Le Grand Cirque Maxime Pipeau

Avec une activité chargée ces derniers jours, un week-end en goguette et beaucoup de choses à faire toutes en même temps, je n’ai guère eu le temps et le courage pour mettre à jour ce blog. Il faut se faire une raison : bloguer prend du temps. Et quand Le Grand Cirque Maxime Pipeau est dans la ville, avec en exclusivité planétaire une représentation mondiale exceptionnelle, il devient difficile de lever les yeux du spectacle, de prendre un peu de recul, et de commenter…

Car en effet, le Grand Cirque Maxime Pipeau a déployé son chapiteau et programme, tous les jours, toutes les heures presque, de nouveaux spectacles tous plus extraordinaires les uns que les autres.

Aux bêtes curieuses et autres monstres terribles se succèdent les cracheurs de feu et musiciens saltimbanques, magiciens aux prouesses prestidigitatrices remarquables et autres acrobates de la finance en culotte courte.


Et hop !

Et, à bien y réfléchir, il vaut mieux en rire qu’en pleurer ; si l’on devait verser des larmes aux nouvelles qui déboulent tous les jours maintenant, les pays européens, en plus d’être dans une mouise bancaire bien gluante, se verraient inondés par les pleurs fournis de leurs populations. En outre, le Grand Cirque Maxime Pipeau est réputé pour son aspect plutôt comique, ce serait dès lors dommage de bouder son plaisir.

On pourra tout au plus lui reprocher de n’avoir pas beaucoup renouvelé ses spectacles d’ouverture ; ainsi, comme il y a près de vingt ans avec “Les Salades Pompent La Radioactivité aux Frontières”, le Grand Cirque Maxime Pipeau nous offre en début de séance une version mise au goût du jour avec “La Crise Bancaire, C’est Pas Pour Nous”. Là où, il y a vingt ans, la frontière constituait un rempart efficace contre les émanations radioactives de Tchernobyl, le spectacle actuel mise tout sur l’excellente régulation mise en place pour garder les actifs toxiques hors de nos comptes. Gaston Christine Lagaffrde le dit d’ailleurs très clairement : Nous avons toutes les raisons de penser (…) que le système est solide. Le spectacle passe d’ailleurs assez vite à une démonstration de contorsionnistes assez habiles, puisqu’il s’agit pour François Courage-Fillon d’osciller de façon totalement synchrone entre la position confuse de la Marquise et celle, pas plus claire, de son patron dont les chassés-croisés ressemblent de plus en plus à une danse rituelle primitive sensée calmer les dieux par de vigoureux déhanchements chaloupés.

Et pendant que les artistes sous les feux de la rampe nous fournissent un florilège de positions acrobatiques, les musiciens de l’arrière-salle s’en donnent à cœur-joie : comme, on le sent bien, il va s’agir très probablement d’un spectacle comme il n’en arrive qu’une fois dans le siècle, autant ne pas être du côté des trapézistes quand le filet sera parti et les trapèzes savonnés. Pour cela, il faudra montrer bruyamment son désaccord, quitte à jouer une partition très différente des musiques habituelles. Le chef d’orchestre, Coppé, agit donc de façon parfaitement logique en se lançant dans un Punk-Rock dévastateur alors que nos élites gouvernementales sont résolument calées sur une socabada humide à laquelle, en tant que spectateur, on a de plus en plus de mal à adhérer.

Et pendant que le numéro comique des As de la Finance en Slip ne convainc pas vraiment en cette période où, finalement, tout semble partir en sucette, le Cirque Maxime Pipeau continue avec un numéro de lancer de couteaux en aveugle présenté par une ribambelle de clowns fardés de couleurs pétantes. Dans ce spectacle, il s’agira donc de fustiger tant qu’on pourra le système en faisant porter le chapeau à la liberté d’agir, tout en portant un bandeau opaque sur les yeux permettant de nier avec ferveur la récession française et les contractions violentes de madame PIB – poussez madame, poussez – pour laquelle l’accouchement d’une crise majeure ne semble plus évitable.

A ce sujet, on peut s’étonner que la presse embrasse avec ferveur les analyses de l’antilibéral Sarko lorsqu’il tape sur le capitalisme devenu fou, mais le jugent bien moins pertinent lorsque son gouvernement prétend qu’il n’y a pas récession. En toute cohérence, il faudrait ou bien mettre en doute les visions étatoïdes du président en même temps que ses discours lénifiants, ou, a contrario, tout gober… Mais c’est là une caractéristique des artistes du Cirque Maxime Pipeau : l’Analyse à Géométrie Variable des clowns Pipo & Bimbo forme, avec le grand show du Deux Poids Deux Mesures, un pilier inaltérable du spectacle, une des mamelles de l’entertainment colbertiste qu’il nous propose ces derniers jours.


