Billet initialement paru le 21.01.2015
Les récents événements de l’actualité (que ce soit CharlottesVille, les réactions de Trump ou l’attentat de Barcelone) ont amplement démontré que la liberté d’expression, c’est très joli et très mignon, mais seulement tant qu’on exprime une opinion conforme à la doxa ambiante ou qu’on parle du temps qu’il fait (et encore, avec les climato-hystériques, la météo devient un sujet miné). En Janvier 2015, la France, traumatisée par l’assassinat d’une partie de la rédaction de Charlie Hebdo, clamait urbi & orbi le caractère intouchable de cette liberté d’expression. Il n’aura fallu que quelques jours pour que ces paroles engagées soient oubliées.
Ce petit retour deux ans en arrière montre à quel point les choses ont évolué, et pas en mieux et le billet de demain ajoutera une pierre à l’édifice.
Le 11 janvier dernier, le monde entier, France en tête, communiait dans le recueillement et une ferveur inouïe jusqu’alors pour la liberté d’expression, la liberté de la presse et parce qu’en se rassemblant tous, pacifiquement, pouf, le terrorisme disparaîtra. Dès lors, plus rien ne serait comme avant.
Avant, on tergiversait au sujet des unes de Charlie Hebdo, comme le firent beaucoup trop d’individus tièdes qui s’empressaient de les dénoncer sans comprendre l’importance d’une liberté d’expression pleine et entière. Avant, on découpait cette liberté en petits morceaux faciles à appréhender, faciles à avaler, à mâchouiller et à recracher dans différents contextes. Mais ça, c’était avant.
Après les attentats, les cartes devaient être rebattues, les différences et les clivages oubliés, l’unité devait prendre le pas. Quant à la liberté de la presse et celle, concomitante, d’expression, elle devait être à nouveau indiscutable. Le monde entier, à nouveau éclairé par le phare bien français de la Liberté, allait voir ce qu’il allait voir, scrogneugneu.
Et en quelques jours, il a vu. Après un véritable feu d’artifice communicationnel axé sur un renouveau de la politique antiterroriste à pas cadencé, quelques mises au point furent rapidement faites, sur le mode « La liberté de la presse ne se négocie pas », suivi d’un « mais » bien gras et appuyé, parce qu’il ne faut pas oublier qu’on est en France, hein, tout de même.
Il faut dire que, l’espace d’une semaine, l’unanimité fut totale. Pendant sept jours, les censeurs ne pouvaient plus rien dire. Pendant cette semaine tragique et exceptionnelle, la liberté de la presse fut rappelée, louangée, défendue corps et âme puis érigée en rempart infranchissable dressé par la démocratie, la République et la civilisation, contre la barbarie, l’obscurantisme et aussi les méchantes idées qui piquent, parce qu’il ne faut pas oublier qu’on est en France, hein, tout de même.
Seulement, une semaine, c’est long quand on est un compulsif du petit cri strident à chaque bobo imprévu. C’est tellement long qu’une fois ce laps de temps écoulé, les bonnes habitudes sont revenues aussi sec, notamment celles qui consistent à bien mesurer les expressions, les opinions et les avis à l’aune du politiquement correct et des lois qu’on aura préalablement fait voter dans un temps où l’outrance était plus simple, parce qu’il ne faut pas oublier qu’on est en France, hein, tout de même.
Bilan des courses : si Charlie Hebdo a bien le droit de montrer un prophète tout nu avec une étoile coincée dans l’anus, le tout, tiré à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, et disponible sur la place publique, il en va tout autrement avec les fresques murales d’une salle de garde, lieu à la fois privé et notoirement connu pour, justement, abriter des grivoiseries au son de chansons paillardes. Dans le cas d’espèce, c’est la salle de garde du CHU de Clermont-Ferrand qui a déclenché une vague de protestations : selon le collectif « Osons le féminisme » dont l’objectivité, le calme et la pondération ne sont plus à démontrer, la fresque qu’on y trouve représente Marisol Touraine subissant un viol en groupe. C’est abominable, il faut absolument la faire effacer !
En pratique, la scène salace, peinte là il y a plus d’une dizaine d’années, représente un quintuplet de super-héros (trois hommes et deux femmes) en pleine orgie. Sur celle-ci ont été apposées il y a quelques jours trois bulles dans le style d’une bande-dessinée faisant directement référence à la loi Santé de Marisol Touraine. La ministre n’est pas citée, son nom n’apparaît pas et tout porte à croire que c’est plutôt les internes auxquels la fresque fait référence plutôt qu’à la ministre. L’horreur étant totale et le collectif « Osons Le Féminisme » particulièrement bien introduit auprès des médias, la presse s’est emparée de l’affaire pour la faire mousser. Libération, oubliant un de leurs précédents articles sur les salles de garde documentant clairement la paillardise des lieux, reporte l’affreuse affaire sans distance ni analyse. C’est sûr, c’est un viol collectif (obligé !) …
Vite, il faut censurer et châtier les auteurs, parce qu’en France, on a le droit d’insulter publiquement la foi de millions de personnes et ce, de façon aussi graveleuse que possible, mais il est tout de suite plus délicat d’exprimer son mépris pour une loi depuis un lieu privé.
