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CNews : la stratégie de la haine

Editorial. Quelques jours après avoir été condamné pour injure et provocation à la haine, Eric Zemmour, le chroniqueur d’extrême droite de la chaîne de Vincent Bolloré, a de nouveau tenu des propos qui tombent sous le coup de la loi. Face à cette dérive, le CSA semble impuissant.

Publié le 02 octobre 2020 à 11h03, modifié le 02 octobre 2020 à 15h38 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Une chaîne de télévision française vient d’inciter le public à la haine envers un groupe humain en diffusant les propos d’un polémiste déjà condamné à deux reprises pour le même délit. Même un leader politique d’extrême droite n’aurait sans doute pas osé, comme l’a fait Eric Zemmour sur CNews, mardi 29 septembre, affirmer à propos des mineurs étrangers isolés qui demandent l’asile à la France : « Ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer. »

En pleine émotion suscitée par l’attaque commise devant les anciens locaux de Charlie Hebdo et en pleine polémique sur le statut de mineur isolé frauduleusement revendiqué par son auteur, un Pakistanais de 25 ans, M. Zemmour dissertait sur ses fantasmes favoris : « l’invasion » par les immigrés et la défense de l’« identité française », prétendument menacée.

Ses paroles, mises en valeur par les molles interrogations de la journaliste Christine Kelly, évoquaient douloureusement celles qui, dans l’histoire, ont attribué des caractéristiques repoussantes et des intentions pernicieuses à l’ensemble des membres d’une communauté, avant d’appeler le public à les chasser. A juste titre, Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, a dénoncé une nouvelle « sortie abjecte et raciste d’Eric Zemmour », et le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « provocation à la haine raciale » et « injures publiques à caractère raciste ».

Buzz à tout prix

Plus question de plaider le « dérapage ». Quatre jours avant cette nouvelle saillie, Eric Zemmour avait été condamné à une amende de 10 000 euros pour injure et provocation à la haine, pour des propos tenus il y a juste un an sur LCI, à l’ouverture d’une réunion organisée par des proches de l’ancienne députée (FN) Marion Maréchal. Surfant sur le scandale, Vincent Bolloré, l’actionnaire de CNews, a embauché le chroniqueur récidiviste, qui a aidé sa chaîne d’information « low cost » à grappiller des points d’audience sur ses concurrentes. L’appel à la haine est non seulement une habitude du polémiste, mais, désormais, il faut le dire clairement, une composante de la stratégie éditoriale de CNews.

Dans ce contexte, les moyens dont dispose le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), régulateur du secteur, paraissent inadaptés. Certes, cette instance ne doit pas être érigée en censeur. Le procès du drame de Charlie Hebdo rappelle la valeur inestimable de la liberté d’expression. Mais ses « mises en demeure » répétées sont manifestement vaines, y compris lorsqu’elles visent des comportements punis par le code pénal. Condamné en correctionnelle, Eric Zemmour récidive immédiatement, ridiculisant la décision de justice. Non affilié à un parti politique, le chroniqueur dispose d’une longue tribune quotidienne, dont le temps d’antenne n’est pas comptabilisé par le CSA au titre de l’obligation de pluralisme.

Face à cette stratégie de provocation, destinée à gonfler les courbes d’audience et donc les recettes publicitaires, le CSA doit jouer pleinement son rôle de régulateur. L’obligation de « maîtrise de l’antenne », dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel est le garant, devrait conduire à des sanctions lourdes pour la chaîne de télévision, seul moyen de mettre fin à la diffusion de contenus manifestement illégaux.

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