De l’ombre à la lumière. Tout homme politique normalement constitué attend, espère ce moment-là. Celui qui vous fera exister pour de bon. Ou disparaître à jamais. Vous n’étiez qu’un secrétaire d’Etat chargé du numérique, quasiment anonyme, et vous devenez alors Cédric O. Vous passez enfin à la télévision. On vous invite aux grandes matinales de radio. Vous entrez dans les conversations de bistrots (quand ils seront rouverts).
On n’en est pas là. Trésorier d’En marche ! pendant la campagne, puis conseiller à l’Elysée, fidèle d’entre les fidèles du chef de l’Etat, Cédric O a bâti sa carrière dans l’ombre. Et cela lui allait très bien. Sa nomination au secrétariat au numérique, en mars 2019, en remplacement de Mounir Mahjoubi, n’y avait pas changé grand-chose. Mais, le mercredi 27 mai, Cédric O a un rendez-vous. Il sera devant l’Assemblée nationale pour défendre son application StopCovid, censée permettre de répertorier et de contacter les personnes ayant été au contact d’un malade contaminé par le virus.
« Si mon aventure devait s’arrêter là, ce ne serait pas très grave. » Cédric O
C’est son bébé. Un bébé qui a semé un sacré bazar au sein de la majorité présidentielle. Parmi les députés LRM frondeurs qui ont claqué cette semaine la porte de La République en marche pour aller créer un nouveau groupe à l’Assemblée nationale, beaucoup ont glissé dans leur panier de griefs cette application StopCovid. Autant dire que Cédric O a peut-être une chance de devenir un homme politique.
N’allez pas imaginer que ce diplômé de HEC de 38 ans, père de deux enfants, est de nature à se cacher derrière la pile de ses dossiers. Non, Cédric O est d’un alliage, très macronien, composé d’une très grande assurance et d’un peu de détachement. « Si mon aventure devait s’arrêter là, ce ne serait pas très grave », affirme-t-il depuis son bureau de Bercy, en bras de chemise. D’un abord sympathique, il parle vite, cash et clair. Il dit tout à la fois que servir l’Etat est ce qu’il y a « de plus excitant dans la vie » mais que, demain, il retournera là d’où il vient, c’est-à-dire dans un grand groupe industriel – il a travaillé pour Safran, spécialisé dans l’aéronautique, l’espace et la défense, de 2014 à 2017.
Une bande prend forme
C’est que ce fils d’un ingénieur coréen arrivé en France en 1976 et d’une enseignante française est entré en politique par accident. De 6 à 18 ans, il ne pense qu’à une chose : devenir officier parachutiste dans la Légion étrangère. La foudre lui est tombée dessus le jour où son père lui a offert une boîte de soldats en plastique. Mais, à 18 ans, son rêve se fracasse sur une myopie naissante. Bon élève, il entre à HEC.
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