Dans le même temps et avec une synchronicité qui montre une délectation assez géniale pour la polémique facile, c’est la Une de Fluide Glacial qui occupe à son tour les petits censeurs à la gueule de bois d’une semaine passée sans pouvoir l’ouvrir. Et cette fois-ci, les irritations bruyantes et médiatisée proviennent de Chine, où l’on goûte peu que ce mensuel sur la bande-dessinée se laisse aller à des titrailles racoleuse sur « le Péril Jaune ». Au passage, on pouffera en constatant le rapprochement du comportement en République française de celui en Démocratie populaire chinoise (ami lecteur, tente de repérer la dictature). On attend avec impatience les déclarations gênées de nos diplomates qui devront faire comprendre que si l’on peut se foutre grassement de la bobine d’un prophète, il va falloir procéder avec plus de tact et de doigté avec nos amis Chinois qui, au passage, ont la bombe atomique et un fichu pouvoir d’achat.
Et pour parfaire une situation devenue bien glauque en la poussant carrément dans l’ornière du grotesque le plus abouti, on apprend, même plus consterné tant tout ceci semble maintenant aussi normal qu’un Président, qu’un juge d’instruction a décidé de poursuivre Arno Klarsfeld pour avoir osé affirmer qu’avec l’extrême-droite, une partie de l’ultra-gauche mais surtout une partie des jeunes de banlieues pourraient être carrément antisémites, ce qui porterait un grave préjudice à ces derniers (aux jeunes de banlieue, hein, pas aux antisémites, ni, bien sûr, à l’extrême-droite ou à l’extrême-gauche – suivez, quoi).
…
Décidément, la France « après Charlie » est particulièrement cocasse. Magma gluant d’émotions à fleur de peau, elle prétend n’avoir pas du tout eu peur des méchants terroristes mais regroupe ses membres transis d’effroi dans de grandes processions collectives médiatisées. Elle ne cédera rien à la liberté d’expression mais, une fois la stupeur retombée, laisse s’exprimer tous les groupuscules en mal d’exposition médiatique qui demanderont que cette liberté soit sérieusement encadrée, avec barreaux, pain sec et eau croupie. Cette France de l’après-Charlie se découvre remplie de petits êtres faibles et chétifs, choqués à la moindre atteinte au politiquement correct, à leur définition du bon goût, du bon humour ou de la bonne opinion. Le 11 janvier, tout le monde était transi d’amour pour cette liberté de pensée et d’expression. Et alors que tout les censeurs auraient dû disparaître, le 12 a accouché, discrètement, de la plus puissante armée de Bisounours choqués qu’aucun Cerfa ne pourra jamais consoler.
À défaut d’avoir été tirée, la chasse est donc ouverte : le Bisounours Censeur s’en donne maintenant à cœur joie. C’est, bien évidemment, parfaitement contradictoire avec la liberté d’expression, mais à présent, tout le monde s’en fiche. C’est, aussi évidemment, parfaitement contre-productif : par Effet Streisand, cela amplifie l’audience et la visibilité de ce qui peut choquer nos moelleux dictateurs. C’est enfin parfaitement con et d’autant plus contre-productif que ça clive les gens entre ceux qui aiment la provocation, ceux qui aiment la liberté d’expression, et les quelques uns qui sont directement choqués. Pire, cela renforce par opposition frontale et grossière les convictions des uns à provoquer, des autres à défendre la liberté d’expression tant elle est attaquée, et excite les derniers à vouloir fermer le caquet de tous les déviants, par la force s’il le faut (et bien sûr, il le faut !). Le problème, c’est qu’être choqué est facile. Il suffit de vivre. Il y aura donc toujours plus de raisons de museler celui qui choque que de raison de le laisser parler.
En tout cas, l’attaque de Charlie aura été un magnifique révélateur d’imbéciles.
Ce déluge de moraline devient étouffant, toute idée ou déclaration hors des clous permis par les bien pensants est systématiquement dénoncée, voire poursuivie en justice. Les humoristes ne peuvent plus se moquer de qui que ce soit à part les catholiques qui peuvent toujours être brocardés sans crainte des foudres de nos censeurs. On ne peut plus rire des femmes, des Arabes, des Juifs, des homos, des Belges (quoique), des Suisses, des Noirs, des politiques plus rien.
La grisaille envahit tout, à force d’être sérieux nous allons périr d’ennui.
Périr d’ennui, oui, si tu suis le troupeau. Il y aura toujours des groupes, à toi de choisir dans lequel tu veux être . La société par le biais d’Internet est devenue un grande cours de recréer, où les petits se font piétiner et ceux qui sont différents se font rejeter.
