Le vent antiécologie qui souffle sur le paysage politique européen va-t-il avoir raison des ambitions climatiques de la Commission européenne ? La question est légitime face aux critiques croissantes du Pacte vert de Bruxelles, à un an des élections au Parlement européen.
Le discours sur l’état de l’Union prononcé mercredi 13 septembre par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a reflété l’impact de cette dynamique. Paquet de soixante-quinze mesures législatives présentées depuis 2019 pour préparer l’Union européenne à la neutralité carbone en 2050, le Pacte vert est le totem du mandat de la Commission présidée par Mme von der Leyen. Elle en a fait une priorité.
Mais à mesure que les effets de la guerre en Ukraine et de l’inflation se sont fait sentir sur les économies des Etats membres, la pression de leurs dirigeants et de certains partis politiques, y compris dans la propre famille de la présidente de la Commission, le groupe conservateur du Parti populaire européen (PPE), s’est accrue pour réduire la portée de cet ensemble législatif.
Les appels en faveur d’une politique climatique qui prenne mieux en compte les préoccupations des PME et des citoyens se multiplient. Le ministre des finances allemand, le libéral Christian Lindner, a qualifié mardi, dans un entretien à Politico, d’« extrêmement dangereux » le plan européen de rénovation thermique obligatoire des logements, car il risque de menacer « la paix sociale ».
Anti-environnementalisme
Le mouvement des « gilets jaunes » en France en 2019 a montré la volatilité de l’opinion face aux mesures de lutte contre le changement climatique qui affectent directement le niveau de vie des ménages. D’autres évolutions politiques depuis en Europe ont confirmé qu’il s’agit là d’une tendance de fond.
Aux Pays-Bas, l’ascension fulgurante du Mouvement agriculteur-citoyen (le parti BBB) s’est fondée sur la résistance des agriculteurs au « plan azote » du gouvernement, projet visant à réduire les émissions toxiques du secteur agricole et à limiter fortement le cheptel. Parti de nulle part, le BBB est parvenu à déstabiliser le paysage politique néerlandais. En France, l’anti-environnementalisme est devenu l’une des caractéristiques du Rassemblement national.
Visiblement, Ursula von der Leyen, à laquelle on prête l’intention d’obtenir un second mandat, n’est pas restée sourde à ces avertissements. Elle a reconnu « l’effet croissant » des exigences climatiques sur « le travail et les revenus des agriculteurs », s’est engagée à « protéger l’industrie », à assouplir les exigences administratives, et a cédé à la demande française d’ouvrir une enquête sur les subventions chinoises aux véhicules électriques exportés en masse vers l’Europe. L’initiative pourrait ouvrir la voie à des taxes antidumping ; elle illustre la pression exercée sur la Commission, qui doit concilier la poursuite d’un agenda climatique ambitieux tout en préservant les intérêts et la compétitivité de l’industrie européenne.
Plus de la moitié des mesures du Pacte vert restent à négocier. Les incertitudes économiques et la crainte de la contestation des mouvements d’extrême droite vont évidemment peser. Pour autant, il serait irresponsable de perdre de vue l’enjeu vital de ces mesures, celui de la lutte contre un réchauffement climatique dont les effets visibles sont de plus en plus violents. Parvenir à conjuguer les impératifs environnementaux et la justice sociale doit rester le défi majeur pour la Commission et les gouvernements des Etats membres.
Contribuer
Réutiliser ce contenu