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Laboratoires américains en Ukraine : aux origines d’une théorie du complot

Moscou accuse Washington de mener des programmes biologiques dangereux à ses frontières. Entre traités décontextualisés, paranoïa d’Etat et guerre d’intox, parcours d’une rumeur.

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Publié le 19 mars 2022 à 05h03, modifié le 22 mars 2022 à 15h09

Temps de Lecture 6 min.

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Le représentant permanent de la Russie à l’ONU, au siège des Nations unies, à New York, le 11 mars 2022.

Derrière l’agressivité des chars russes, la menace invisible de savants diaboliques américains ? C’est la rumeur qu’agite la Russie depuis le début de l’invasion en Ukraine : dans des laboratoires secrets répartis sur l’ancienne Rous de Kiev, les Etats-Unis développeraient des armes biologiques, au mépris de leur interdiction en 1972. « Les accusations russes sont absurdes », s’agace le Pentagone, qui y voit une manière pour Moscou de « tenter de justifier ses propres atrocités en Ukraine ».

L’idée que des centres de recherche sur les pathogènes servent à préparer une attaque contre le voisin russe relève d’une « interprétation absurde », confirme la Fondation pour la recherche scientifique, dans une étude publiée le 17 mars. Cette théorie extravagante n’est toutefois pas nouvelle. Elle est née dans le creuset de l’après-guerre froide, sur fond de reconstruction, de méfiance et de malentendus.

Une authentique collaboration américano-ukrainienne

Moscou avait fait des armes biologiques son « projet Manhattan », avec 70 000 scientifiques employés encore à la fin des années 1980 et des capacités de production d’anthrax et de bacille de peste de 200 kg par semaine. Face à cette menace explosive, en 1991, les Etats-Unis adoptent alors une loi visant à démanteler les armes nucléaires, chimiques et bactériologiques en ex-URSS. Elle débouche, deux ans plus tard, sur un premier accord avec l’Ukraine. Kiev s’y engage à lutter contre la fuite de ses technologies militaires, et Washington à apporter son aide, moyennant protection diplomatique de ses ressortissants. La même année, un autre programme de coopération encourage la reconversion des anciens scientifiques soviétiques vers la recherche civile et pacifique.

Mais les attentats à l’anthrax de 2001 ressuscitent les craintes. Pour protéger les souches mortelles contre tout vol, Kiev et Washington signent, en 2005, un nouveau traité. Barack Obama, alors sénateur, le justifie, dans L’Audace d’espérer (2006), par la vétusté et la vulnérabilité des installations ukrainiennes, entre problèmes d’aération, portes mal scellées et échantillons d’anthrax et de bacille de peste stockés « sans autre sécurité qu’un cordon ». Des améliorations sont « désespérément nécessaires », convient, à cette époque, Lubov Nekrassova, directrice de l’agence nationale ukrainienne de la santé.

En vertu de cet accord, Kiev s’engage à partager ses collections de pathogènes avec les Etats-Unis et à veiller à ce qu’elles ne soient pas utilisées à des fins militaires. Certaines recherches seront toutefois confidentielles. De quoi alimenter les craintes sur le développement d’armes biologiques offensives ? « Il serait difficile de les mener à l’étranger sans attirer des soupçons », écarte Etienne Aucouturier, auteur de La Guerre biologique. Aventures françaises (Matériologiques, 2020).

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