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Tribune

L'Etat français souffre-t-il d'illectronisme ?

LE CERCLE/HUMEUR - Impôts, permis de conduire, carte d'immatriculation... L'Etat accélère le recours aux téléprocédures. Hélas, la plupart de ces services numériques offrent une expérience utilisateur déplorable.

L'Etat français souffre-t-il d'illectronisme ?

Par Didier Cozin (Ingénieur de formation professionnelle)

Publié le 24 sept. 2018 à 17:00

Multiplier les services dématérialisés sans être capable de rendre la vie numérique du citoyen plus simple et facile, un comble au XXIe siècle. L'expérience utilisateur déplorable des services en ligne de l'Etat témoigne d'une absence de maturité et de compétences numériques. Pas étonnant, dans ces conditions, que un terme pour désigner «l'illettrisme numérique».

Le numérique bouleverse le travail et la société et ne peut rester un simple auxiliaire de l’administration. Si la plupart des métiers sont transformés par les vagues numériques et du travail collaboratif, par la blockchain ou l’Internet des objets, l'administration française reste fidèle à elle-même, tournée vers son passé, adoptant avec retard les normes d'une informatique centralisée totalement dépassée et déclinante.

Logiques administratives obsolètes

Au lieu de remplacer nos différentes pièces administratives (permis de conduire, carte d'immatriculation, carte d’identité, d’électeur…) par des applications numériques qui témoigneraient de nos droits ou de notre identité, l'administration demande au citoyen de numériser lui-même toutes ses preuves et requêtes et ensuite, si tout va bien, lui envoie par voie postale ses papiers.

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On condamne donc les Français à entrer dans des logiques administratives obsolètes tout en perdant un temps fou pour obtenir par voie électronique ce qui leur était autrefois accessible à des guichets (où l'on pouvait certes attendre longtemps mais où l'interlocuteur administratif était un humain).

En bout de chaîne, les autorités contrôlent l'identité, la validité ou l'authenticité des documents via des serveurs électroniques (ou des systèmes vidéo automatisés), mais le citoyen doit continuer à trimbaler moult supports papier censés attester de son permis de conduire, de son certificat d'immatriculation ou de son identité...

Services poussiéreux

Aux Etats-Unis, dès 1984, Steve Jobs, réinventa l'informatique libertaire et décentralisée avec son Macintosh. La promesse était de ne pas transformer l’utilisateur en un esclave de la machine. En France, 30 ans plus tard nous sommes toujours dans une logique inversée, c'est au citoyen de s’adapter à la machine, de résoudre depuis son domicile les énigmes et chausse-trappes numériques posées par l'administration numérique. La convivialité est absente de la plupart des services dématérialisés de l'Etat car ceux-ci ignorent même les notions d'ergonomie ou d'expérience utilisateur.

Si dans le domaine de l'Internet (et de l'informatique grand public) l'expérience utilisateur est devenue fondamentale, pour les services de l'Etat il n'en est rien. Ces services poussiéreux et parfois antédiluviens (certaines applications de Bercy sont écrites en langage Cobol, datant du paléolithique) ne rendent pas les services promis et attendus.

Le prélèvement à la source, promis pour 2019, apportera lui aussi de nombreux désagréments aux contribuables parce que l’impôt aurait dû être préalablement simplifié et clarifié avant de prétendre être prélevé chaque mois sur le salaire. La promesse d'un impôt s'adaptant en permanence aux revenus est fausse et ne sera tenue que pour une minorité de contribuables.

Rendre l'informatique simple

Mounir Mahjoubi le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, veut former les «20 % des Français qui ne savent pas utiliser les outils numériques». Au lieu de rendre accessible et financé le droit à la formation des travailleurs, ses services prétendent lancer un énième plan dirigiste qui ne parviendra ni à convaincre les Français peu informatisés ni à rompre avec ce modèle d'une informatique tricolore poussiéreuse et clivante.

Réduire la fracture numérique, c'est d’abord rendre le numérique simple et accessible et ne plus lancer des services inaboutis et mal pensés. Pour réduire la fracture numérique, il faudra que l'Etat domine son sujet, que la fonction publique renouvelle totalement ses logiciels internes faits de réglementations rigides et paralysantes.

Didier Cozin est spécialiste en formation professionnelle.

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