Contrôle des chômeurs : l'exigeante recette danoise

La réforme de l'assurance chômage entend durcir les conditions d'indemnisation, sur le modèle engagé avec succès par le Danemark il y a plus de vingt ans.

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Un job center à Copenhague.

Un job center à Copenhague.

© SCANPIX DANEMARK/SIPA

Temps de lecture : 4 min

C'est là, après un tour à vélo dans le centre-ville de Copenhague, qu'Emmanuel Macron a un peu imprudemment évoqué les Gaulois «  réfractaires au changement  ». Le chef de l'État est alors en visite officielle au Danemark, fin août, et il évoque une piste que la France, à ses yeux, devrait suivre : la réforme du système d'assurance chômage, qui devrait être mise sur les rails en 2019. Certes, dans son esprit, le «  peuple luthérien  » – les Danois – était culturellement mieux armé pour bouleverser les règles de leur assurance chômage, mais les Gaulois réfractaires feraient bien de s'en inspirer. Le taux de chômage n'est-il pas, en novembre 2018, à seulement 4,8 % au Danemark, contre 8,9 % en France ?

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Au début des années 1990, le Danemark n'est pas très en forme. Le taux de chômage culmine à 11 %, soit à peu près le même niveau qu'en... France. Le gouvernement Rasmussen prend le dossier en mains. Il décide de mettre au point la fameuse flexisécurité : on simplifie les règles d'embauche et de licenciement, mais, en échange, on durcit le régime d'assurance chômage. Cinq ans plus tard, la recette est déjà gagnante, même si la reprise économique vient à son secours : en 2000, le pays a divisé par plus de deux son taux de chômage.

Règles drastiques

Premier pilier de la recette, donc, la flexibilité. Aidés par la culture scandinave du dialogue social, les organisations syndicales et le patronat renégocient tous les deux à trois ans les règles du droit du travail : procédures d'embauche (très simples) et de licenciement (très allégées), temps de travail, salaire minimum... Un exemple de verrous (ou de protections, c'est selon) qui sautent : un employeur peut licencier un salarié par une simple lettre, motivée et respectant certaines règles, simplement parce qu'il n'est pas assez performant.

En échange de ces facilités, qui fluidifient le marché du travail, le chômeur bénéficie d'un suivi personnalisé et efficace, ponctué de nombreuses formations. L'indemnisation est ouverte s'il a perçu au moins 29 405 euros au cours des 36 derniers mois. Elle s'élève à 90 % du salaire durant deux ans, ce qui est plutôt généreux. Mais, cette somme n'étant pas indexée sur l'inflation, elle se monte en général autour de 50 % du salaire précédent.

En revanche, l'indemnisation n'est pas un dû. Pour la percevoir durant toute la durée prévue, le chômeur doit se plier à un ensemble de règles assez drastiques. Au Danemark, on ne plaisante pas avec le règlement. D'abord, le néochômeur doit prendre rendez-vous avec sa caisse d'assurance chômage dans les deux premières semaines qui suivent son licenciement. Lors de ce premier entretien, son CV est scruté par un conseiller, qui lui élabore un programme précis de recherche d'emploi. Une fois inscrit, il devra passer huit entretiens dans les six premiers mois, notamment dans l'un des jobs centers du pays.

Des chômeurs arrêtés à l'aéroport

Le chômeur doit se montrer actif dans sa recherche d'emploi, et plutôt ouvert à toutes les possibilités. Les diplômés doivent ainsi chercher un poste dans un rayon de quatre heures de transport, et les autres dans tout le pays  ! Il est obligatoire d'envoyer deux lettres de motivation par semaine, de se rendre chaque mois dans son job center et d'être en permanence disponible. Un chômeur ne peut, par exemple, partir en vacances sans autorisation préalable, un peu comme en France. Quelques chômeurs sans doute un peu distraits ont même été arrêtés à l'aéroport de Copenhague...

La recherche de job est très encadrée. Le conseiller vérifie systématiquement qu'elle colle au marché du travail, et au profil du chômeur. Et si le chercheur d'emploi en refuse un, il peut perdre le bénéfice de son indemnisation. Même chose si l'on oublie d'envoyer ses deux lettres de motivation hebdomadaires ou si l'on sèche un peu trop souvent le programme d'aide à la recherche de travail, qui comprend des entretiens et des formations : l'indemnisation peut être suspendue.

Par deux fois, la dernière datant de 2017, ces règles ont été renforcées. C'est la preuve que le gouvernement danois continue à miser sur ce système pour lutter contre le chômage. Certes, les chômeurs inscrits auprès des agences peuvent en souffrir. Au Danemark, des associations ont d'ailleurs été créées pour leur venir en aide et les soutenir. Mais le chômage baisse. Le «  peuple luthérien  » inspirera-t-il les «  Gaulois réfractaires  » ?

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Commentaires (16)

  • Suissande

    C'est à peu près la même chose ici en Suisse. Chômage environ 3%.
    Mais tant que des escrocs politiques feront croire aux français que contre le chômage on a tout essayé et tant que les français auront envie de croire cette grosse bétise, on n'en sortira pas.

  • Opéra-18-32

    En France, pays où "il y a de la place pour un parti préconisant la redistribution" comme papy Hollande cru bon de le dire depuis son départ forcé de l'Elysée, on est hélas pas prêts à franchir ce pas... Même si un projet Macron va dans ce sens, reste à savoir s'il sera appliqué.

  • dutch1

    Je préfèrerais un système assurantiel privé et facultatif, plutôt que ce "flicage".
    Faible cotisations, faible indemnisations. Plus éventuellement des bureau de conseil et assistance (pour les démarches).
    Le résultat serait le même : Les gens se débrouilleraient... Car il faudrait bouffer.