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Bilan de Parcoursup : le désarroi des étudiants orientés n'importe où
A partir du 5 septembre, les étudiants toujours sans affectation ont pu formuler de nouveaux voeux.

Bilan de Parcoursup : le désarroi des étudiants orientés n'importe où

#Parcoursupercherie

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La phase complémentaire de Parcoursup a pris fin ce vendredi 21 septembre. Les dernières affectations sont donc distribuées aux bacheliers et étudiants en réorientation encore "en attente" sur la plateforme d'orientation. Souvent pour le pire...

Ils vont enfin avoir droit à leur rentrée. Après la fin de la phase principale de Parcoursup le 5 septembre dernier, la phase complémentaire avait pour mission de trouver une place aux lycéens et aux étudiants en réorientation toujours sans affectation pour l'année 2018-2019, bien que souhaitant rejoindre l'enseignement supérieur. Au début de cette nouvelle étape, ils étaient exactement 7.745 jeunes considérés comme "actifs" (c'est-à-dire qu'ils ont sollicité leur rectorat pour bénéficier d'un accompagnement) et 38.543 autres jugés "inactifs", à ne pas avoir de place dans une formation. Pendant ces 16 jours, ces candidats ont eu à formuler à nouveau des voeux auprès de formations pas encore au complet pour pouvoir enfin commencer à étudier.

Mais pour certains, cette phase a surtout été synonyme de déception. A défaut d'être admis dans les formations qu'ils désiraient absolument rejoindre, ils n'ont eu d'autre choix que de gagner une autre voie pour s'éviter une année blanche. "Ce qui est très important (avec Parcoursup, ndlr), c'est que l'esprit de cette loi soit respecté, que nous ayons redonné le choix aux étudiants, clamait pourtant Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, le mercredi 12 septembre lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Parce que c'est quand on choisit sa formation qu'on a le plus de chance de réussir".

Réels désirs et voeux de secours

"C'était ça ou la déscolarisation", annonce-t-elle, de but en blanc. Julie a 19 ans. Titulaire d'un bac S, elle n'a même pas pu fêter ce diplôme "comme il se doit", regrette-t-elle. Son été, elle l'a passé dans l'angoisse, à réactualiser l'application Parcoursup... "pour rien". Si elle savait que ses résultats n'étaient pas excellents, dépassant tout juste la moyenne durant toute la durée de sa terminale, elle ne pensait pas que cela allait la contraindre "à attendre". Candidate à une place en BTS Aéronautique, elle a tout tenté. "S'il avait fallu traverser la France pour étudier, je l'aurais fait", justifie cette ex-lycéenne de Seine-et-Marne. C'est pourquoi elle a adressé quatre voeux auprès de lycées proposant cette formation : dans le Nord, en Loire-Atlantique, dans les Bouches-du-Rhône et dans l'Isère.

Pour "assurer le coup", elle a malgré tout formulé un cinquième voeux dans une formation qui n'a rien à voir : une licence LEA (langue étrangère appliquée) dans une universitéparisienne. Acceptée immédiatement, elle l'a mise "en attente", dans l'espoir d'une admission dans la formation tant convoitée. "A la fin de la phase principale, j'ai eu un choix à faire, relate-t-elle. Soit accepter d'aller en LEA, soit faire le pari de basculer dans la phase complémentaire en espérant trouver une formation qui se rapproche davantage de ce que j'ai envie de faire de ma vie." Elle tente alors sa chance auprès d'un DUT Génie Electrique et Informatique industrielle, en l'accompagnant d'un autre voeux en LEA, "au cas où". Elle héritera de la licence.

"Je profiterai de cette année pour progresser en langue mais je sais déjà que je vais tenter de me réorienter dès l'année prochaine. On ne va pas m'imposer d'être professeur de langue !"

"J'ai eu 20 au bac d’italien et 18 en espagnol et je ne peux même pas étudier dans ce domaine ?"

Eric a eu un peu plus de chance. L'an dernier, ce jeune homme de 20 ans avait espéré rejoindre une licence sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à la rentrée 2017, juste après l'obtention de son bac S mention assez bien. Admis nulle part, il s'était tourné vers une licence d'anglais. Pas vraiment à sa place, il a tenté, cet été, de se réorienter. "J'ai postulé sur toutes les Staps d'Île-de-France soit huit universités différentes", détaille l'étudiant originaire de Gentilly, dans le Val-de-Marne. En attente partout, il a profité de la phase complémentaire pour tenter d'enfin obtenir une place dans une licence Staps, cette fois à Strasbourg (Bas-Rhin), tout en candidatant pour une licence Sciences de la vie - Biologie - Géosciences - Chimie à Nantes (Loire Atlantique).

Une orientation par défaut

Ce vendredi matin, il a cru que le sort s'acharnait sur lui. Après l'anglais, celui qui a toujours rêvé de faire du sport sa profession allait devoir se tourner vers la chimie, son "vœu de secours". S'il a hésité à le valider, il a finalement reçu dans les heures suivantes une réponse positive pour son souhait d'orientation favori. Un "soulagement", bien qu'il lui faudra faire pratiquement 500 kilomètres pour gagner son nouveau lieu d'étude et tenter de trouver un logement, deux semaines après la rentrée universitaire. "C'est étrange de se dire qu'on va devoir tout quitter du jour au lendemain, entre la famille, les amis, les habitudes... Mais il faut ce qu'il faut", explique-t-il, partagé entre la joie et une certaine appréhension à l'heure de se lancer dans une nouvelle étape de sa vie.

Un dénouement heureux que n'a pas encore pu connaître Camélia. Son premier choix ? Une place en BTS commerce international. Résidant au Blanc-Mesnil (Seine-saint-Denis), en région parisienne, elle a tenté sa chance dans plusieurs établissements de cette zone... sans succès. Même ses voeux de secours n'ont pas été acceptés, auprès de plusieurs licences Administration et échanges internationaux. Les différentes phases d'affectation n'ont rien pu pour elle.

"Je viens de découvrir ce matin, dernier jour de la phase complémentaire, que je n’avais aucune proposition d'affectation et donc aucune possibilité de m'inscrire où que ce soit", rapporte-t-elle, paniquée. A cette angoisse, s'ajoute l'incompréhension : "Je sais bien que les notes du bac ne sont pas considérées, mais tout de même... J'ai eu 20 au bac d’italien et 18 en espagnol et je ne peux même pas étudier dans ce domaine ?" Pour "trouver une solution", cette bachelière va tout tenter : "Je vais harceler le numéro vert de Parcoursup, me déplacer à l’académie de ma région et leur expliquer mon cas, je ne peux pas ne pas être scolarisée pendant tout une année !" Malgré ses efforts, et même si une nouvelle proposition lui sera certainement faite, elle le sait : "ce sera une orientation par défaut, pas par choix..."

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne