Bruxelles veut faciliter la saisie des biens des oligarques
La Commission européenne propose d'ajouter sur la liste des « eurocrimes » la violation des sanctions contre les milliardaires russes et biélorusses. Cela permettra ensuite d'établir une directive pour harmoniser les règles européennes en la matière.
Par Karl De Meyer
Comment empêcher que des oligarques russes et biélorusses sur la liste noire de l'UE échappent aux sanctions européennes prononcées depuis l'invasion de l'Ukraine, par exemple en plaçant leurs yachts dans des eaux internationales ou en transférant la propriété d'une villa à un tiers non sanctionné ? Bruxelles a présenté mercredi une stratégie en plusieurs temps pour y parvenir.
D'abord, la Commission propose d'ajouter la violation des sanctions à la liste des « eurocrimes » qui touchent à des domaines de criminalité particulièrement graves et présentent un caractère transfrontalier. Il faudra pour cela un vote à l'unanimité des Vingt-Sept et une majorité au Parlement européen. Après cela, il sera possible, par le moyen d'une directive, d'établir des règles européennes en vue d'une harmonisation du traitement des violations de sanctions.
Confisquer puis vendre les biens
A l'heure actuelle, elles sont considérées dans douze Etats membres comme une infraction pénale ; dans treize autres comme une infraction pénale ou administrative, en fonction de sa gravité ; dans deux Etats membres elles ne relèvent que de sanctions administratives. Or, comme l'a souligné Didier Reynders, le commissaire à la justice, « la divergence des qualifications pénales et des sanctions applicables peut conduire à l'impunité. Nous devons combler les lacunes ».
Le but de l'opération est d'assurer que les biens des oligarques puissent être confisqués puis vendus si les propriétaires sont bien condamnés, in fine, pour avoir tenté d'échapper aux sanctions ou pour d'autres crimes. La directive envisagée par la Commission punirait également les intermédiaires (avocats, banquiers) qui contribuent au contournement des sanctions.
Obstacles juridiques
Jusqu'ici, un peu moins de 10 milliards d'euros d'avoirs (bateaux, hélicoptères, villas, oeuvres d'art …) ont été gelés dans l'UE. La Commission propose que l'argent confisqué soit versé dans un fonds commun d'assistance à l'Ukraine. Les Etats-Unis et le Canada se sont déjà engagés sur cette voie, mais en Europe la question soulève des interrogations dans quelques Etats membres.
La Commission propose que l'argent confisqué soit versé dans un fonds commun d'assistance à l'Ukraine. Les Etats-Unis et le Canada se sont déjà engagés sur cette voie
Le ministre allemand des Finances, s'il s'est dit ouvert à l'idée d'utiliser les capitaux gelés de la Banque centrale de Russie pour la reconstruction de l'Ukraine, s'est montré beaucoup plus mesuré quant aux biens des entreprises et des personnes privées. Une telle mesure, qui touche au droit de la propriété, pourrait se heurter à des obstacles juridiques. Environ la moitié des réserves de la banque centrale russe, soit 300 milliards de dollars, est gelée par les sanctions occidentales.
La Commission, ce mercredi, a aussi proposé une nouvelle directive pour faciliter, de manière générale, la confiscation des actifs des organisations criminelles dans l'UE, en permettant un gel rapide des avoirs louches en attendant une décision des tribunaux. Les activités criminelles engendrent chaque année des revenus de l'ordre de 140 milliards d'euros, selon la Commission. Seuls 2 % de ces actifs véreux sont gelés, et 1 % confisqués.
Karl De Meyer (Bureau de Bruxelles)