Pourquoi empêcher les ados de procréer pourrait... sauver la planète

Pourquoi empêcher les ados de procréer pourrait... sauver la planète
Des amoureux coréens (DENNIS/FLICKRCC)

Dans un monde qui court vers les 3°C de réchauffement, des scientifiques préconisent de convaincre les adolescents de changer.

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Le rapport quelque peu lénifiant du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) remis ce lundi matin nous a dressé le portrait d'un monde réchauffé à 1,5°C au-dessus des températures de l'ère pré-industrielle, alors que la fin du siècle pourrait bien connaître... le double. Pour freiner l'emballement du réchauffement climatique, les actions des Etats et des entreprises seront essentielles, mais le citoyen de base peut aussi faire sa part de travail.

Le hic, c'est que les mesures les plus efficaces ne font pas toutes l'objet de discussions ou d'information, comme l'expliquaient l'an dernier deux chercheurs de l'université de Lund (Suède), Seth Wynes et Kimberly Nicholas, dans une étude parue dans la revue "Environmental Research Letters". Ces scientifiques ont examiné en détail les comportements individuels susceptibles de faire une différence, et ont calculé leur capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

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Aussi étrange que cela puisse paraître, des mesures recommandables comme l'isolation thermique de son domicile, l'acquisition d'appareils électriques qui consomment moins d'énergie, composter ou planter des arbres sont loin de la tête de liste. Alors, que faut-il faire ?

1 Devenir végétarien

On peut certes faire des efforts pour manger moins de viande, mais pour atteindre un résultat palpable, il faut se mettre à 100% à la verdure. Réduire la viande, c'est 230 kilos d'émissions (en équivalent gaz carbonique) de moins par an et par personne. Passez à un régime entièrement à base de plantes, et vous éviterez 0,8 tonne d'émissions annuelles. C'est quatre fois plus qu'un bon recyclage et huit fois plus que de changer toutes vos ampoules électriques pour passer en mode basse consommation.

2Ne plus prendre l'avion

Plus le vol est long, plus il impacte l'environnement, bien sûr. Mais prendre l'avion, de manière générale, c'est mauvais pour la planète. Suffisamment pour nous faire réfléchir à nos destinations de vacances. En renonçant à un vol transatlantique, vous économiserez 1,6 tonne d'émissions par personne. C'est presque huit fois plus que de recycler vos déchets ou économiser l'énergie chez vous toute l'année.

3 Ne plus avoir de voiture

Franchir le pas et zapper l'auto, ce n'est pas facile. C'est même mission impossible pour ceux qui vivent dans les zones rurales. Mais pour ceux qui résident en milieu urbain, laisser définitivement tomber la voiture est ce que vous pourrez faire de mieux. Selon l'étude de Wynes et Nicholas, vous éviteriez en moyenne 2,4 tonnes d'émissions annuelles. C'est treize fois plus que ce que vous éviteriez en isolant mieux votre habitation.

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4Avoir un enfant de moins

C'est probablement l'élément le plus inattendu de l'étude, mais en y réfléchissant bien, il est très logique. Une naissance évitée, c'est un pollueur en moins. A l'échelle de la planète, réduire la population réduirait aussi les ressources consommées. Même pour une famille, l'économie est substantielle : les deux chercheurs ont estimé qu'en moyenne dans un pays développé un enfant de moins représente 58,6 tonnes de gaz à effet de serre par an qui ne seront pas envoyées dans l'atmosphère. L'équivalent de 36 aller-retours transatlantiques...

L'importance de ces quatre mesures phares ne signifie bien entendu pas que les autres sont inutiles, mais cette étude les remet à leur juste proportion. Reste que pour certaines, le pas à franchir n'est pas facile.

"Certaines actions à fort impact sont peut-être politiquement impopulaires, mais cela ne justifie pas de se focaliser sur des actions modérées ou à faible impact", affirment Seth Wynes et Kimberly Nicholas.

Petites actions à grande échelle

Si les actions listées sont les plus efficaces individuellement, il faut également prendre en compte la faisabilité à grande échelle, insistent Paul Stern et Kimberly Wolske. Ces deux chercheurs américains estiment que les actions préconisées par leurs collègues "sont des changements de style de vie dont les bénéfices se cumulent sur l'ensemble d'une vie ou au-delà, et ne sont donc pas des alternatives réalistes aux actions qui peuvent être effectuées immédiatement".

Pour eux, il faut en effet prendre en compte la flexibilité du comportement de chacun, et la proportion de gens prêts à aller jusqu'au bout d'engagements aussi importants. Par exemple, si seul un petit pourcentage de l'humanité décide de se passer d'automobile, cela aura beaucoup moins d'effet que l'adoption de technologies plus économes en énergie par de vastes populations.

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"Présenter des changements de mode de vie à long terme comme des alternatives réalistes à des comportements qui peuvent être immédiatement adoptés va vraisemblablement rencontrer une résistance du public, et pour de bonnes raisons : les choix de style de vie à impact élevé demandent un engagement continu de sacrifier des bénéfices que la société considère généralement comme désirables", poursuivent les commentateurs.

Viser les ados

Wynes et Nicholas, eux, plaident pour que les brochures d'information sur le changement climatique, principalement à l'usage des enfants, prennent en compte l'efficacité des mesures. "Nombre de ces changements pourraient être perçus comme des choix désirables pour promouvoir un mode de vie plus lent et plus sain", assurent-ils. Leur cible principale ? Les adolescents. "Ils peuvent choisir leur propre régime alimentaire, influencer les décisions de la famille sur les vacances, et devraient être informés des conséquences environnementales de la taille d'une famille lorsqu'ils commencent à devenir sexuellement actifs."

Sur ce point, Stern et Wolske sont d'accord avec leurs collègues : "Présenter ces choix de vie pour débuter des conversations avec les adolescents pourrait être prometteur, surtout si ces discussions soulignent également les problèmes de souplesse de comportement, de souplesse des politiques et de l'échelle de temps, et encouragent à prêter attention aux moyens de faciliter les changements ayant le plus fort impact."

Petits pas, grandes enjambées, tout est bon pour lutter contre le réchauffement climatique. Alors, on commence par quoi ?

Jean-Paul Fritz

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