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La mobilisation des agriculteurs allemands enflamme les sphères conspirationnistes françaises

par TD
Publié le 12 janvier 2024 à 17h42, mis à jour le 20 janvier 2024 à 14h45

Source : Sujet TF1 Info

Les agriculteurs allemands sont vent debout contre la politique du gouvernement Scholz.
Un mouvement de protestation qui rencontre un soutien certain dans les milieux conspirationnistes français.
Rejet des élites, du "globalisme" et accusations envers les médias font écho au mouvement des Gilets jaunes ou au militantisme antivax observé lors du Covid.

Le 8 janvier, les agriculteurs allemands ont entamé une semaine de mobilisation pour s'opposer à la politique menée par le gouvernement d'Olaf Sholz. Le pouvoir en place outre-Rhin, qui réunit les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux, fait face à une forte impopularité et se trouve dans le viseur des paysans allemands, suite notamment à l'annonce de la suppression d'un avantage fiscal sur le gazole. Blocages, défilés en tracteurs, les actions se sont multipliées à travers l'Allemagne. Un mouvement de protestation auquel est venue s'ajouter une grève ferroviaire, sur fond de rejet des mesures d'économies déployées par les autorités. Cette colère palpable n'est pas passée inaperçue en France : les actions menées chez nos voisins sont largement commentées et relayées par des internautes qui gravitent autour des sphères conspirationnistes.

Un emblème du rejet des "élites" et du "mondialisme"

En l'espace de quelques jours, les images de manifestations, de routes bloquées par des tracteurs et d'agriculteurs déterminés se sont répandues en ligne, relayées par des comptes parfois très suivis. Des internautes forts d'une importante communauté et dont l'attention se portait plutôt au cours des dernières semaines sur d'autres événements d'actualité, le conflit entre Israël et le Hamas en tête. 

Surtout, des éléments rhétoriques reviennent de manière persistante, permettant d'observer la portée symbolique de ce conflit social auprès de ses relais francophones. Dans les messages qui évoquent la mobilisation des paysans allemands, on lit régulièrement qu'il s'agirait d'un soulèvement du "peuple", en opposition à des élites qui agiraient à l'encontre du bien commun. D'aucuns y voient d'ailleurs un symbole fort, alors que doit se tenir sous peu le forum économique de Davos, emblème de la mondialisation et des puissances de l'argent.

L'idée d'un "soulèvement" des peuples est régulièrement mise en avant sur les réseaux sociaux ces derniers jours.
L'idée d'un "soulèvement" des peuples est régulièrement mise en avant sur les réseaux sociaux ces derniers jours. - Capture écran X

Cette opposition entre le "peuple" et ses "élites" est renforcée par le fait que des agriculteurs se trouvent en première ligne. Ils sont présentés comme des emblèmes de la ruralité, d'une authenticité qui trancherait avec des gouvernements présentés comme des "services mafieux", selon les mots de Francis Lalanne. À l'instar du chanteur, qui avait défendu avec énergie les Gilets jaunes, d'autres figures bien connues évoquent aussi le conflit en Allemagne. Des comptes influents que l'on retrouvait ces dernières années en première ligne dans le cadre d'autres mobilisations.

Francis Lalanne fait partie des comptes très suivis à relayer les actions des agriculteurs allemands.
Francis Lalanne fait partie des comptes très suivis à relayer les actions des agriculteurs allemands. - Capture écran X

Une convergence des luttes dans les sphères conspirationnistes

Parmi les internautes qui suivent avec la plus grande attention la protestation en Allemagne, on retrouve un certain Silvano Trotta. Régulièrement épinglé depuis plusieurs années pour la diffusion de fake news, cet entrepreneur est devenu une figure de la complosphère, fort de quelque 165.000 abonnés sur X. Après avoir pourfendu les vaccins Covid, relayé des messages climatosceptiques ou propagé de fausses informations sur le conflit en Ukraine, il poste ces derniers temps des dizaines de messages sur les manifestations d'agriculteurs outre-Rhin.

"Tout est bloqué de partout", chez nos voisins, s'enthousiasme-t-il, "c'est énorme". À travers ses publications, il soutient que le gouvernement d'Olaf Scholz veut "éradiquer" les paysans, tout en dénonçant un "mensonge climatique". Une référence directe aux mesures contestées des autorités allemandes, dont certaines sont justifiées par la volonté d'accélérer la lutte contre le changement climatique. Ces messages font écho aussi aux discours des contestataires, puisque les écologistes de la coalition au pouvoir font l'objet de vives critiques, de la part notamment du parti d'extrême-droite AfD, qui affiche sa solidarité avec les agriculteurs dans ses prises de position publiques et dans les cortèges. 

Des sites tels que France-Soir n'ont pas non plus manqué de se faire le relais des manifestations, mettant par exemple en lumière la participation de quelques français au mouvement, venus témoigner de leur solidarité. Une forme de convergence des luttes entre les Européens qui se revendiquent comme des opposants au "système" ? Certains semblent le souhaiter, à l'instar de Florian Philippot. L'ancien eurodéputé, fréquemment mis en cause pour ses diffusions de fake news au sujet des vaccins Covid, évoque une possible "contagion en France" du mouvement social allemand. Tout en visant dans ses messages les médias, qui demeureraient silencieux dans l'hexagone.

Le président du parti Les Patriotes tente de surfer sur le conflit social qui s'est étendu en Allemagne.
Le président du parti Les Patriotes tente de surfer sur le conflit social qui s'est étendu en Allemagne. - Capture écran X

Un prétendu silence des médias français

Si les "élites" et les "globalistes" sont l'objet d'invectives répétées sur les réseaux sociaux en marge des manifestations allemandes, les médias récoltent, eux aussi, leur lot de critiques. Ils sont ainsi accusés de dissimuler au grand public l'ampleur des mobilisations, et de volontairement minorer leur portée. Des mises en cause qu'il faut nuancer assez largement : si la presse française est moins prolixe que celle outre-Rhin sur le sujet, on note qu'une dépêche de l'Agence France Presse a évoqué les actions des agriculteurs dans des dépêches les 4, 5, et 6 janvier. Puis à nouveau le 8 janvier, avant de mettre en avant le 10 la grève des conducteurs de train. 

Les médias traditionnels ont également évoqué ce conflit social. Le Point, BFMTV, Les Echos, France Info ou encore Ouest-France se sont fait l'écho des mobilisations. Le Figaro ou La Croix, quant à eux, publiaient ces derniers jours des articles de leurs correspondants en Allemagne.

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