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Les tablettes au collège, la fausse bonne idée de François Hollande

Le conseil général de Corrèze achète depuis 2010 des iPad pour les collégiens. Les études sont toutefois partagées sur l'utilité pédagogique de ces outils.

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Publié le 07 novembre 2014 à 12h29, modifié le 07 novembre 2014 à 12h47

Temps de Lecture 4 min.

« Des cours de codage » et « une tablette et une formation au numérique » pour tous les élèves de cinquième à partir de la rentrée 2016 : voilà les deux principaux points du « plan numérique » pour l'école qu'a précisé François Hollande, jeudi 6 novembre sur TF1. Les tablettes au collège, c'est presque une spécialité du président de la République : la Corrèze, son fief, équipe depuis 2010 les collégiens en iPad, la tablette d'Apple, dans le cadre d'un programme pilote qui prévoyait initialement d'équiper les élèves d'ordinateurs portables. 

Gadget ou vrai apport pédagogique, la tablette ? En avril, l'Université de Cergy-Pontoise a publié pour le ministère de l'éducation nationale un long rapport, portant sur des expérimentations d'usage de tablettes dans les classes de primaire de huit établissements. Tout en restant prudent, le document relève que « l'étude met à jour des cas d'usages pertinents, à valeur ajoutée pour les élèves et qui s'accompagnent d'une réflexion approfondie de la part des enseignants, autant sur des considérations didactiques et pédagogiques que sur d'autres plus techniques ». Ce constat globalement positif s'accompagne cependant de points de vigilance importants, sur le niveau d'aisance et de formation des enseignants à ces outils, mais aussi et surtout sur « les instruments eux-mêmes » : 

« La tablette apparaît dans l'étude comme ressource, pour accompagner les activités d'écriture en fournissant les aides adaptées facilement mobilisables. Elle offre des modalités d'écriture multiples et variées à forte valeur ajoutée, combinant très facilement des médias différents : texte-son, texte-image, vidéo. Elle constitue néanmoins un frein aux apprentissages, lorsque les processus cognitifs reliés à une tâche sont perturbés par des affichages subreptices. »

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Surtout, le rapport de l'Université de Cergy-Pontoise soulève un point important : les tablettes, avec leurs interfaces intuitives, semblent simples et pratiques, mais leur utilisation efficace en classe nécessite de faire appel à certaines fonctions avancées qui, elles, n'ont rien d'évident :

« Les enseignants concernés par l'étude ont attribué des fonctions aux tablettes (produire, s'aider, consulter, superviser) et font face à de nombreuses questions d'ingénierie [...]. Ils ont développé des schémas professionnels parfois inédits, et élaboré une technicité en conceptualisant certains processus afin de les rendre intelligibles à leurs élèves. Ces processus concernent par exemple la circulation des documents, le partage d'applications, l'accès à des services en ligne ou bien la convergence entre les instruments, le stockage en « cloud », l'organisation des systèmes de fichiers, etc. Cependant, les schèmes professionnels repérés dans cette étude sont souvent le fait d'enseignants déjà rompus à la pratique des technologies de l'information et de la communication en classe. Ils sont sophistiqués et s'appuient souvent sur des connaissances des technologies qui ne sont pas de sens commun. »

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Car les tablettes sont principalement conçues pour « consommer » – lecture, visionnage de vidéos  – et moins pour « produire », car l'absence de clavier physique rend l'écriture de textes longs peu pratique sur ces supports. Fin 2013, le spécialiste de l'enseignement en ligne Donald Clark notait, dans un texte publié en France par Framasoft, que ni les élèves, ni les étudiants, ni les salariés ne se servent de cet outil spontanément pour apprendre ou travailler. « Les tablettes sont faites pour consommer du contenu, les ordinateurs [portables] permettent la création de contenus. Ce n'est pas parce que les choses sont belles sur un iPad qu'elles sont faciles à faire avec celui-ci », note M. Clark.

En Corrèze, le choix d'équiper les collégiens de tablettes, et plus particulièrement d'iPad, avait d'ailleurs déclenché une polémique : l'association locale de promotion du logiciel libre, Pullco, avait vivement protesté contre ce choix de matériel, arguant qu'à l'heure où les administrations privilégient de plus en plus les systèmes informatiques ouverts, aisément modifiables et configurables, l'achat d'iPad, équipés d'un logiciel fermé, était un non-sens. « L'utilisateur n'a pas la possibilité d'explorer l'outil pour le comprendre, ni de l'adapter à ses besoins. Il est contraint d'adapter ses besoins à l'outil. Par exemple le choix volontaire d'Apple d'interdire l'usage de certaines technologies comme Flash et Java sur ses tablettes rend impossible l'accès à certaines ressources éducatives », notait à l'époque l'association. 

Un avis partagé par le Conseil national du numérique, un organisme consultatif du gouvernement composé d'experts, qui expliquait dans un long rapport sur le numérique à l'école rendu public en octobre que l'une des principales difficultés posées par les tablettes concernait les problèmes de compatibilité et de verrouillage : « Des tablettes propriétaires brident les outils et les contenus mobilisables par les enseignants. (...) Un inconvénient majeur des tablettes est la quasi impossibilité de les rendre interopérables. » Lors de la publication du rapport, plusieurs membres du Conseil avaient d'ailleurs fortement critiqué les plans d'équipement d'établissements scolaires en tablettes tactiles.

Peu ouvertes, les tablettes sont aussi très mal adaptées... à l'enseignement de la programmation, l'autre objectif affiché par François Hollande. L'absence de clavier, les limites logicielles, la taille de l'écran sont autant de facteurs qui rendent l'apprentissage du code difficile sur de tels outils.

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