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Tribune

SNCF : la tentation de contre-réforme

LE CERCLE - Un an après la réforme du rail, les textes réglementaires menacent de défaire les acquis de la loi, Gilles Savary, ancien rapporteur de la réforme ferroviaire de 2014 à l'Assemblée nationale.

Tout semble fait pour que la concurrence soit enchâssée d'emblée dans les rigidités.
Tout semble fait pour que la concurrence soit enchâssée d'emblée dans les rigidités. (Shutterstock)

Par Gilles Savary (consultant, ancien député PS)

Publié le 17 juin 2019 à 08:15Mis à jour le 17 juin 2019 à 08:48

Il y a un an, l'endurance sans précédent du gouvernement face à un front syndical improbable et à quatre mois d'une grève particulièrement mobilisatrice, inscrivait la loi Pacte ferroviaire dans le livre d'or de sa détermination réformiste. Conforme à l'objectif européen de création d'un système ferroviaire européen sans frontières, la réforme consistait à passer d'une régulation publique de monopole à une régulation publique de concurrence.

Pour autant, ni la situation financière de notre système ferroviaire sous transfusion fiscale insatiable ni la dégradation calamiteuse de ses performances n'avaient besoin de prétextes européens pour que la nécessité de le réformer saute aux yeux.

Les exemples de la plupart des réseaux européens voisins, à commencer par le spectaculaire redressement du rail britannique (indépendamment du débat légitime que suscite son mode de financement par les usagers, plutôt que par les contribuables comme en France) ou les réouvertures de lignes en Allemagne, ont démontré que l'aiguillon d'une concurrence régulée associée au maintien d'un haut niveau d'investissements publics sur le réseau peut contribuer efficacement à dynamiser le rail sans dégrader le niveau social des cheminots.

Ordonnances et décrets

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La loi Pacte ferroviaire du 28 juin 2018 constituait le point d'orgue d'une succession de réformes d'étapes, en 2009 et en 2014, visant à garantir l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure, SNCF Réseau, afin que la SNCF ne puisse entraver l'accès au réseau de « nouveaux entrants ». Elle devait leur garantir la possibilité de faire valoir loyalement leurs compétences dans le respect des contraintes inhérentes au rail : obligations de sécurité, impératifs de gestion des circulations, acquis sociaux des cheminots, garantis par la loi et les directives européennes.

Un an plus tard, loin du bruit et de la fureur des débats du printemps dernier, la rédaction des ordonnances et des décrets d'application de la loi de 2018 enchaîne des dispositions de détail qui prennent des allures de discrète contre-réforme.

Des exemples ? S'il était tout à fait légitime que la réforme préserve l'emploi et les acquis sociaux des cheminots, le décret de transfert des personnels autorise la SNCF à fixer unilatéralement, lorsqu'elle perdra un contrat, le nombre et la qualité des salariés. Ainsi, pour ce qui concerne les deux lignes Intercités Bordeaux-Nantes et Bordeaux -Lyon que l'Etat a décidé d'ouvrir à la concurrence, les candidats ne pourront proposer ni l'effectif de cheminots, ni les matériels roulants qu'ils jugent appropriés. Autant de contraintes qui rognent les marges de manoeuvre permettant de proposer les modèles d'exploitation efficaces qui ont permis de relancer le rail dans les pays voisins.

Curieusement, tout semble fait pour que la concurrence soit enchâssée d'emblée dans les rigidités, les routines et les coûts de la SNCF. Le projet d'ordonnance concernant la gouvernance du groupe SNCF, non seulement s'affranchit sans complexes des exigences d'indépendance et de neutralité fonctionnelle de SNCF Réseau, mais il le dilue au sein du Groupe aux dépens même du contrôle de l'Etat propriétaire, comme au bon vieux temps du monopole.

Gilles Savary, consultant, ancien rapporteur de la réforme ferroviaire de 2014 à l'Assemblée nationale.

Gilles Savary

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