pensée de manière globale. Concrètement, cela signifie que CNews sera tenu de rééquilibrer le choix des participants à ses plateaux qui penchent nettement à droite aujourd’hui, même si l’instrument pour vérifier cet équilibre ne va pas être simple à concevoir.
« Il faut trouver un dispositif qui ne soit pas une usine à gaz », espère M. Deloire, qui renvoie la charge de la méthodologie à l’Arcom, tout en se tenant à sa disposition. « On doit rentrer dans un décompte qui soit beaucoup plus qualitatif que quantitatif », rebondit le sémiologue François Jost, qui a servi de conseiller scientifique à RSF dans sa démarche juridique. Toutefois, le décompte classique des temps de parole ne devrait pas être remis en cause.
Il vous reste 58.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.