Humour et déconnanse

A peine le numéro de couteaux achevé sous les vivats de la foule, on évacue le(s) cadavre(s), on nettoie le sang et les tripes de la piste lumineuse, et on enchaîne sur un numéro quasi-mimé de Royal Ségo, manifestement débutante dans le domaine; dans un show faussement basé sur la sobriété, la saltimbanque nous entraîne dans un monde étrange et décalé : en marge d’une réalité pourtant pas trop rose, elle nous brosse le portrait d’une société plus sombre encore où, apparemment, 20% des étudiants sont sous le seuil de pauvreté, 40% de salariés vont manger dans les “Restos du Cœur”, et en appelle dans le même discours à un interventionnisme d’état poussé et vigoureux. On peut s’étonner qu’elle ne remarque pas que si un tel chiffre (pour le moment surévalué … pour le moment) est atteint, c’est précisément parce que l’état fait mal son travail : jusqu’à preuve du contraire, la distribution de repas chaud de cette association n’est pas le fait de l’état. Le Grand Cirque Maxime Pipeau nous avait habitué à mieux, mais on sent que, pour lui aussi, la crise est passée : le stock de clowns experts et de mimes comiques semble s’épuiser.

Non, décidément, le spectacle offert n’est pas à la hauteur du chèque : les Américains avaient pourtant payé leurs tickets 700 milliards, ce qui, même en ces temps où le trillion est l’unité de base, ne se classe pas encore dans la petite monnaie. Eh oui, 700 milliards par ci, 300 milliards par là et assez rapidement, on commence à vraiment parler d’argent. Quant aux Européens, la facture ne sera pas moins salée, pour un show qui sent la resucée… de la saison 1873 à côté de laquelle la crise de 29 fait figure de parcours de santé ; et même si l’on ne regarde pas plus loin que 1929, l’analyse en profondeur des causes de la crise actuelle ne laisse guère de doutes sur les responsables, et sur l’issue bien sombre vers laquelle on se dirige.

Le chapiteau a été monté. Les représentations vont continuer à être données encore quelques jours, je pense. Il y a fort à parier que les numéros vont se succéder au même rythme d’enfer que ce flamboyant départ, masquant cependant mal la vacuité des ébats et des agitations politiques qu’on nous présente comme de l’action.

Une fois le Cirque parti, dans un an ou deux, il restera un champ de foire, déserté, plein de détritus et de papiers gras.

Qui, d’après vous, nettoiera ?

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Commentaires11

  1. Jesrad

    Le côté le plus effrayhilarant aujourd’hui, c’est quand même que tout ce petit monde fasse, de chaque côté de l’Atlantique, comme si, ça y est, la crise est finie et on peut commencer à remballer.

    Pourtant je n’ai pas encore vu passer l’inévitable méga-correction infligée à l’immobilier français – d’icelle on n’a jusqu’ici remarqué que les tremblements de terre que chacun de ces pas produit, à la manière du tyrannosaure qu’on entend bien avant de se faire bouffer par lui dans un hurlement de terreur, d’un coup sec de ses mâchoires musclées.

    Elle risque de nous gâcher les fêtes de fin d’année. Les français, ces grands enfants, avaient demandé à Papa Noël un tout autre de genre de dinosaure comme cadeau. Ils vont être sacrément déçus.

  2. gnarf

    Et moi qui croyais que cette crise etait finie…me voila pris.

    Mais je crois toujours que les gouvernements ont tout interet a exagerer cette crise. C’est l’occasion ideale pour s’immiscer d’avantage dans l’economie, une excuse parfaite pour laisser filer les deficits…etc.
    Cette crise est vecue tres differemment d’un pays a l’autre selon les sensibilites politiques et les avantages qu’il y a a la recuperer. C’est tout de meme tres curieux.

    En comparant les reactions des differents pays je vois ceci:
    – Les USA ou l’Irlande mettent en place des plans enormes, inquietants, mais qui sont des exceptions. Ces plans sont vus comme un mal necessaire, mais ils considerent tous que l’economie de marche libre ne doit pas etre entravee. C’est plus un gros accident de parcours qu’un changement de cap general. L’avenir sera different pour le monde de la finance mais pas pour le reste de l’economie.

    – les pays a tendance socialiste comme la France profitent de cette crise pour vehiculer ce message: fini le marche libre, tout ca c’est de la faute au mechant marche…n’ayez plus peur l’Etat revient durablement pour vous border la nuit. Changement de cap general…recuperation au profit de l’Etat.
    Quand Sarkozy declare que cette crise est la fin d’un monde ne en 1989 a la chute du mur et qui croyait que le marche etait la solution, il jette le bebe avec l’eau du bain et nous ramene sous Miterrand. Bonne chance les Francais vous allez bien vous marrer.

