« Les mathématiques ne peuvent effacer aucun préjugé », disait Goethe. Et quand nous voyons comment cette science est maltraitée par les médias, le gouvernement et les syndicalistes, force est de constater qu’il avait raison. Nous en avons eu la démonstration une fois encore avec l’ouverture du capital d’EDF.
Ce « fleuron » français, mastodonte étatique que le reste du monde ne nous a jamais copié (pour ne nous l’avoir peut être jamais vraiment envié, allez savoir), va en effet acueillir dans ses actionnaires le marché et, notamment, le peuple français qui l’a financé pendant toutes ces années, au travers des factures d’électricité, des impôts pour les infrastructures (coûteuses) et des subventions (européennes et locales, en fonction du vent).
A cette occasion, les médias, relayant la sainte parole des syndicats, ont commencé la torture mathématique : en effet, il ne s’agit pas d’ouverture du capital, mais bien de « privatisation » (ce qui veut dire le passage dans le privé d’EDF). Avec encore 85% de l’entreprise dans l’ample poitrine nourricière de l’état, la « privatisation » sera donc très partielle.
Le gouvernement a bien entendu « compensé » cette (scandaleuse ?) « privatisation » (lisez : entrée du Grand Kapital) en imposant la modération tarifaire. L’assertion « privatisation de EDF », une fois rapprochée de l’assertion « engagement de modération tarifaire » devient surprenante : si l’état n’a plus son mot à dire (privatisation), comment peut-il « imposer la modération tarifaire » ?
Ah, oui, c’est vrai, c’est une privatisation partielle. Comme une eau chaude froide, ou une serviette sèche humide.
L’autre stupidité (il)logico-mathématique vient des syndicats eux-mêmes, d’ailleurs régulièrement habitués de la torture des chiffres. Ainsi, Eric Roulot, le gentil responsable CGT Energie déclare-t-il «Je ne suis pas matheux mais 30 milliards en trois ans et 40 en cinq ans, avec la règle de trois, c’est plutôt moins. » ; il montre en cela un total mépris des règles de bases qui veulent que 40 est bien supérieur à 30, d’environ 10, il me semble. On parle en milliards d’euros (ça s’écrit comme ça : 10 000 000 000, et ça fait beaucoup de sous) , mais ce n’est malheureusement pas encore assez semble-t-il. D’autre part, avec ce raisonnement (c) Demaerd Inc., il montre en cela une bonne dose d’abnégation : il préfèrerait en toute logique recevoir par exemple 30.000 euros sur trois ans que 40.000 sur cinq.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je préfère la seconde. Et la majeur partie de mes semblables aussi – ok, nous sommes tous honteusement pourris par le système capitaliste, mais il semble rejoindre les mathématiques dans bien des domaines, comme ce dernier. Mais ce qui est mathématique, ou évident, pour le commun des mortels n’est que duperie de l’esprit embué des prolétaires ignorants que nous sommes : pour un syndicaliste, 40 milliards, c’est moins bien que 30.
Mais cela ne s’arrête pas là. Après la fornication arithmétique, bafouons la logique : EDF est un service public, nous le payons tous les jours, mais qu’à cela ne tienne, il y aura des coupures. Les fédérations CGT et FO ont en toute mansuétude décidé d' »appeler les salariés à s’engager dans l’action à partir du 8 novembre : elle prendra différentes formes et se traduira notamment par des grèves, des coupures d’électricité ciblées ou des opérations Robin des bois qui visent à rétablir l’électricité aux familles démunies, a précisé le responsable syndical. On notera l’utilisation habile du héros de Sherwood pour faire passer la séance de gréviculture et leurs infractions de diverses lois, et rendre l’ensemble de l’ « action » presque formidable, que dis-je, généreux auprès du public (celui-là même qui n’aura plus son service, puisqu’en grève).
Elle vise « à contraindre le gouvernement à accepter le débat public » sur l’avenir d’EDF, a-t-il souligné. En effet, la voie démocratique n’est plus bonne, et leur voix compte plus que la mienne, ma facture et mes opinions, ou que celle des millions de cotisants obligatoires aux caisses noires de leur CE gargantuesque. Lecteur, rendors-toi : tu es une petite crotte insignifiante pour la CGT, tes opinions sont sans importance, toute resistance est futile !
Tous les arguments sont donc bons pour les gréviculteurs.
Combien de temps encore ?