Or donc il y a eu le premier tour des municipales en France. Et avec la prévisibilité d’un train de la SNCF (y compris les aléas ferroviaires habituels, des feuilles mortes au conducteur en retard en passant par la caténaire moqueuse), les résultats se sont entassés les uns sur les autres, tristement prévisibles et assez moyennement rigolos.
Il faut, vraiment, être un démocrate endurci pour arriver à trouver encore un intérêt dans l’exercice du droit de vote tant le renouvellement électoral qui nous est ainsi proposé est à ce point convenu et d’un impact modéré sur la vie de tous les jours. Tout indique en effet que le désir atavique d’une masse, certes de plus en plus faible, mais toujours importante, de citoyens à vouloir contrôler les autres ne s’est toujours pas éteint. Quand bien même la participation continue, d’élection en élection, à tomber, montrant heureusement qu’une part croissante de contribuables a bien compris la nature fallacieuse du choix qu’on lui propose, une partie des médias et des politiciens a délibérément entrepris de nous occuper l’espace médiatique avec leurs petites excitations.
Le bilan de ce premier tour est pourtant suffisamment rempli d’échecs piteux pour que ni les politiciens, ni les journalistes politiques ne puissent ramener leur fraise avec fierté, ce qu’ils font tous pourtant avec cet art consommé que seuls les cuistres, les imbéciles et les innocents à l’esprit simple voire vide peuvent mobiliser.
Échec des fines analyses politiques et des sondages qui, soi-disant, n’avaient pas prévus les scores importants du Front National. Pourtant, il fallait être vraiment né de la dernière pluie pour ne pas se rendre compte que l’agacement des Français allait mécaniquement se reporter sur ceux des partis pour lesquels le risque pris était le plus faible. Or, qui mieux que ceux qui n’ont, en pratique, jamais dirigé, peut se targuer d’incarner un « changement », quel qu’il fut ? Logiquement, dès qu’une commune se retrouvait à faire choisir ses électeurs entre une droite dispersée et illisible et une gauche usée et décadente, où de surcroît ni les uns, ni les autres n’osent plus prononcer le nom de leur parti tant ils savent que ça les dessert, les suffrages se sont reportés sur le seul parti qui pouvait toujours prétendre n’avoir pas (trop) de casseroles. Et pour cause : quand on est trop petit pour attraper le pot de confiture, on ne risque pas de se faire attraper les doigts dedans.
Échec patent et parfaitement prévisible du PS qui aura persisté dans son autisme vis-à-vis des problèmes réels des électeurs, soit en les enfumant dans des considérations politiciennes oiseuses (faire barrage au Front National, avec des bouts de Front Républicain fraîchement cueilli et un petit retour des heures les plus sombres en bonus pour la deuxième semaine), soit en refusant d’admettre avoir empilé un certain nombre d’erreurs de stratégie, de tactique et de communication sur les deux années de présidence hollandiste.
Échec rigolo de l’UMP qui n’existe toujours pas : oh, bien sûr, on peut lire sur les villes les plus importantes que oui, tel candidat est bien à l’UMP, mais sur les petites communes, l’heure était surtout aux concessions, aux ouvertures vers les « divers droite » et autres nuances. Du reste, cet échec est toujours visible dans la posture que le parti emploie maintenant sur le mode « youpi on a gagné » alors que leur programme est toujours aussi inexistant, si ce n’est par contraposée : promis, l’UMP fera autre chose que le PS, éventuellement le contraire, ou le fera différemment, ou défera ce que le PS a fait, et ça ira mieux.
Concrètement, dans 100% des cas présentés (avec une marge d’erreur inférieure à 1%), les programmes des grandes tendances politiques se résument à un mot : dépenses. Tant l’UMP que le PS ou le FN se bousculent pour savoir comment ils vont dépenser les soussous de la popoche du contribuable. Aucun n’explique pourquoi et comment ils vont faire des économies, couper drastiquement dans les dépenses et non, comme on le lit systématiquement, comment ils vont finement broder de la sobriété dans les budgets papeterie, tonte du gazon ou renouvellement des maillots de l’équipe de foot locale. Les Français ont donc continué à voter pour toujours plus de dépenses. Bien joué.
Oh, bien sûr, il y a quelques joies, comme le fait de voir la mine plus que déconfite de certains minustres tentant de sauver les apparences (rassurez-vous, peu importe l’issue des scrutins : ils continuent à être payés à l’heure où je vous parle). Que voulez-vous, les discours plus ou moins gênés de minus si pâles déconfits aux municipales sont toujours un petit moment de plaisir, mais la mollesse habituelle des journalistes évite malheureusement leur saine et nécessaire humiliation qui rendrait l’exercice politique plus dangereux, et permettrait l’émergence d’une classes d’individus un tantinet plus couillus. On en est loin.
Il y a aussi quelques tristesses : après avoir découvert que NKM n’est pas une marque de voitures coréennes low-cost, mais bien celle d’une candidate à la Mairie de Paris, on s’aperçoit, malgré une arrogance de rappeur noir américain et l’impact marketing d’un conteneur à poubelles recyclables en train de brûler qu’elle parvient à coller une petite claque à son alter-égo socialiste au programme étonnamment similaire. Et au-delà de Paris, force est de constater qu’encore une fois, les élus qui ont, en bonus, un casier judiciaire déjà lourdement raturé, à l’instar de Woerth, Juppé ou Balkani, ne s’en portent pas plus mal. Les votants auront ce qu’ils méritent, décidément.
Et justement, reste les non-votants : la seule vraie victoire, dans ces pitoyables mascarades, est celle de l’abstention. Pour une élection locale où, traditionnellement, les gens se sentent tout de même plus concernés que d’autres élections (à commencer par les européennes, dans quelques semaines), le score des pêcheurs à la ligne est particulièrement symptomatique du malaise qui continue de grandir. Parce que si le PS s’est clairement pris la branlée que j’avais évoquée dans un précédent billet, si l’UMP fanfaronne de façon ridicule et contre-productive là encore comme je l’avais correctement prévu (pas dur), et si le FN peut raisonnablement espérer récupérer deux ou trois villes majeures, c’est surtout et avant tout grâce à cette abstention record.
Ceux qui sont allés voter sont ceux qui croient encore vaguement au spectacle de guignols qu’on leur propose, qui sont encore intimement persuadés qu’il y a bien une alternance entre ces gens de droite qui proposent d’aider les entreprises en augmentant les impôts des autres, ces gens de gauche qui proposent d’aider les consommateurs en augmentant les impôts des autres et ces gens des extrêmes qui proposent d’aider les pauvres en augmentant les impôts des autres.
Apparemment, 38% des Français ont fini par comprendre que les autres, c’est eux. Il était temps, mais il reste encore du chemin pour décrotter un peu les autres. Ne vous inquiétez pas, du reste : la réalité s’en chargera dans les mois à venir, progressivement.
Le billet de Jean-Marc Sylvestre
http://www.atlantico.fr/decryptage/milieux-affaires-apprehendent-reaction-francois-hollande-apres-municipales-1022650.html
Effrayant, troublant… déjà semi-communiste, quel braquet supplémentaire prendra ce pays si la spécialité liquide cède aux staliniens de son PS ?