Comme souvent soulevé ici et dans bien des blogs et média alternatifs de l’internet, la France n’est jamais en retard d’une loi, d’une taxe ou d’une commission dès qu’il s’agit de montrer le chemin du Plus d’Etat pour Plus de Bonne Conscience et Moins de Réflexion. Cette fois-ci, dans la catégorie Textalakon, voilà que le ministère des PME, du Commerce et de l’Artisanat (je ne savais même pas qu’il existait) nous pousse un petit textétron sur le commerce équitable…
Avant d’analyser un peu le texte en question, il est nécessaire de situer le contexte du commerce équitable.
Le commerce équitable, c’est l’alternative bienpensante au commerce traditionnel. On remarquera au passage l’usage subtil du mot équitable, par opposition au commerce traditionnel, profondemment injuste comme chacun sait.
En effet, dans le commerce injuste, un producteur, soumis à la concurrence, la loi du marché, et l’optimisation de ses coûts de productions, est sauvagement désanussé par le consommateur qui lui paye ses productions à vil prix, après force intermédiaires qui, tels des petits vampires goulus, se sont servis au passage en réalisant une kulbute kolossale de kapitaliszt néo-ultra-libéral.
Dans le commerce équitable, un petit producteur triste et malheureux, pitoyable à merci, n’est plus soumis (ou moins) à la concurrence, et vend, à prix spécialement négocié pour être plus élevé que le prix de marché, après quelques intermédiaires soucieux de l’éthique, de leur propreté morale et d’une bonté naturelle qu’on peut lire sur le visage détendu de l’innocent, à un consommateur lui aussi soucieux de l’éthique et tout le tralala.
Pour bien saisir la différence fondamentale entre les deux systèmes (le bon, aka Equitable, et le mauvais, aka Kapitaliss), prenons le cas d’une Banane, Equitable d’un côté, et Kapitaliss de l’autre.
La Banane Kapitaliss est produite par un producteur qui est en concurrence directe avec d’autres. Si sa banane ne se vend pas, ou mal, il devra rapidement changer d’activité. Ceci lui évitera de surproduire (et donc d’appauvrir les ressources dont il dispose pour un bien difficilement vendable, par exemple). Si, inversement, sa banane se vend bien, il peut augmenter son rendement, ses quantités ou les deux et vendre mieux et moins cher aux consommateurs qui disposeront donc, à terme, soit de plus de pouvoir d’achat pour la même quantité de banane, soit de plus de bananes. Et ça tombe bien, c’est bon, les bananes.
La Banane Equitable, elle, est produite par un producteur qui touchera un prix négocié supérieur au prix du marché (sinon, autant produire Kapitaliss). Le producteur se retrouve donc dans une position similaire aux producteurs européens massivement subventionnés. La taille de la subvention n’est pas la même en volume, mais elle joue exactement le même effet à long terme : l’introduction d’un biais important entre les producteurs « Equitables » et les producteurs Kapitaliss, et, rapidement, la totale dépendance des Producteurs Equitables aux subventions ventes sur le marché Equitable.
En effet, si vous êtes un négociant de bananes (il y a toujours des intermédiaires dans les deux systèmes car madame Dubignou, qui habite à Paimpol et aime les bananes, va rarement au Costa Rica les chercher elle-même, surtout depuis sa phlébite qui la fait un peu souffrir), vous avez le choix entre les Kapitaliss et les Equitables, plus chères. La seule façon pour vous de prendre les Equitables, c’est que, parce que vous avez vous aussi des enfants à nourrir, vous y trouviez votre compte : vous vendrez donc vous aussi votre Equitable plus chère, et/ou vous rognerez sur vos coûts d’infrastructure (par exemple en faisant du lobbying pour ne pas payer de taxe sur le kérosène du transport). Et vous la favoriserez ainsi sur la Kapitaliss. Tant que vous trouverez des gogos consommateurs pour payer plus cher votre Equitable, vous vous en sortirez.
Mais si (et cela arrivera, car cela arrive toujours) pour une raison ou pour une autre, les consommateurs doivent à un moment se serrer la ceinture, ils reviendront à la banane Kapitaliss. Cette dernière, avec tous ses défauts, a tout de même un avantage: elle ne survit sur le marché que parce qu’elle y est constamment adaptée (i.e. : son prix suit le cours). L’Equitable, non. Et lorsque le marché se retourne, même un peu, les Producteurs subventionnés Equitables se retrouvent dans la position de nos agriculteurs PACés lorsque les barrières douanières tombent : noyés dans la concurrence.