  3. Chitah

    @Jesrad :
    Effectivement on peut s’attendre à une crise immobilière, mais sache que ce marché est finalement moins liquide qu’on pourrait le penser.
    On peut très bien imaginer par exemple que :
    – une personne possédant une résidence secondaire refuse de vendre aujourd’hui ou dans les trois années qui viennent son bien, sauf en cas de problèmes financiers, avec une décote de 20% ou 30%.
    – une famille cherchant un logement à acheter plus grand que le sien retarde son achat d’un an ou deux
    – etc.

    Bref, ce que je veux dire par là, c’est que face à une potentielle baisse d’ l’immobilier, les propriétaires qui auront le choix ne vendront tout simplement pas leur bien.

  4. @Chitah : certes, quand le proprio a fini de payer ses mensualités, ou que la famille peut attendre un peu, tout va disons pas trop mal. Mais quand tu rembourses un bien, payer pour quelque chose qui perd de la valeur à hauteur de 40 ou 50%, c’est flanquer 50% de ta mensualité par la fenêtre. Et si tu as un prêt à taux variable, en plus, la proportion tend à encore augmenter et entamer furieusement ta solvabilité… Quant aux 70.000 familles en prêts-relai, elle vont tout de même devoir se loger. Bref, cette baisse de l’immo (probablement suivi par la baisse) va se traduire pas bien plus de problème qu’une simple remise à plus tard des transactions.

    Dans ce blog, j’ai eu l’occasion de poser la question : cette crise immobilière ne sera-t-elle pas le déclencheur de la faillite pure et simple de l’Etat français ?
    Il est temps de reposer la question : qui va payer ces dettes ? L’état tiendra-t-il bon ?
    Franchement, je ne parierai pas ma chemise dessus.

  5. pp

    Règle n°1 : ne pas paniquer.

    Ce n’est pas une crise immobilière, c’est une crise de l’ensemble du système financier internationnal. La crise immobilière n’a été que le détonnateur de l’explosion du système.

    A la question qui va payer ces dettes, la réponse est : elles ne pourront JAMAIS être remboursées car elles bien trop colossales pour pouvoir l’être.

    La seule solution pour se sortir de là est ce que l’on fait pour toute faillite : la mise en règlement judiciaire du système dans son ensemble.

  6. Jesrad

    "Règle n°1 : ne pas paniquer."

    NON ! Au contraire, tous les lecteurs assidus de PloufLaBourse savent qu’il faut au contraire paniquer aussi vite et aussi fort que possible ! Attendre, c’est s’assurer de perdre.

    "A la question qui va payer ces dettes, la réponse est : elles ne pourront JAMAIS être remboursées car elles bien trop colossales pour pouvoir l’être."

    Ah, donc vous aussi vous pensez que les états touchés seront en cessation de paiement d’ici peu ? C’est précisément là que veut en venir H16: soit l’état tient, et nous paierons les dettes à travers lui (qui prendra une commission considérable au passage, hein, faut pas déconner), soit il se casse la gueule et alors ce sont les créanciers qui l’ont dans le baba. Créanciers parmi lesquels nous figurons tous, en tant qu’abonnés de force au système de retraite, à la caisse de remboursement des soins, etc.

  7. Sylvain

    Excellent, mais vraiment excellent !

    Que voilà un blog non-pareil !

    Je suis tombé sur votre billet par hasard et bien mal m’en pris puisque je devrai dans doute demain me faire ressouder les machoires…

    Tout l’art de dire avec humour ce qui pourrait être à pleurer. Si les poules avaient des dents, bien entendu.

    Les épaules m’en sautent encore.

    Bien à vous,
    Sylvain.

  8. gnarf

    Vous vous rappellez le film "le sucre" avec Carmet et Depardieu?

    Les banques sautent en serie pour avoir cherche "le dernier p’tit sousou", et au final les dettes sont tellement grosses que l’Etat les efface en bonne partie et fait payer le reste au contribuable.
    Bon vieux film parfaitement dans l’air du temps. Hein mon didi? Fonctionnaire va! Repete un peu?

  9. pp

    "Ah, donc vous aussi vous pensez que les états touchés seront en cessation de paiement d’ici peu ?"

    Si on continue les conneries à la Paulson on va plutôt tout droit vers une hyperinflation.

  10. bureau du fond

    Je suis encore mort de rire ! Et la marionnette en photo m’a fait re-éclater de rire.
    La dette de l’état français ? Mais enfin, quand la France appartiendra au tiers monde, les ex-états sous-développés nous feront un petit cadeau qui ne mange pas de pain : l’effacement de notre dette. Et gardez la monnaie ! Sisi, ça nous fait plaisir.

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