France – Le pays au top niveau à l'international en termes de PIB ressenti

France – Le pays au top niveau à l'international en termes de PIB ressenti

En résumé

Des travaux de recherche sont menés à l'Insee afin de trouver un indicateur de bien-être monétaire alternatif, « meilleur » que la mesure du produit intérieur brut (PIB). Le PIB est en effet un indicateur très imparfait pour de nombreuses raisons, trop éloigné du bien-être ressenti. L'indicateur proposé, le « PIB ressenti », classe la France devant les États-Unis ainsi que l'Allemagne. Outre la dimension monétaire, l'indicateur pourrait par la suite être complété par des éléments de bien-être non monétaire.

La mesure traditionnelle du bien-être monétaire, celle du PIB, souffre de plusieurs lacunes. Tout d'abord, une hausse du PIB n'a pas les mêmes implications en fonction de l'évolution de la population (celle-ci pouvant simplement résulter d'une progression de la population). À ce titre, la mesure du PIB par habitant lui est préférée. Cependant, même en utilisant le PIB par habitant, une majorité de la population peut voir ses revenus diminuer alors même que le PIB augmente, la mesure usuelle de la croissance accordant de facto plus de poids aux ménages les plus aisés. Enfin, une hausse du revenu ne contribue pas au bien-être de la même manière pour tous. La fameuse notion d'« utilité marginale décroissante » du revenu, chère aux économistes, implique en effet qu'une même hausse du revenu améliore moins la vie d'un individu en haut de l'échelle des revenus que celle d'un individu en bas de l'échelle des revenus. Cette thèse est bien corroborée par les données empiriques, comme celles de l'enquête de l'Insee sur les statistiques sur les ressources et les conditions de vie (SRCV) des ménages, où une question porte sur leur satisfaction dans la vie qu'ils mènent.

Les travaux de recherche de l'Insee aboutissent à la proposition d'un indicateur alternatif, le « PIB ressenti » ‒ par analogie avec la « température ressentie » en météorologie ‒ qui mesure la contribution moyenne des revenus à la satisfaction dans la vie, en équivalent monétaire. Fondé sur les enquêtes subjectives de bien-être et le revenu disponible des ménages, c'est ainsi le revenu qui procurerait à un individu un score de satisfaction dans la vie égal au score de satisfaction moyen prévalant au niveau national.

L'utilisation de cet indicateur plutôt que du PIB a plusieurs implications. En premier lieu, les crises économiques dureraient de l'ordre d'une décennie, contre une ou deux années avec la mesure du PIB. Ainsi en 2019, la France retrouvait péniblement le niveau du PIB ressenti précédant le ralentissement de 2008, soit après onze années, les États-Unis, l'Espagne, l'Italie et la Grèce n'ayant pour leur part toujours pas retrouvé ce niveau en 2019. Les évolutions du PIB ressenti sur très longue période sont par ailleurs différentes de celles du PIB. Alors que le PIB triplait aux États-Unis entre 1980 et 2019, le PIB ressenti y a quasiment stagné, permettant à l'Europe, dont les deux indicateurs évoluaient plus en ligne, de rattraper son retard. Les chiffres pour 2019 montrent que la France, la Finlande, la Belgique et la Suède ont ainsi dépassé le niveau de bien-être monétaire américain, l'Allemagne se situant en-deçà.

La construction du PIB ressenti s'est limitée à la mesure du bien-être monétaire, c'est-à-dire à la satisfaction tirée de leurs revenus par les individus. Toutefois, la notion de bien-être recouvre d'autres dimensions, comme la santé, l'éducation, les loisirs ou la distribution des revenus. Ces dimensions non-monétaires pourraient venir compléter la mesure existante de bien-être monétaire à l'avenir, mais se pose la problématique de la disponibilité des données sur longue période pour un grand panel de pays. Le nouveau cadre de normes internationales en matière de comptes nationaux, prévu pour 2025, pourrait y contribuer.
 

Article publié le 6 octobre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

France – Le pays au top niveau à l'international en termes de PIB ressenti

Le « PIB ressenti » tel que construit par l'Insee a le mérite d'être un indicateur synthétique qui permet une meilleure approche du bien-être monétaire, plus proche du ressenti des individus. Il pourrait contribuer à améliorer la mesure du développement économique, jusque-là appréhendé à l'aune de la croissance du PIB ou du PIB par habitant. La Commission de Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009 préconisait toutefois, outre une meilleure mesure du bien-être présent, l'intégration de l'évaluation de sa soutenabilité. Il s'agit là d'un enjeu puissant, notamment au regard de la nécessaire transition écologique.

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg