Fade constatation du ouikande : les deux mammouths de la présidentielle ont réussi à passer au second tour. Pour notre plus – ahem – grand bonheur, nous allons maintenant avoir deux semaines débridées de commentaires puissants, d’analyses fines et de perspectives riantes sur un fond d’avenir qui luit, de petits oiseaux qui gazouillent et de pique-niques républicains festifs. Un régal.
Avec des résultats pareils, les chroniqueurs se lâchent. « Victoire de la démocratie », « des scores sans appel », « un choix lisible », « une revanche sur avril 2002 » se retrouvent facilement sous les plumes en mal d’inspiration de nos frétillants éditorialistes.
Dans ce magnifique concert de louange sur « le choix des Français », gros paquet de personnes hétéroclites traité d’un bloc sans aucun ménagement, il sera bien difficile de trouver une bonne prise de recul sur ce qui s’est passé.
Ainsi, plus personne pour n’oser commenter sur le « Non » au référendum européen, dont la pathétique récupération par des candidats de droite ou de gauche et leurs scores consécutifs montre à quel point ce « non » était en total déconnexion du système politique.
Ainsi, peu pour demander en quoi la situation courante, en ce qu’elle lave avec bonheur l’honneur bafoué des sondeurs et des média sur les deux dernières élections, n’a pas été directement induite par eux en petits manipulateurs chafouins qu’ils peuvent être.
Ainsi, il n’apparaît en rien choquant pour ces commentateurs que les 6.8 millions d’électeurs de Bayrou et les 3.8 millions de Le Pen peuvent aller se rhabiller. Plus de 10 millions de Français ne trouveront donc pas leur compte dans le prochain tour et ils devront se contenter, au mieux, d’un second choix qui promet d’être extrêmement appétissant.
Eh oui ! C’est le jeu démocratique de l’esclave du citoyen festif : vous ne voulez pas de la mégère qui grince ou du polichinelle qui s’agite ? Tant pis, vous devrez vous y soumettre. Quoiqu’il arrive, une partie des petits tyrans qui sommeillent en chacun des votants du 6 mai va faire rendre gorge à l’autre partie, le tout après un duel au soleil qu’on imagine déjà fair-play et classieux.
A ma gauche, la pudibonde dont la campagne fut si calamiteuse que beaucoup doutaient (moi y compris – j’assume) qu’elle parviendrait à se hisser au second tour. Elle doit son salut à la mobilisation : ceux qui ont voté pour Ségolène ont en fait beaucoup voté contre Jean-Marie.
A ma droite, le conservateur dont la campagne mêla plus ou moins ouvertement thèmes d’extrême-droite, anathèmes de gauche et chrysanthèmes pour les libertés individuelles, parvenu sans surprise au second tour bien que ne représentant, finalement, qu’un tiers des Français. Il doit son salut à la récupération : ceux qui ont voté pour Nicolas ont beaucoup voté contre Ségolène, un peu contre Jean-Marie, et un peu contre Bayrou.
Au milieu se glisse un petit Béarnais dont la caractéristique aura été d’exister par opposition aux deux autres : là encore, ceux qui ont voté pour François l’ont fait surtout pour ne pas voter Ségolène, contre Nicolas, contre Jean-Marie et contre un vote blanc ou nul dont on ne voit pas la différence d’avec Bayrou mais qui n’est malheureusement pas compté.
Une bonne nouvelle cependant : les micro-candidats sont maintenant des nano-candidats. Magie de la miniaturisation, on peut encore les observer au travers de grossissements spectaculaires, se débattant tristement avec les acariens d’une moquette épaisse de QG de campagne. L’aspirateur du second tour et des législatives permettra probablement de les faire disparaître et d’éviter ainsi les allergies que leurs petites crottes provoquent.
Au premier tour, les Français auront donc voté « contre ».
Au second tour, traditionnellement, ils votent plutôt « pour ». Cette fois-ci, cependant, il y a fort à parier que le vote « contre » continue.
En effet, quel « débat » va-t-on bien pouvoir nous proposer dans les deux semaines qui restent à courir ?
