La santé à toutes vitesses

“Si tu ne viens pas au marché de la santé libre, c’est le marché de la santé qui ira à toi, et va se libérer tout seul”, aurai pu écrire un Paul Féval libéral né plus récemment. En pratique, cependant, Bossu ou pas, le marché hyper-régulé de l’assurance santé en France subit un premier coup de boutoir notable avec la mise en place d’un nouveau contrat AGF.

Coup de pub monstrueux, désir d’offrir un contrat spécifique, de répondre à une demande effective, ou simple volonté de briser un tabou ? Peu importe, les AGF ont décider de préparer et proposer à la commercialisation un contrat d’assurance, baptisé Excellence Santé (on a la modestie qu’on peut) : moyennant 1000 euros par mois pour une personne seule (12.000 à l’année, donc) ou 1670 euros par mois pour un couple et deux enfants, le contrat promet l’accès aux meilleurs spécialistes, aux meilleures cliniques, etc…

Evidemment, dans la plus parfaite hypocrisie de masse, l’ensemble des représentants des organisations de santé (assurances publiques, ordre des médecins, etc…) s’est immédiatement offusqué qu’on puisse ainsi offrir, sur le marché, telle une barbaque sanguinolente aux chacals capitalistes, un contrat plaçant de façon quasi pornographique la santé dans les biens de consommation. Etranglements, quintes de toux, agitations et mains fébriles :

“Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, … et quel que soit l’état de leur compte en banque ou leur statut social”

… nous ment ainsi Jacques Lucas, secrétaire général de l’ordre national des médecins, qui prétend ainsi que le médecin, le corps et l’esprit pétri de bons sentiments, peut très bien se passer du chèque ou du petit billet en fin de consultation, si le devoir, l’honneur, que dis-je, l’humanisme qui a trouvé en lui un terreau fertile, le pousse à constater l’indigence du malheureux malade.

Pour ma part, le pragmatisme aidant, je remarquerai simplement que tous ces petits comiques qui s’étranglent à droite et à gauche ont oublié de consulter leur dernière fiche de paie. Sur cette dernière, il est ainsi manifeste qu’une part non négligeable revient à l’assurance maladie. Ainsi, tout calcul fait, si on inclut les 12.8% de part patronale, les 0.75% de part salariale pour l’assurance maladie, auxquels on rajoute un gros 1% pour les accidents du travail, et les 8% de CSG/CRDS sur 97% du brut (soit 7.76% si vous me suivez toujours), 22.61% du brut sont donc ponctionnés pour l’assurance maladie. Pour un salaire moyen net de 1900 EUR (INSEE, juin 2005), cela fait tout de même 2400 EUR/mois brut, soit 4800 pour un couple marié, qui est donc ponctionné de … 1085 EUR (22.61% de 4800, suivez, que diable !). Je n’évoquerai pas les autres prélèvements ET les impôts ET la TVA par pudeur et peur de la redite avec d’autres billets.

Au bilan, nous sommes donc tous, en moyenne, ponctionnés d’un montant proche d’un contrat Excellence que nous aurions souscrit auprès de l’état (hypothèse farfelue, dans la mesure où, bien évidemment, le dit contrat n’existe pas – au contraire de la ponction, bien tangible, elle).

Je sens poindre ici quelques objections :
– le contrat Excellence est à 1670 euros, et le montant des prélèvements atteint 1085. L’état est donc moins cher ! Soit. Pour 35% moins cher, vous avez un service … médiocre. Bah oui : c’est suffisamment vrai pour qu’une assurance (bénéficiaire dans sa gestion) vous propose un contrat visant justement à fournir une meilleure qualité de service que celle rendue quotidiennement par l’état.
– le contrat Excellence est un contrat de mutuelle santé qui s’ajoute à la couverture obligatoire : il bénéficie donc déjà de l’infrastructure en place ! S’il devait prendre en compte l’abscence de toute autre ponction étatique obligatoire cotisation, nul doute que le contrat serait beaucoup plus cher. Sauf … sauf que ce contrat prévoit d’utiliser des médecins du privé, dans des cliniques privées ; que ces infrastructures sont déjà payées par les particuliers (privés), les mutuelles (privées), les assurances (privées) et les fonds (privés) d’investissement dans le monde de la santé – l’état ne pouvant de toute façon plus payer les infrastructures publiques (il est de combien déjà, le déficit ?).

Ce à quoi nous assistons ici, avec en fond sonore les cris d’orfraie des lobbies étatistes, c’est à la descente aux enfers rapide mais certaine d’un certain Modèle Social Foireux Dont Le Reste Du Monde Se Passe Fort Bien. La vérité fait jour progressivement en France :
– les riches sont mieux soignés que les pauvres
– la santé est un bien marchand comme les autres
– le système public n’arrive plus à offrir des performances suffisantes pour seulement prétendre nier les deux assertions précédentes

Il est possible que les AGF n’aillent pas jusqu’au bout de leur démarche : devant la levée de boucliers des bienpensants hurlant à la fin de l’accès égal aux soins, l’entreprise côtée devra probablement enterrer discrètement son projet de contrat. Mais le possible n’est pas certain : il y a en effet fort à parier que nombre de personnes ayant effectivement les moyens de se payer tel contrat iront jusqu’au bout de la démarche et signeront à la fois la proposition de l’assurance, et, petit à petit, l’arrêt de mort du système tentaculaire de sécurité sociale à la française.

Car la suite, chaque acteur cramponné à son fromage la devine : si ce contrat passe, d’autres assurances vont suivre. Petit à petit, le marché va trouver, par le haut, un moyen de mettre en place, dans le plus parfait cynisme et la plus parfaite hypocrisie, un système à N vitesses parfaitement rôdé. Chaque nouveau contrat sera un nouveau camouflet aux égalitaristes collectivistes, leur montrant encore une fois que la santé est non seulement un bien commercial comme un autre, mais que tout le monde (assurances, état et vous, moi, les autres) est prêt à jouer à la marchande avec.

Parallèlement, ceux qui payeront ces nouveaux contrats réclameront rapidement, devant le coût d’un système étatique totalement gangréné et rigoureusement inutile pour eux, d’être dispensés de ce dernier. Et ils l’obtiendront car ils cumuleront plusieurs caractéristiques :
– ils seront nombreux
– ils seront aisés financièrement
ils compteront dans leurs rangs les politiques qui, s’ils sont les premiers à fustiger les abus et les écarts, sont aussi les premiers à en profiter.

C’est sans nul doute cette conséquence logique que redoutent avant tout ceux qui, maintenant, oeuvrent tout ce qu’ils peuvent pour contrer ce contrat.

Car, à terme, il signe la disparition de leur fromage.


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Commentaires8

  1. PiRm

    D’accord sur les calculs théorique mais il y des problèmes pratiques :

    D’une part je ne suis pas sur du tout que l’État mettrait fin aux prélèvements obligatoires de santé puisque si l’argent ne va pas à l’assurance publique il trouvera le moyen d’être dépensé ailleurs. Vu l’État des finances ce serait logique. Il serait trop content de faire une économie, on payerait autant d’impôts qu’avant et plus de mutuelle privée. Et là j’ai du mal à en voir l’avantage. Si les choses doivent bouger c’est d’abord la réduction d’impôt puis la privatisation.
    Bref l’État n’a quasiment jamais reculé en ce qui concerne les impôts et ça changera difficilement.

  2. PiRm

    D’autre part les classes moyennes ne gagnent pas tout à fait 1900 € par mois, loin de là…
    Le revenu médian en France est plutôt de 1290 € par mois. Évidemment qu’a long terme c’est dans leur intérêt de privatiser mais essayer de vous mettre à leur place et imaginez vous entendre que pour être bien soignés vous devrez lâcher 80% de votre salaire !! C’est malheureusement comme cela qu’ils percevront les choses.
    C’est un discours qu’ils ne pourront pas comprendre. Ce n’est en tout cas pas une bonne manière de les convaincre. Et les événements du CPE devraient vous faire comprendre que les classes moyenne gouvernent le pays. Donc ils "seront nombreux" comme ont été nombreux ceux qui ont été pour le CPE…

    "Chaque nouveau contrat sera un nouveau camouflet aux égalitaristes collectivistes, leur montrant encore une fois que la santé est non seulement un bien commercial comme un autre, mais que tout le monde (assurances, état et vous, moi, les autres) est prêt à jouer à la marchande avec."

    "tout le monde" ? Vous dites ça après le mépris que vous avez affiché pour les jeunes dans un blogs précédent ! Ces même jeunes qui on réussit à rendre le CPE parti de 60% d’opinion favorable à plus de 80% d’opinion défavorable !! Donc désolé mais le tout le monde dans l’ambiance actuelle me semble un peu trop optimiste.
    Une fois de plus vous avez raison sur le fond mais êtes si loin de convaincre…

    Pour ce qui est de la classe politique qui serait pour et pourrait ainsi imposer un changement. Bin vu la grande réussite du référendum européen je vous souhaite bien du courage !!!

    Pour moins le libéralisme doit convaincre les jeunes et les classes moyenne pour réussire. Convaincre des classes aisées est un peu trop facile… et inutile.

  3. SIlent Bob

    Personnellement là ou je vis un système un peu différent de la France existe, il y a 3 "feuilles": rose, verte et bulle, la rose le médecin vous prend le tarif normal, la verte il peut vous prendre 30% de plus que le tarif de base, et bulle c’est totalement à la gueule du client! Problème il n’y a aucun avantage qui va avec! Vous n’attendez pas moins ou autre service particulier, vous avez le même service que vous payez 30 euros ou 150, ce qui n’est pas normal.

    Etant dans une famille ou une partie fait partie du corps médical, il me semble normal que la qualité des soins prodigué par les médecins soit la même quelque soit le pric payé, par contre les "à côté doivent être différents" afin de justifier le prix plus élevé.

    Aux Etats-Unis la médecine est déjà un bien de consommation comme un autre, ce qui me choque un peu. Pourquoi? Parce que la santé est une chose qui à mon sens ne se moneye pas. Qu’il existe une assurance qui vous permette d’aller dans des endroit ou le service est meilleurs, je suis à 100% pour! Par contre je serai contre des qualités de soins rendu par le même médecin en fonction du prix payé. Malheureusement c’est de plus en plus le cas, et je ne pense pas que ce soit bon.

    La qualité du soin prodigué doit rester identique, le service lui doit varier en fonction du prix payé. Mais de toute façon, ce n’est pas parce que vous allez das des cliniques privées que vous serez mieux soigné, en effet la plupart des "pontes" sont dans les CHU et n’ont aucune envie d’en partir, sinon ils ne sont plus professeurs, ils n’ont plus non plus le prestige. Or en France l’inconscient collectif fonctionne au prestige et non pas au bulletin de paie, ce qui est à l’inverse des USA.

    Ce contrat est donc intéressant, mais a des limites, je préfère me faire soigner dans un hopital public par un professeur de renom quand vraiment j’ai un pépin, et puis pour des urgences aller dans une clinique dans laquelle je serai pris ne considération plus vite.

    Enfin tout ça c’est mon avis… lol

  4. Aaaaah PiRm, vous êtes ma petite fleur des champs dans un univers de béton 🙂

    – Vous parlez revenu médian, le chiffre est le revenu moyen. Ce n’est pas pareil.

    – Où avez-vous vu qu’il faut lâcher 80% de son salaire pour avoir une mutuelle ? Où l’ais-je dit ?

    – “les classes moyenne gouvernent le pays” : excusez moi, je pouffe. Si les classes moyennes, les plus ponctionnées actuellement, gouvernaient le pays, cela se saurait. Aucun institut un tant soit peu sérieux ne peut affirmer un truc aussi faux et vague.

    – Du mépris pour les jeunes ? Ah pardon, seulement pour la catégorie “branleurs”. Oui. J’assume. J’en connais de très bon, qui travaillent. Ils n’ont pas braillousé pour ou contre le CPE. Ils sont allés en cours, par exemple. Ils ont compris qu'”apprendre” et “comprendre” est bien plus utile, et surtout préventif à “défendre”.

    Ceci étant, je vous remercie pour vos commentaires que je lis toujours avec intérêt et notamment pour votre “Une fois de plus vous avez raison sur le fond mais êtes si loin de convaincre…” : je ne crois pas qu’en majorité ceux qui lisent mes piètres contributions soient encore à convaincre. Mais si j’ai raison sur le fond, c’est déjà pas mal.

  5. @SilentBob : avant tout, la santé est un service comme un autre. Le travail forcené des communistes pour collectiviser le système a produit un effet pervers qui consiste à faire croire qu’on peut offrir un service (quel qu’il soit) gratuitement à une minorité (car seule une minorité profite du service à un moment donné) moyennant un impôt pour tous, déresponsabilisant ainsi chaque payeur obligatoire (ce qui n’est pas le cas avec une assurance traditionnelle).

    D’autre part, le fait qu’AGF retire son projet aussi vite montre à quel point la France est gangrénée par la bienpensance et pire, l’auto-censure : le contrat, en lui-même, n’imposait rien à personne et ne taxait personne qui ne l’aurait voulu. Comme je l’avais évoqué dans le billet, les AGF ont donc retiré le projet avant qu’il ne devienne un petit CPE de l’assurance…

  6. SIlent Bob

    Je suis tout à fait conscient que la médecine est une service comme un autre, mais il ne faut pas que le médecin prodigue des soins de qualité différente selon le montant versé par le patient.
    Si il y a des médecins qui souhaitent faire player plus cher, je les comprends et même les soutient. En effet, Vous avez un savoir, une expérience, cela se paye. Mais il faut etre clairs et dire, voilà je suis bon, donc plus cher, le patient est prévenu.

    Mais si un médecin demande plus cher, alors les "à côté" doivent suivre, une salle d’attente différente, qu’on vous propose un café, et surtout être reçu plus rapidement.

    Le contrat de l’AGF ne me scandalise pas et je le trouve même excellent, vous avez de l’argent, donc vous avez les moyens d’avoir des services de meilleur qualité. Mais j’insiste, la qualité des soins doit rester la même que le médecin soit payé 30 ou 200 euros. Et connaissant beaucoup de médecins, je pense que très peu seraient capables de prdiguer des soins de qualité dofférente selon la rémunération, parce que la santé en elle-même n’est ni un téléviseur, ni un hotel, la santé en gros ce n’est pas un bien.

    Donc je fais une grande différence entre le service qui comporte tous les "à coté" et les soins en eux-même.
    Par contre j’aurais les moyens, un système comme celui d’AGF j’y souscrirais immédiatement!

    Je voudrais également soulever un autre sujet, les anciens pays communistes sont beaucoup plus libéraux que nous et finiront par nous bouffer tout crus! Des jeunes tres tres bien formés parlant plusieurs langues et surtout prêts à travailler davantage que nous. Bref, ils ont de la croissance, et finiront par nous bouffer.

  7. PiRm

    "Vous parlez revenu médian, le chiffre est le revenu moyen. Ce n’est pas pareil."
    Oui justement parce qu’il révèle mieux la réalité des revenus des français pour des raisons statistiques évidentes.

    "Où avez-vous vu qu’il faut lâcher 80% de son salaire pour avoir une mutuelle ? Où l’ais-je dit ?
    "
    Nulle part je sais bien mais c’est "comme cela qu’ils[les classes moyennes] percevront les choses."
    Pour ce qui est du pouvoir des classes moyennes, je me base sur le fait que les manifs anti-CPE ont été menées par des jeunes issus de classes moyennes. Et ils ont réussis à faire reculer et à affaiblr le gouvernement.
    Ce sont de même les classes moyennes qui ont voté non au référendum européen et ont donc gagnés.
    Enfin les classes moyennes ne sont pas toute à fait étrangères à la présence du FN au deuxième tour en 2002.

    Elles ont en ce sens un pouvoir important et les partis politiques devront (devraient) faire beaucoup d’effort pour les séduire s’ils veulent gagner les élections tant elles se sentent actuellement en situation de régression économique.
    Mais la raison de toutes ces contestation est comme vous l’avez dit vous-même parce que elles sont les plus ponctionnées et n’ont finalement que les inconvénients du système sociale sans les avantages. D’où le liberalisme devrait les interesser en priorité si on ne leur ment pas sur les enjeux.

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