C’est officiel : les banques européennes ont majoritairement réussi les stress-tests. Compte-tenu des hypothèses de base posées pour les scénarios les plus pessimistes, on peut en déduire qu’une nouvelle crise fera au maximum sept nouveaux chomeurs, que la croissance sera amputée de 0.1% et se placera à 18.8% et qu’un aller retour Terre-Mars se fera pour 12€.
Et pendant que la BCE aligne les bricolages farfelus que peu jugent crédibles, la Chine, elle, publie au travers d’une toute nouvelle agence de notation un intéressant rapport …
Dans ce rapport, on apprend notamment – chose ô combien étonnante pour le lecteur attentif de ce blog – que la France perdrait son triple-A, note qui lui permet jusqu’à présent d’emprunter tant et plus sur les marchés financiers à des taux faibles.
Bien sûr, le rapport ne se contente pas d’infliger une mauvaise note à la France et administre, en réalité, une véritable volée de bois vert à la plupart des pays européens qui perdent presque tous les notes attribuées par Standard & Poor’s, Fitch ou Moody’s.
Autre point à noter : non seulement la France est, dans cette nouvelle notation, rétrogradée, mais en plus elle l’est de plusieurs crans d’un seul coup, comme le Royaume-Uni, la Belgique ou l’Espage. Le pays est en effet placée en AA- (après AA+ et AA), soit trois marches plus bas. Les autres pays notés sont, en général, dégradés, mais pas d’autant (deux ou une marche seulement).
Comme d’habitude en France dès qu’un fait économique d’importance doit être abordé par la presse, cette dernière s’empresse de faire paraître le résumé minimal pondu par l’Agence Fausse Presse, et passe très vite à autre chose : on n’a pour ainsi dire pas parlé du tout de cette nouvelle dans les journaux hexagonaux, jugeant que les entrechats de Mamy-Gatouille et Eric Im Woerth It valaient bien mieux que ça.
Pourtant, il y a matière à réflexion : pour se faire une idée, on pourra regarder le graphique suivant – cliquez dessus pour l’avoir en taille réelle – qu’un lecteur m’a très gentiment fourni via un article paru dans une étude financière (de la Banque Privée de Rotschild).
Bien évidemment, la première remarque qui vient à l’esprit est que les Chinois agissent ici de façon purement politique. On lit même parfois dans les commentaires des deux ou trois articles que la presse nationale consacre au sujet quelques remarques méprisantes sur le thème : « Il y a 20 ans, ils n’avaient que des bouliers, et maintenant, ils viennent nous donner des leçons ! Pouah ! »
Effectivement, on ne peut pas écarter du champ des possibles que le gouvernement chinois (caché derrière la nouvelle agence de notation, Dagong) tente ici de forcer la main de ses principaux débiteurs pour s’assurer de leur part qu’ils feront les efforts nécessaire pour rembourser les montants colossaux qu’ils lui doivent.
Cette agence leur permet aussi d’obtenir de meilleur rendements sur les prêts consentis : avec les montants en jeux, un point ou deux de mieux pour le créancier, ce sont des millions et des millions d’euros en plus dans les caisses…
On peut aussi noter qu’après tout, la création d’une agence de notation par un pays s’occupant d’un sixième de la population mondiale était un événement prévisible et logique alors que ce pays acquiert tous les jours une importance économique plus forte. De la même façon, on se doute bien qu’une agence indienne ou brésilienne verront le jour dans les prochaines années.
Et j’en viens à ma seconde remarque : bien qu’effectivement, la manœuvre chinoise puisse être taxée de politique, il apparaît qu’elle est aussi relativement pragmatique et logique dans le domaine économique.
Les Chinois ont très certainement compris depuis longtemps que les actuelles agences de notations, toutes inféodées au gouvernement américain de près ou de loin, ne peuvent plus être prises au sérieux. Tout comme actuellement personne ne se cache pour déclarer tout le ridicule des stress-tests réalisés avec des hypothèses fantaisistes, les Chinois ont, avec cette nouvelle agence, clairement montré qu’ils n’avaient absolument plus confiance dans les notes délivrées par les agences de notations américaines.
Or, et c’est le plus intéressant à mon avis – et on le remarque fort bien sur le graphique ci-dessus – , si on peut très bien admettre qu’il y a une part de politique et de manoeuvre dans le résultat sorti par Dagong, il n’en reste pas moins étonnamment logique.
Ainsi, une fois les pays replacés en fonction des nouvelles notes proposées, on retrouve une bonne corrélation entre les scores de risque sur la dette et la note, corrélation qui était depuis longtemps perdue avec les notes de Standard & Poor’s. Sur le graphique, cela se traduit par un déplacement vers la droite oblique montante des pays qui, auparavant, étaient étrangement scotchés sur la gauche. Et aussi troublant ce résultat soit-il, il est logique que les Chinois, finalement, prennent le plus grand soin à noter leurs débiteurs, compte tenu des sommes en jeu.