D’un côté, la gauche, la gôche de la gôche, les extrêmement-gôches et les altergogochistes vont s’employer à nous dessiner un tableau qu’on devine déjà subtilement coloré en camaïeux de bruns. Un décompte pourrait être tenu pour le mot « Faschiste » et de ses variantes « facho » et « fachisme », à chaque fois qu’on l’entendra dans la presse. La diabolisation idiote[1] a commencé, elle va redoubler d’intensité avec toute la finesse qu’on peut imaginer. Il n’y aura pas de demi-mesure et aucun concert gratuit en plein air avec 2×10.000 Watts de Sono et Soirée Mousse ne sera inutile pour bien marteler que Non Non Le Fachisme Ne Doit Pas Passer Parce Que Sarkozy Il Est Méchant. L’abrutissement des masses va atteindre un point d’orgue quand sera utilisée la tactique ségolénienne du Vouzèteméchan-méchan pendant l’homérique débat du second tour.
De l’autre côté, la droite, se gargarisant d’un score confortable, va probablement tout tenter pour faire passer son poulain milka leader pour un gentil père de famille attentionné, bien dans sa peau, calme mais ferme, sévère mais juste et victime d’une campagne ôôrrible de diabolisation de la gauche, tout en réclamant un vrai débat de fond sur les idées, débat qu’on n’aura jamais. On ne peut pas, même vaguement, espérer une bonne joute rhétorique entre les deux personnages tant le différentiel de niveau est important. Il y a d’ailleurs fort à parier que tout sera tenté dans les quartiers dit chauds pour « contrer le vote Sarko », quitte à brûler des voitures. Quant aux manoeuvres pour récupérer l’électorat milieuxain, latéralofuge et extrêmophobe, elles ont dores et déjà commencé avec des petits « smouicks » bruyants des bisous humides lancés depuis les QG de l’UMP vers les cibles UDF les plus sexy.
A monter ainsi en épingle les uns contre les autres, les électeurs choisiront probalement l’un des candidats parce qu’ils ne pourront pas voir l’autre en peinture, et voteront ainsi tous contre le candidat adverse plutôt que pour celui qu’ils glisseront dans l’urne.
Peu importe, finalement, le résultat : le candidat qui gagnera, probablement d’ailleurs avec très peu d’avance, sera celui qui sera le moins détesté des Français. Ca, c’est une vrai victoire démocratique !
Et, au final, que peut-on espérer du nouveau président, pardon, du-de-la nouveau-elle président-e[2] ?
Si c’est le fameux polichinelle qui décroche la timbale, le retour de balancier ne se fera pas attendre : aux législatives, nous aurons comme il se doit une assemblée bigarrée, avec un centre mou, et une droite aussi peu majoritaire que la gauche. Si ce n’est pas une cohabitation officielle, ce sera un bricolage permanent pour faire avancer le moindre projet. La rentrée de septembre sera probablement très agitée. La classe d’âge qui rentrera en CP à ce moment devait découvrir (à nouveau) la méthode syllabique de lecture ; elle découvrira plutôt l’art de la contestation, la grève et la peinture sur bandeaux.
Si c’est la grinçante mégère, là encore on ne pourra pas parier sur une majorité claire à l’assemblée. L’immobilisme s’installera après une période d’euphorie pétillante et de champagne rosé qu’on boira dans les soârées cocktail du Tout Paris, suivi d’une déroute générale des institutions que ne pourra guère qu’aggraver les agitations désordonnées d’une présidente inutile et bête. On gagnera en fluidité du trafic ce qu’on perdra fortement en pouvoir d’achat et en impôts : il y a aura certainement moins de grèves, mais les pantalons ministériels seront plus souvent sur les chevilles qu’à leur place normale.
Les cinq années seront déterminantes pour le prochain locataire de l’Elysée, mais aucun des deux candidats ne semble à même de mettre le pauvre Titanic français sur le bon cap…
Bien vu, bien senti, bien écrit comme d’habitude, cher H16, notamment votre paragraphe sur les nano-candidats assimilés à de vilains acariens. Rigolo.
Je ne partage toutefois pas votre optimisme quand vous dites qu’il y aura certainement moins de grèves car les nanos-candidats détiennent beaucoup de ce pouvoir occulte et nocif dans nos nano-syndicats de la fonction publique, à même de vous paralyser la France s’ils ne sont pas contents.
La menace fut clairement édictée – sans que personne ne s’en offusque du reste – par notre facteur-candidat hier soir sur les plateaux de télévision qui a séduit hier près de 4,3 % des votants. Ce qu’on n’obtient pas par les urnes, on l’obtient dans la rue. C’est comme ça en France et pas autrement.
Comme d’hab’, un très bon post.
le plus révoltant , c’est qu’on va devoir se coltiner moults leçons d’anti-faschisme pendant deux semaines, comme en 2002. Ca commence à me courir. On est une véritable société de donneurs de leçons. D’autant plus que les leçons ne cassent pas trois pattes au marquis de La Palice, ni ne nécessitent un quelconque trémoussage de neurones. Un vrai pays de cons !
@Emma : Etonnant, j’ai dû mal m’exprimer : je ne pense pas que nous coupions aux grèves. Je pense simplement qu’avec Ségo, elles seront moins violentes et moins longues, ou peut-être moins nombreuses. A vous lire (je n’étais pas au courant pour les petits rots du candidats postant), je crains le pire dans tous les cas de figure. Aïe.
@Vincent : oui. C’est une des raisons qui poussent d’ailleurs certains à se barrer ou à voter Sarko juste pour se révolter. Parfois, j’ai aussi ce sentiment quand j’entends les journalistes tancer vertement ou pas le candidat Le Pen ou rire sous cape à sa déconfiture, là où Besancenot a droit à toutes les petites courbettes, alors qu’ils sont tous les deux des extrêmes que dans n’importe quel pays on cacherait honteusement…
cher h16 VOS PREVISIONS SONT BRILLANTES COMME DAB MAIS DELIRANTES
RENDEZ VOUS LE 7 MAI VOUS VERREZ QUE² CONTRAIREMENT A VOS P¨REVISIONS SARKO SERA TRES LARGEMENT ELU APLUS DE 56 POUR CENT
VIVE LA FRANCE
Peut-être, mais CE N’EST PAS UNE RAISON POUR HURLER.
Bon allez… ne boudons quand même pas notre plaisir devant l’Azincourt marxiste, la Bérézina trotskiste, le Trafalgar Alter-chose et le waterloo écolo ! Ce premier tour marque quand même une grande et magistrale branlée pour tous nos petits crypto-gauchistes. Donc, champagne.
Autre chose H16 : je suis d’accord sur l’analyse du "vote contre". Mais cela sous-entend-il qu’il n’y aurait de "vote pour" que pour autant que la France renouerait avec sa grande passion de l’homme providentiel tombé des nues pour la relever ?
Le vote contre, finalement c’est l’échec de la démocratie. Je pense qu’on peut rapprocher l’élection française à la récente baffe prise par les Républicains aux USA. Là aussi, il s’agissait de voter contre un homme, ses potes, son programme et ses actions.
Il va être temps de trouver mieux, comme système, sinon on va continuer à se prendre quelques belles désillusions en plein dedans la gueule.
Une note d’optimisme tout de même, le score désastreux de la gauche "antilibérale" dont les nombreux candidats ont monopolisé le debat pendant toute la campagne.
Fantastique aveu d’échec du PCF qui reconnait le rejet par les Francais du modèle communiste de "solidarité" au nom du refus de l’assistanat.
Un échec des antilibéraux n’est-il pas un peu une victoire des idées libérales?
Encore faudrait-il que les sélectionnés pour la finale soient un tant soit peu libéraux, ce qui n’est absolument pas le cas.
Tel l’athée subissant les guerres de religion, le libéral assiste impuissant au cirque lamentable des collectivistes-constructivistes…
Et oui… comme disait je ne sais plus qui: la democratie est la tyrannie de la majorite (meme relative) sur la minorite…
Alors quel systeme ponez vous h16? Moi je penche pour l’aristocratie.