Au final, la banane Equitable provoque l’accoutumance…
Il va de soi qu’en bon libéral, je laisse à chacun le choix de dépenser son argent dans les biens de son choix. Comme le commerce équitable n’est -heureusement- pas imposé à tous, libre à chacun d’entretenir cette plaisanterie autant que bon lui semble avec son pouvoir d’achat. Après tout, le Bio, qui utilise les mêmes ressorts psychologiques, n’enquiquine pas ceux qui n’en veulent pas.
Mais … c’est là que les Bienpenseurs de France interviennent : s’il ne faut qu’un centième de secondes à X-OR pour enfiler son moule-burne en plastique, il ne faut en revanche que quelques microsecondes aux commis de la République pour pondre un texte sur un domaine dans lequel l’état n’a pas encore mis ses petits doigts boudinés par l’impôt.
Ici, il s’agit de bien vite définir ce qu’est le Commerce Equitable, et « d’offrir une reconnaissance officielle à certains acteurs du commerce équitable » (autant d’associations que de distributeurs plus ou moins gros).
Et comme l’argent, dans notre République, coule à flot, le Ministère se fend de la création d’une Commission : c’est un outil indispensable à toute analyse de long terme sur les phénomènes que l’état et ses sbires étudient, et c’est un préalable nécessaire à une loi, puis une taxe qui viendront cimenter les notions étudiées (le Commerce Equitable) dans notre vie de tous les jours, puis, au besoin, dans notre Constitution (par exemple dans un article ou un alinéa qui donnera Le Droit pour Tous les Etres Humains à Disposer d’une Infrastructure Spécifique pour le Commerce Equitable Et Des Bananes Plus Justes) …
Selon le document final de l’Afnor, le commerce équitable doit reposer sur « trois principes fondamentaux »: « l’équilibre de la relation commerciale », « l’accompagnement des organisations de producteurs et/ou de travailleurs », et « l’information et la sensibilisation » du public.
- Evidemment, l’équilibre de la relation commerciale n’existe pas dans le Commerce Pas Equitable. ‘videmment.
- Evidemment, le commerce se fait toujours sans accompagnement des organisations de producteurs et/ou de travailleurs. En plus, tout le monde sait exactement ce qui se cache derrière le terme « accompagnement ». Snif ! Snif ! Mais !? On dirait l’odeur d’une taxe à venir…
- Evidemment, le public n’est ni sensible, ni informé. Il est naturellement égoïste et bête. Il s’agit ici de moi, vous, nous, que nos élites adjectivent de la sorte. Toujours agréable au détour d’un paquet de riz ou d’une Banane Plus Juste.
Le reste est, encore une fois, à l’avenant : l’Afnor détaille la manière dont le prix « équitable » doit être déterminé, car ce prix doit à la fois permettre de satisfaire les besoins fondamentaux des producteurs et être « compatible avec les règles de concurrence ». Qui décide ? La commission. Sur quels critères ? On s’en fiche. Pourquoi elle et pas nous, avec notre portefeuille ? Parce que. Avec quel argent va-t-elle fonctionner ? Le nôtre.
Incroyable histoire, finalement, que celle de la Banane Juste, qui, d’un côté, va fragiliser le producteur, et de l’autre, aboutir à une nouvelle taxation du consommateur.
Très bonne explication du commerce équitable, qui n’est jamais qu’une astuce marketing du producteur et des intermédiaires pour faire payer plus cher au consommateur.
Le vrai commerce équitable serait de payer le producteur plus cher, tout en vendant le produit au même prix au consommateur final. Et pour cela, il faudrait que les intermédiaires réduisent leurs profits ou s’organisent plus efficacement. Ce n’est certainement pas en les subventionnant et en leur collant de jolies étiquettes qu’on les encouragera à changer leurs pratiques.
En faisant subventionner tout cela par les contribuables, on va en fait payer quatre fois: une première fois par la différence de prix, une seconde fois avec les impôts pour l’accompagnement, une troisième fois avec la propagande étatique, une quatrième fois avec les gaspillages que cela occasionnera.
Voilà une banane très, très savoureuse !
Bravo pour cet article enlevé.
Vive la Banane Equitable, de celle qui donne une large banane à tous les libéraux.