L’association Anticor a annoncé, lundi 22 mars, qu’elle avait porté plainte devant la Cour de la justice de la République (CJR) sur la question des coûts de gestion et de maintenance de l’application gouvernementale StopCovid (TousAntiCovid). Selon les informations de l’Agence France-Presse (AFP), cette plainte, déposée contre le ministre de la santé Olivier Véran et datant du 11 janvier, est parvenue le 17 mars à la CJR, seul organe habilité à enquêter sur des ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Elle doit désormais être examinée par la commission des requêtes de l’institution.
L’application pour smartphone StopCovid, qui a été au départ conçue comme dispositif de traçage numérique pour avertir ses utilisateurs s’ils sont restés en contact prolongé avec un malade du Covid-19, a été renommée TousAntiCovid en octobre dernier. Elle sert depuis à diffuser des bilans quotidiens sur la pandémie ou à générer des attestations dérogatoires pour se déplacer pendant un confinement ou couvre-feu. TousAntiCovid doit aussi, en 2021, s’ouvrir à l’utilisation de QR codes dans certains lieux publics à risques (bars, restaurants…) pour enregistrer sa présence, et éventuellement recevoir une alerte en cas de contaminations constatées.
Anticor, spécialisée dans la lutte anticorruption, évoque dans son communiqué du 22 mars de potentiels « manquements aux règles relatives à la commande publique » sur la mise en place et la maintenance du dispositif par des entreprises privées. Au point où l’association dénonce un « favoritisme dans l’attribution des contrats relatifs à l’application StopCovid, qui n’auraient été soumis à aucune procédure de passation de marché public ».
Elle déplore, du reste, que la liste des entreprises du secteur privé ayant développé l’application aux côtés d’acteurs publics tels que Santé publique France ou l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) demeure, selon elle, imprécisément connue.
Annoncé le 8 avril 2020 par le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O, le développement de StopCovid avait dans un premier temps été présenté comme réalisé à titre gratuit par différentes entreprises privées, parmi lesquelles Dassault Systèmes, Capgemini, Orange ou Withings. En juin 2020, peu après le lancement de l’application, L’Obs avait révélé que l’exploitation et la maintenance de l’application feraient l’objet d’une facturation, évaluée à l’époque à plus de 200 000 euros par mois. Suite à ces révélations, Anticor avait déjà alerté le Parquet national financier (PNF) sur de tels soupçons de favoritisme.
Soupçons d’infraction pénale
Dans sa plainte, dont l’AFP a pris connaissance, Anticor évoque une évaluation d’un rapport parlementaire faite en novembre, selon laquelle le coût global de StopCovid (mises à jour, serveurs, maintenance, etc.) a été estimé à 6,5 millions d’euros de début juin à fin octobre.
Anticor considère donc que la gestion de cette application aurait dû faire l’objet d’un marché public passé via un appel d’offres et qu’en ne le faisant pas, l’Etat a contrevenu au code de la commande publique selon lequel une telle procédure est impérative pour les marchés de fourniture et de services supérieurs à 139 000 euros hors taxes.
« Chacun des postes de dépenses, qu’il s’agisse de la communication ou de l’exploitation de l’application, aurait dû faire l’objet d’un appel d’offres ou d’une procédure de mise en concurrence au regard de leurs montants », explique Anticor dans son communiqué.
L’association « considère que pour des marchés publics portant sur des montants aussi importants, la mise en concurrence était obligatoire pour garantir la transparence, d’une part dans l’attribution des marchés et d’autre part dans l’usage de l’argent public », et que cette absence « d’appel d’offres dans les cas où il est obligatoire, est susceptible de constituer l’infraction pénale de favoritisme ».
Les avocats d’Anticor, Mes Jean-Baptiste Soufron et Patrick Rizzo, ont devancé dans les déclarations qu’ils ont faites à l’Agence France-Presse l’argument potentiel s’appuyant sur l’urgence liée à la crise sanitaire au printemps 2020, qui aurait conduit à remiser ces appels d’offres. Ils estiment qu’entre le lancement du projet et son aboutissement début juin, le gouvernement a disposé de deux mois pour suivre ces procédures, jugées nécessaires.
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