Je ne prône rien et j’aimerai beaucoup que tout le monde en fasse autant. Moyennant quoi, personne n’imposant rien à personne d’autre, nous pourrions tous vivre tranquillement en anarcapie sans même nous en rendre compte.
Pour ca faudrait mettre tous les humains d’accord en meme temps… Bon j’aime bien les challenges mais la ca me parait un peu ose tout de meme.
Pourquoi faudrait-il mettre tous les humains d’accord ? Ceux qui ne le sont pas peuvent très bien jouer à la démocratie, la monarchie ou la dictature dans leur coin… L’important, c’est que ceux qui ne veulent pas de ces systèmes bancals puissent en sortir.
on joue rarement a la dictature ‘dans son coin’, generalement, c’est precisement du coin des autres qu’il s’agit…
Moi je suis pour la monarchie, pour tout le monde: tous rois de soi-même et maître absolu de tout ce qu’on n’a volé à personne.
j’attaque ton porte-avion en E6 !
@h16 "Parfois, j’ai aussi ce sentiment quand j’entends les journalistes tancer vertement ou pas le candidat Le Pen ou rire sous cape à sa déconfiture, là où Besancenot a droit à toutes les petites courbettes"
Peut être que l’un ait affirmé que les chambres à gaz était un "détail de l’histoire", alors que l’autre n’a jamais affirmé que les "goulags fussent des détails historiques" puissent justifier une différence de considération ?
A moins de ne pas s’emmerder avec ce détail sur les détails….
Il n’est pas normal dans un pays dit démocratique et pour des journalistes qui se gargarisent d’objectivité d’avoir un traitement différent pour deux idéologies mortifères. Dans les deux cas, l’humanité aura subi un préjudice monstrueux de l’application des méthodes et des pensées des nazis et des communistes. Je ne comprends même pas que Besancenot soit même invité par les journalistes, pas plus que le Pen.
Ce qu’il y a de profondément pathétique dans les comportements observés, ce n’est pas tant qu’ils égratignent Le Pen, mais bien qu’ils n’en fassent rien avec toute la clique des ultra-, neo- et proto-communistes des Bové, Buffet, Besancenot et Laguiller. Avec ces quatre’z’amis, il y a largement de quoi faire et pourtant, la France est l’un des seuls pays du monde, avec la Corée du Nord et Cuba, sans doute, à pouvoir se targuer d’avoir encore un journal officiellement communiste, des partis ouvertement trotskystes, et des candidats clairement révolutionnaires collectivistes. Une honte.
Et Mitterrand, c’est toujours 2T 2R
Salut h16,
> Je ne prône rien et j’aimerai beaucoup que tout le monde en fasse
> autant. Moyennant quoi, personne n’imposant rien à personne d’autre,
> nous pourrions tous vivre tranquillement en anarcapie sans même nous
> en rendre compte.
Je ne vois pas bien comment ça pourrai marcher ce truc. En plus ça ressemble furieusement à l’anarchie. De cette idée au communisme, n’y a t il pas qu’un pas ?
Question mille fois posée. On se reportera à ceci pour une réponse détaillée sur l’anarcapie et la différence avec l’anarcho-collectivisme.
Encore une fois, Besancenot n’a jamais dit que goulags étaient des colonies de vacances, ni même un détail de l’histoire. Si après votre haine anti-gauchiste vous fait entendre des voix, je vous laisse avec jeanne d’arc….
Strawman : si vous avez lu ici que je lui ai prêté de tels propos, dites où. En revanche, n’attendez de moins aucune commisération pour la chienlit trotskyste ou communiste.
Besancenot est encore jeune, il a le temps d’en dire des conneries.
il aura toujours l’occasion de rattraper Marchais et son "bilan globalement positif" du communisme aha ah ah
on apprecie aussi que le point general souleve par le post n’ait pas l’air de vous interesser plus que ca…
Beuzan il a parle sur ta mere!
quel debat de cour d’ecole…