D’ennui ? C’est la version optimiste.
Des humoristes ? Où ça ? Ça fait des années que je n’ai pas vu de nouveautés, le dernier c’était Gaspard Proust, honneur à la Suisse Lady B. Heureusement qu’il reste YouTube pour revoir les Inconnus, la plupart de leurs sketches seraient censurés aujourd’hui, ils ne peuvent plus créer. On mesure bien le progrès…
Mais c’est un phénomène bien connu que lorsque une force est réprimée, elle finit toujours par exploser.
Et quand on veut faire taire l’expression de certaines réalités, celle-ci finit toujours par ressurgir à sa manière, parfois violente…
L’étymologie du mot imbécile viendrait du latin « imbecillus » formé de:
– in, privatif
et
– bacillus, bâton
Donc un imbécile serait celui qui marche (dans la vie) sans bâton (sans aide).
Un sens opposé à celui utilisé dans le langage courant, donc. 🙂
Cordialement.
https://fr.wiktionary.org/wiki/imb%C3%A9cile
Étymologie
(XVe siècle) Du latin imbecillus (« faible ») qui donne imbécille en moyen français. L’orthographe avec un seul l est fixée dans le Dictionnaire de l’Académie française de 1798, sans doute afin d’éviter la prononciation du -ille final comme celle de fille.
Qui est peu capable de raisonner, de comprendre et d’agir judicieusement.
(Vieilli) Dont les facultés physiques et intellectuelles sont faibles par nature ou par suite des infirmités ou de l’âge.
(En parlant d’un comportement, d’une action) Idiot, stupide, qui manque d’intelligence.
Chacun sa source :), la mienne c’est le Littré.
Bien à vous.
Ce qui ne change rien.
Le mot béquille aurait pu trancher mais non, il y a discussion aussi. Ma préférence va au bâton plutôt qu’au bec mais je ne suis pas linguiste. De toutes façons on comprend « imbécile » dans son sens actuel : »peu capable de raisonner ».
Ici on l’interprète comme : celui qui n’a pas de squelette/colonne vertébrale intellectuelle pour comprendre ou analyser seul. Il se laisse mener à la baguette par le guide de la Bien-pensance.
« en se rassemblant tous, pacifiquement, pouf, le terrorisme disparaîtra ». Ah ben voilà, 2 ans après, c’est fait ! Ah ben non ? Etrange…
Il n’y a eu assez de bougies allumées …
Allumons plus de bougies pour un monde meilleur.
Les bougies… voila donc la raison cachée du réchauffement climatique!!!!
Oh que non : dans mon coin, on a eu que 17 degré cet après-midi.
C’est donc que pas assez de bougies ont été allumées ❗
Est-ce une façon détournée de suggérer que les terroristes sont un peu mou du genou dans le nombre de leurs attaques ???
Ou pas assez décentralisés ???
Il n’y a pas eu assez de T-shirts « Je suis… »
Bref, de trucs similaires qui te vous filent la sainte frousse aux
djihadistesislamo-déséquilibrés…Leur offrir un linceul pur porc donnerait peut-être d’ autres résultats plus convaincants. Puisqu’après tout, ce n’est pas cela l’islam (le zélateur du djihad).
On est au dessus du volcan…. qui rougeoie sous nos pieds…
youtube.com/embed/iwwV4hGVEcQ
Incidemment, on reconnaît mal l’ADP, mais on comprend mieux son côté chaud comme braise, voire effervescent…
Magnifique spectacle…
Merci, Lord Quiet pour cet enchantement inattendu du dimanche après-midi !
« Pire, cela renforce par opposition frontale et grossière les convictions des uns à provoquer, des autres à défendre la liberté d’expression tant elle est attaquée »
Il ne s’agissait pas, en l’occurrence, de liberté d’expression, mais d’une simple bourde, de la part d’une hôtelière un peu niaise (et pourtant suisse), qui a rappelé à l’ordre certains de ses clients peu scrupuleux en matière d’hygiène…
Il n’en fallu pas plus pour que ledit établissement soit qualifié « d’hôtel de la haine », et la bévue entraînant quasiment un incident diplomatique avec l’Etat d’Israel…
Il suffisait d’en rire, de faire de l’humour à ce sujet. Non. Tout de suite, les grands chevaux.
Il y a des mots qu’on ne prononce qu’avec effroi, et la peur est mauvaise conseillère.
fallut
La violence semble être un mode d’expression légale. Verbale d’abord. Puis physique ensuite.
C’est comme si le monde avait perdu le sens de l’ironie et de tout recul.
Ce n’est pas tant que le sens de l’humour ait disparu, mais c’est que prendre les choses au premier degré, avec une bonne dose d’indignation, est plus efficace quant il s’agit de dominer.
quand, b…el !