Tout ceci, en réalité, veut simplement dire que oui, la France ne vaut pas son triple A, et que lorsque les agences de notations occidentales vont devoir baisser les notes, elles le feront de plusieurs cran.
On imagine sans peine les effets de bords qui auront lieu : la France va, très rapidement, devoir emprunter à des taux qui rendront toute nouvelle dette prohibitive. La cessation de paiement devrait alors aller très vite.
On comprend pourquoi ces agences, dont une partie du revenu dépend indirectement de la bonne tenue économique des pays concernés, ne se pressent pas pour ré-étalonner leurs modèles… Et on comprend aussi pourquoi les économistes et journalistes occidentaux se sont bien gardés de commenter la nouvelle.
Quelqu’un me demanda si selon moi une telle agence de notation chinoise serait crédible. Son avis à lui était évident. Je me doute bien qu’une agence de notation chinoise doit probablement regarder la Chine avec les yeux de l’amour, mais là n’est pas la question. Une agence de notation Française surévaluerait certainement la France, une agence de notation Russe surévaluerait certainement la Russie, et ainsi de suite.
En revanche, dès qu’elles concernent des pays étrangers à leur employeur, ces notes prennent tous leur sens. Si on peut se méfier de la note qu’attribuerait au Brésil une agence de notation Brésilienne, la note que donnerait cette agence au Danemark ou à l’Italie aurait un grand intérêt, parce qu’il n’y a plus (ou en tous cas franchement moins) de possibilités de conflit d’intérêt.
M’est avis qu’en regardant la note de la Belgique donnée par la Chine, la Russie, le Brésil, etc… On pourrait finir par avoir une idée réellement pertinente de sa capacité à rembourser.
On verra la note que donnera chacune de ces nouvelles agence à la France, ca risque de piquer un peu…
A ce sujet, il est bon de noter que l’agence Chinoise ne place pas la Chine elle-même en AAA.
J’ai lu dans la presse anglo-saxone que la Chine se serait sur-évaluée de 1 ou 2 points (elle ne vaudrait pas sa note, de AA ou AA+ je crois), mais que le reste des notes serait crédible.
L’agence chinoise est largement aussi crédible que les agences américaines … La France est dans une situation difficile et l’endettement sera réduit avec des mesures douloureuses (pour le français de base).
La Chine en tant que grande puissance économique et premier marché du monde en nombre d’habitant est un véritable compétiteur pour les états-unis et se comporte comme tel (bien que son jeu soit très subtile).
Je ne vois pas comment on pourrait reduire l’endettement considerant que le gouvernement Francais n’a pas presente de budget a l’equilibre depuis les annees 70. Les mesures douloureuses sont des pansements et du mercurochrome sur un bras coupe
Techniquement parlant on est dans la situation ou on ne fait plus qu’emprunter pour rembourser les dettes et dans la periode faste qui vient de s’achever, au lieu de reduire la voilure on s’est encore plus endettes…
La seule chose qui fait que les preteurs continuent de preter c’est l’appat du gain, comme une banque qui maintient artificiellement en vie les finances d’un client pour l’assomer d’agios et toujours verifier qu’elle pourra saisir assez de biens pour se rembourser quand le client ne pourra plus payer (ca ne marche qu’un temps)
A cote de ca, les politiciens se goiffrent en s’assurant qu’ils ne seront plus la quand ca va exploser
Et d’ailleurs que feront les chinois quand on ne pourra pas les rembourser? ils saisiront les actifs occidentaux qui sont chez eux i.e. toute la machine de production de nos Societes qui se sont delocalises a outrance…
Pas tres gai l’avenir, penser que mes enfants vont vivre ce que les ouvriers chinois vivent en se moment et que j’ai ete le temoin du renversement
Finalement pas besoin de Roubini, Hegel avait deja decortique le systeme 200 ans avant lui
Il n’y a pas que l’appât du gain, il y a aussi un piège abscons : si les prêteurs refusent de prêter, les états font faillite avec le risque pour les prêteurs de tout perdre. En réalité, c’est surtout psychologique puisqu’un rééchelonnement de dette est toujours envisageable.
justement, je me demande de plus en plus dans ce systeme si les preteurs perdent vraiment tout?
