« J’ai l’impression d’être entre deux générations, celle de mes parents et celle du dérèglement climatique. Pour moi, il est essentiel de changer notre rapport au vivant, y compris dans la manière d’envisager la mort », explique Pierre Berneur. Ce consultant en innovation sociale de 36 ans a entendu parler pour la première fois de l’humusation à travers une fondation belge, Métamorphose. Derrière ce terme, un véritable projet de société : donner un sens à son passage sur Terre en réduisant son empreinte écologique. « Je suis devenu papa au printemps 2020, et ça a accéléré ma réflexion sur ces questions. L’humusation, au final, c’est le contraire de l’euthanasie : c’est passer de la mort à la vie. »
Pierre Berneur a ainsi fondé l’association Humo Sapiens. Les membres se chargent d’informer le grand public des modalités du protocole qu’ils défendent, une synthèse des recherches belges et françaises. Concrètement, le corps du défunt est enveloppé dans un linceul biodégradable, puis recouvert d’une couche de broyat (matière sèche), laissant les micro-organismes faire leur travail. Des « humusateurs » (sorte d’employés des pompes funèbres) interviennent trois à quatre mois plus tard pour broyer les matières solides, soit les os et les dents. Douze mois plus tard, le compost est rendu à la famille.
En France, selon un sondage OpinionWay « Les Français et la terramation » pour Humo Sapiens et la MAIF réalisé en septembre 2022, ils seraient 46 % à être prêts à recourir à cette pratique. Aux Etats-Unis, dans les six Etats concernés (dont New York et la Californie), le procédé existant est bien plus high-tech. Le corps est placé dans un cylindre en acier ventilé par de l’oxygène, dont la température est surveillée par des capteurs, ce qui permet d’obtenir le compost dans un délai record d’un mois. La famille peut s’en servir dans son jardin ou le confier à une entreprise spécialisée qui le dispersera dans un parc. Katrina Spade, la fondatrice de Recompose, l’entreprise américaine pionnière en matière d’humusation, affirme avoir eu un déclic le jour où elle a pris conscience que son cadavre allait empoisonner la terre.
De fait, il faut reconnaître que ni l’inhumation ni la crémation ne sont des solutions écologiques. Selon une étude des services funéraires de la Ville de Paris de 2017, la crémation d’un défunt émet en moyenne 233 kilos de CO2, l’équivalent d’un trajet de 1 124 kilomètres en voiture. L’inhumation, elle, est bien plus polluante, avec 830 kilos de CO2 dégagés, soit 4 023 kilomètres parcourus en voiture. Sans compter la pollution des sols entraînée par le formol, un puissant conservateur injecté pour les soins de conservation du corps. De quoi donner à certains l’envie d’une mort plus respectueuse de l’environnement.
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