Les Français préfèrent maintenant la crémation à l’inhumation

En ce jour de Toussaint, une étude montre que la crémation devance maintenant l’inhumation dans les choix des Français. La preuve que la tendance s’est inversée.

 31 octobre 2018, cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Ici, dans ce columbarium, reposent des dizaines d’urnes cinéraires. Cette tendance tend à se développer ces dernières années en France.
31 octobre 2018, cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Ici, dans ce columbarium, reposent des dizaines d’urnes cinéraires. Cette tendance tend à se développer ces dernières années en France. LP/Olivier Corsan

    1 % des décès en 1980, 10 % en 1993, 36 % en 2016. En une génération, la crémation est passée d'une pratique funéraire anecdotique à un choix qui pourrait vite dépasser celui de l'inhumation. En ce jour de la Toussaint, une étude BVA pour la Fondation PFG révèle que 59 % des Français indiquent qu'ils souhaitent avoir recours à la crémation lorsque leur heure sera venue.

    Serait-ce la manifestation d'une baisse de l'influence de l'Église qui fait tourner le dos à l'enterrement traditionnel religieux ? « Historiquement, jusqu'en 2000, les personnes qui se faisaient incinérer étaient dans l'expression d'une opposition à l'Église catholique. Des non croyants. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. D'autres critères entrent désormais en ligne de compte », analyse le sociologue Tanguy Chatel, spécialiste de la fin de vie et du funéraire.

    D'autant que, sans l'encourager, la crémation n'effraie plus l'Église catholique qui, depuis 1963, a levé l'interdit dans la foulée du concile Vatican II. À condition toutefois qu'elle ne représente pas « une négation des dogmes chrétiens ». Chez les protestants, selon la théologie de la Réforme, il n'est pas obligatoire de garder le corps physique. C'est pourquoi les pays de confession protestante comportent plus de crémations que chez leurs voisins chrétiens (Danemark ou Suisse, par exemple, avec plus de 80 % de crémations). Elle est, en revanche, interdite dans le judaïsme et l'islam.

    « Le feu, c'est la lumière »

    Pour quelles raisons se tournent-on davantage vers la crémation ? Alors qu'il n'existait que sept crématoriums en 1975, ils sont plus de 180 aujourd'hui. « La terre a mauvaise presse. C'est une zone d'ombre, polluée, emplie de vers de terre… Le feu, en revanche, symboliquement c'est la lumière. La crémation est aussi le choix de ceux qui ne veulent pas peser sur les générations futures comme pour l'entretien d'une tombe. La cérémonie apparaît également plus moderne car rapide et personnalisable », énumère le sociologue.

    Il est un autre paramètre qui pèse aussi de plus en plus : la crémation serait plus écologique. « Ce qui est parfaitement faux niveau bilan carbone … » tranche Tanguy Chatel. Comme l'idée qu'elle serait moins coûteuse d'ailleurs. Allons-nous vers un raz de marée de cette pratique funéraire en France (comme au Japon qui affiche un taux de crémations de 99 %)? L'expert ne le pense pas. « Je ne crois pas aux estimations venant de crémationnistes qui avancent 80 % de crémations en 2030. Nous vivons quand même dans une culture chrétienne. Cela devrait toutefois s'équilibrer avec l'inhumation. »

    Dans une autre étude de 2012 (de la CPFM-CSNAF), il apparaît d'ailleurs que l'expérience est souvent vécue par les proches comme violente, parfois traumatisante. Et l'enquête de conclure : « Ce qui se manifeste, c'est plus un refus de l'inhumation qu'un attrait ferme pour la crémation », d'où des perspectives encore incertaines.