Exemple si je suis la Chine ou le Bresil (les principaux bailleurs actuels), je prete, je prete, je me paye de plus en plus grassement en augmentant les taux et ce jusqu’a l’explosion
Quand ca explose, je saisis (pour la Chine: facile les entreprises occidentales ont delocalise tout leur materiel de production la-bas et la paf je suis le seul qui peut produire dans un monde qui n’a plus d’outil de production…)
Quant aux autres, le temps que le systeme explose ils auront recupere plusieurs fois leur mises sauf les petits joueurs genre UAE, Qatar et consors qui viennent jouer dans la cour des grands mais qui serviront de dommage collateraux (ou eventuellement changeront de maitres au bon moment)
Les americains eux s’en foutent, les dettes sont en dollars, s’ils veulent rembourser, ils impriment des billets et ils ont une armee suffisement forte pour se faire respecter et eventuellement recuperer leur du…
Come tu le disais tres justement, quand les temps sont durs le plomb c’est mieux qu l’or
à fifou qui écrit: et la paf je suis le seul qui peut produire dans un monde qui n’a plus d’outil de production…).
A quoi sert d’être le seul à produire si le reste du monde ne peut plus acheter? C’est l’effet pervers de la mondialisation: Sauf à vivre sur son seul marché intérieur, la Chine connaîtra les affres du suréquipement, tandis que les autres connaîtront les affres tout court.
Deja si la chine equipe son marche interieur il y a de quoi faire pour un certain temps, en fait meme pour plus longtemps que continuer a repondre aux caprices de l’Occident…
En plus si cela est fait avec des machines qui ont etes saisies a l’Europe et au Japon selon le systeme intermarche: on prete aux artisans pour les faire vivre au dessus de leurs moyens, ensuite on ferme le robinet, et on recupere leurs bateaux et leurs usines a vil prix… C’est tout benef…
oui, on fait ça. Tout benef. et comme les autres sont exsangues, ils n’ont plus qu’une solution: l’économie de guerre. H16 a raison: c’est du plomb qu’il faut alors acheter.
A tout seigneur tout honneur, Dr Richard North : http://www.contrepoints.org/La-Chine-degrade-la-note-de-l.html?var_recherche=d%C3%A9grade
Pendant ce temps
L’hebdomadaire britannique The Economist vient de publier le classement des présidents, chefs d’État, dirigeants, les mieux payés au monde. afin d’ établir le classement, le journal ne s’est pas uniquement appuyé sur le salaire brut de l’intéressé mais l’a mis en relation avec le PIB par habitant du pays.
7 et 8 / Barack Obama et Nicolas Sarkozy. Respectivement 400 000 dollars et 239 000 euros pour les présidents américain et français, soit 8 fois les PIB par habitant de leurs pays. je ne savais pas que nous étions aussi nombreux que les américains mais bon le calcul des journalistes parfois ?
Le revenu chiffré est insignifiant. Ils vivent des vie de milliardaires. Un exemple parmi des milliers : ils ont un aviond de ligne gros porteur aménagé en palace pour leur usage individuel. Tout est à l’avenant. Et ça continue après la fin de leur mandat (à une échelle un peu réduite, mais à vie).
Crédible ou pas, les résultats de cette agence chinoise sont quand même conformes à la réalité économique. Au lieu de tourner en rond pour dégrader les notes comme le font S&P, F et M, les Chinois mettent les choses au clair : tous les grands Etats sont dans une grosse merde et vont y rester si aucune mesure n’est prise pour enrayer l’endettement. En France en tous cas, ce n’est pas à l’ordre du jour.
En France, rien ne sera fait concrètement dans le sens d’une réduction de la dette, parce que dans le fond le problème n’est pas économique, mais culturel.
il faut eduquer les gens, et tous ensemble on peut y arriver.:D
Bravo pour la qualité et la réflexion sur ce billet.
Cela me surprend, je pense comme vous à 1ere vue à un coup politique.
Super bravo sur le jeu de mot Agence fausse presse…
Il y a tant de vrai 😉
Merci pour l’article! Il est vrai qu’on en a quasiment pas entendu parler. Le sujet a bien vite été mis de coté quand on pense à tout ce qu’il implique! C’est une bien mauvaise nouvelle pour les pays européens. Je pense que les chinois ont agi d’une manière tout à fat justifiable: les notes attribuées par Standard&Poor’s ne sont plus véridiques, il fallait les remplacer. La nouvelle notation perd un tout petit peu de crédibilité en se sur-évaluant.
@ fifou : « Je ne vois pas comment on pourrait reduire l’endettement considerant que le gouvernement Francais n’a pas presente de budget a l’equilibre depuis les annees 70. »
Réponse : qu tu avais commencé à aborder : une bonne inflation de 10-15% pendant quelques années et ta dette devient toute riquiqui !
La BCE ne le permettra pas ? Je ne parierai pas la dessus les yeux fermés.
Moi je vient de m’endetter sur un bon paquet d’années pour mon logement alors quelques années d’inflation je ne dit pas non :zorro: