Tous les jours, d’effervescents commis de l’état se lancent dans de nouveaux projets. Le but avoué est d’offrir à tous des services publics gratuits et de qualité. Le but officieux est aussi de créer ou entretenir des emplois locaux, qui rapporteront des voix les jours de vote. L’objectif réel, ni officieux ni officiel mais bien compris, est en fait de dépenser les montagnes d’argent public qui s’amoncellent à la suite des ponctions opérées sur le contribuable.
Cette fois ci, la région parisienne va se voir dotée d’une infrastructure en CPL, Courant Porteur En Ligne, qui est en substance l’internet sur les lignes électriques. L’idée, c’est que d’ici à cinq ans, environ 1,5 million de foyers en région parisienne pourront être reliés à l’internet haut débit grâce à un chantier de 155 millions d’euros confié à la société française Mecelec.
Dans « confié à », entendez « accordé à », comme dans la phrase « subvention accordée à ».
Formidable, me direz-vous ! Enfin, le haut-débit va pouvoir arriver en région parisienne. Parce que, c’est bien connu, Paris est très en retard sur le reste de la France en matière de haut-débit (câble, ADSL, BLR). Non ?
Ah tiens, une objection fait jour : la région parisienne, au contraire de, disons, la Creuse, dispose déjà d’importantes infrastructures en matière de fibres optiques, de réseaux ADSL, de boucle-locale radio, et de câble numérique. Pourquoi y ajouter le CPL ?
Mais bon, après tout, cette nouvelle technologie prometteuse apportera certainement un gain important sur les autres technos, non ? Avec un débit de … 1 Mbit/s, on est loin de l’ADSL, hein… Non ? Ah zut. Une seconde objection fait jour : il semblerait que la technologie n’apporte finalement pas un débit si intéressant que cela.
Oui, mais il faut avouer qu’installer le haut débit sur les installations électriques est particulièrement intéressant, puisque ça évite tout chantier de folie, des tranchées, des investissements lourds ; pas question de dépenser des millions pour une technologie qui finalement utilise des réseaux déjà déployés, hein ! Et puis, le marché public, de seulement … 155 millions d’euros, est finalement assez… heu … Flûte, cela fait une paille, ces 155 millions (plus d’un milliard de francs, quand même).
Bon, ok, mais cette technologie, elle est super fiable, super clean, et super géniale, ce qui compense largement. Et le fait que cela perturbe le spectre hertzien et transforme chaque fil électrique en antenne ne joue pas : tout le trafic sera crypté, cela va de soi. Quant au fait que les Japonais aient refusé l’implantation sur tout leur territoire de cette merveille que la FraAance va tester en avant première et ne devrait pas nous détourner de la conclusion logique que ces japs sont fous de se priver d’une telle avancée. Ils ont bien refusé le minitel, ces maroufles ! Ah ah ah ahem bref.
…
Bon, pour résumer, le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communications, disons Sipperec pour faire plus court, propose donc de claquer un gros milliard de francs d’argent public (pas le sien, donc) pour une technologie dont nous dirons pudiquement qu’elle doit encore faire ses preuves, qui n’apporte pas un delta significatif d’avantages sur les autres technologies, dont le prix est somme toute relativement équivalent à ce qui existe, et qui va permettre de relier des gens entre eux … qui étaient déjà reliés.
Ouiiiiii, mais (dit le politique, les tempes couvertes d’une sueur un peu nauséabonde, l’oeil hagard et le geste fébrile, un sourire triste du discours de la dernière chance) cette dépense permettra – comme le rappelle fort heureusement l’introduction de ce billet – de fournir un service public gratuit de plus, d’entretenir des emplois locaux et de dépenser sainement l’argent public récolté par l’impôt, hein. Mieux vaut ça que des petits fours, n’est-ce pas ?
Car ce service, gratuit à 155.000.000 d’euros, il a été réclamé avec force par la rue, les votants, les citoyens de ce pays ! Toute la région parisienne s’est levée en masse pour réclamer cette technologie; mieux, on pouvait voir, clairement, dans les manifs estudiantines, des pancartes sans équivoque : « Moins de CPE, plus de CPL ! »
Ce service, mieux, va permettre de faire vivre les gens de Mecelec, qui, rappelons-le, est installé à Mauves, dans l’Ardèche. Et l’Ardèche, c’est en Région Parisienne, n’est-ce pas !
Aaaaaah, que c’est beaux la France ! Nous avions des fusées, des satellites, des avions renifleurs, des bombes thermonucléaires contre le terrorisme, le TGV et le Minitel. Nous aurons le CPL, coûte que coûte et vaille que vaille.
Je dis Bravo, et Merci à tous ces parisiens qui vont enfin montrer, de façon claire, qu’ils peuvent aider leurs cousins miséreux de l’Ardèche en déversant des millions d’euros pour une cause perdue.
Un tel élan spontané de générosité est clairement la marque d’un pays qui va bien !
NB : Le CPL en Région Parisienne est un Service Demaerd.
J’ai un ami qui à eu la chance de tester le CPL en avant première (il y a 2 ou 3 ans) pour une somme modique. Il s’est finalement désabonné car la connexion était plus lente que l’ADSL 512 et déconnectait sans arrêt. Une preuve de plus de l’avenir très prometteur de cette techno en particulier et de la france en général.
Moi j’dis qu’il faut porter des veste en tweed a patch de cuir, y’a que ça de vrai.
Voilà. Le tweed et le cuir, un mélange qui cogne. Y’a que ça de vrai.
Cette histoire me rappelle ce qu’il s’est passé à Pau .
Le maire et la communauté de communes se sont lancés dans le projet Pau Broadband Country, un réseau en fibre optique exceptionnel…
On en parlait en 2001 , je crois . Le projet a mis tellement de temps à se mettre en place qu’aujourd’hui l’ADSL est pratiquement aussi rapide que le réseau PBC.
Je n’ai aucun chiffre à proposer mais je crois que ça a couté pas mal d’argent pour vraiment pas grand chose et pour assez peu d’abonnés .
"La société prévoit d’ailleurs d’autres applications possibles pour son réseau, «notamment la vidéosurveillance en milieu urbain»."
Fallait pas chercher plus loin…
Rendez vous dans 2 ans pour constater l’abandon du projet ou son détournement par une police municipale avide de scoops en noir et blanc baveux…