Le travail au noir c’est noir, il n’y a plus d’emploi

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, les finances de l’État sont un peu tendues actuellement, et les mesures se multiplient pour permettre à tous nos services publics de joindre les deux bouts, depuis le relèvement de la taxe de séjour hôtelier de 1.5€ à 8€ (tiens, prends ça dans les dents, vache à lait de touriste !) jusqu’aux économies (toujours aussi fines et calibrées) sur un budget étudié à la loupe pour ne surtout pas le réduire (tiens, prends ça dans les dents, vache à lait de contribuable !). On ne sera donc pas surpris qu’un récent avis émis par le Conseil Economique, Social et Environnemental remette le couvert au sujet du méchant travail au noir.

Pour le CESE, pas de doute, le travail au noir est une plaie qui représente une part de plus en plus importante de l’économie. Et lorsque l’État cherche de la fraîche, il est très difficile de ne pas lorgner, la bave aux lèvres, sur ce morceau qui échappe ainsi à la ponction.

oooh filocheParce que, mes petits amis, si le travail au noir enquiquine tant le CESE, ce n’est pas d’abord parce que les personnes qui le pratiquent seraient d’une moralité douteuse. Ce n’est pas non plus parce qu’elles pourraient s’exposer à des déconvenues pénibles, au-delà même des amendes douloureuses qu’une administration efficace voudra leur infliger. Après tout, qui dit travail au noir dit personnes mal couvertes et en cas de souci, par maladie ou accident, elles se retrouvent dans une position délicate, et bien sûr, le CESE conserve cet aspect à l’esprit. Il note même qu’un travail effectué au noir ne garantit pas le résultat sur facture au consommateur (et pour cause, hein, il n’y a pas de facture), pas plus qu’il ne garantit de protection au travailleur. Certes, certes. Mais ce qui le chagrine vraiment, dans cette forme de travail discrète, c’est que, je cite :

“… l’importance de l’économie non déclarée jette une lumière peu avenante sur le consensus social : quête du profit à tout prix, refus de participer au redressement des comptes publics, refus de prendre sa part dans le financement de droits acquis à tous.”

wtf filocheAutrement dit, ce qui défrise l’État, les administrations publiques et les gens du CESE, c’est que le travail au noir est l’antichambre de l’enfer asocial, la rupture du vivrensemble, l’attaque en règle contre le consensus social, et la perversion finale et rédhibitoire de la société par une recherche de profits en oubliant les droits zacquis et tout le tralala collectiviste.

Le travail au noir, c’est vraiment la pire des engeances puisque c’est l’exemplification parfaite de ces comportements ultralibéraux, turbocapitalistes qui n’hésitent pas à danser avec de grosses chaussures ferrées sur le cadavres de chatons mignons. C’est tignoble (la version un cran au dessus de l’ignoble), c’est tonteux (la version deux crans au-dessus du honteux), c’est tabominable (la version trois crans au dessus d’abominable). Et c’est bien sûr tinterdit parce que cela fait, d’après leurs petits calculs précis sur cette masse inconnue, plus de 20 milliards d’euros de manque à gagner pour les comptes sociaux, selon l’évidence mainte fois martelée que si l’État pouvait mettre la main dessus, le travail serait tout de même effectué et la taxe serait bien perçue.

Implied Facepalm

Devant ce constat, que propose donc le CESE ? Essentiellement, une fois l’étape “prévention” (et “simplification des démarches administratives) rapidement évoquée, sans doute parce que tout le monde sait exactement ce que “simplification” veut dire dans ce pays, quelques habituelles interdictions fleurissent rapidement suivies d’un bon gros flicage des familles avec un renforcement des contrôles, papiésiouplait, et, probablement, un recours accru à la délation, pour ne rien changer. Enfin, le volet sanctions lourdes et vexatoires n’est bien sûr pas en reste avec la proposition de définir la notion de fraude sociale, permettant à l’URSSAF de confondre les patrimoines des personnes morales et physiques, parce qu’après tout, nous sommes en France et la propriété privée, la séparation des personnes physiques des morales et la protection du citoyen, tout ça, c’est terriblement has been.

Difficile, ici, de garder son calme devant ce qu’on pourrait croire écrit par un Gérard Filoche en pleine forme. À l’évidence, le CESE, les URSSAF et toute la flicaille du Travail Bien Dans Les Clous ne supportent pas du tout l’idée même que certains pourraient vouloir travailler indépendamment de leurs bons offices. D’autant que, de contrôles en contrôles, les chiffres indiquent une tendance alarmante à l’augmentation des cas litigieux, ce qui incite bien évidemment à sévir plus sévèrement, et à contrôler plus fermement encore l’année suivante.

redressements travail au noir ACOSS URSSAF

Autrement dit, plus les contrôles se font tâtillons, plus les sanctions s’élèvent en intensité, plus les cas de travail au noir se font nombreux. C’est vraiment étrange. Et à bien y réfléchir, cette histoire de manque à gagner pour les organismes sociaux ne laisse pas de surprendre, finalement.

Rappelons que l’argument principal pour déclarer un salarié est qu’ainsi, celui-ci est couvert socialement (pour sa retraite, son chômage, et sa maladie). Les autres arguments sont, en toute théorie, périphériques (normalement, on ne cotise pas pour équilibrer des caisses, mais pour s’assurer, de même qu’on ne prend pas une assurance incendie pour faire plaisir à la compagnie mais pour obtenir quelque chose en cas de sinistre, vous me suivez ?) Or, si l’on omet les cas où toute l’idée du montage salarial est d’obtenir des prestations frauduleusement alors que personne n’a payé les cotisations, on se retrouve avec le cas largement le plus fréquent, celui où la personne travaille simplement sans avoir été déclarée aux administrations aussi pléthoriques qu’obtuses que notre beau pays nourrit très généreusement.

cerfa travail dissimuléCe qui revient donc à un contrat, tacite ou écrit, entre deux adultes, un qui paye pour une prestation et l’autre qui l’effectue, sans aucun autre intermédiaire. Et chacun prend, dans ce cas, ses pertes, ses gains, et ses responsabilités. De loin, on dirait en fait cette forme subtile de relation qu’ont entretenu les Hommes entre eux depuis que le monde est monde. Des fortunes se sont ainsi faites. Des chefs-d’œuvre furent ainsi constitués (Michel-Ange n’avait pas de couverture sociale, les tailleurs de pierre de cathédrales n’ont jamais goûté à la visite inopinée de l’Inspection du Travail tout comme les gâte-sauces de Vatel). Des générations de travailleurs, de tous horizons, de tous temps, ont ainsi pu exercer leur art. Et bizarrement, cela n’a pas trop mal marché, ici comme ailleurs.

Pendant que le CESE fulmine sur les méchants employeurs au noir, certains se rappelleront qu’il y a moins de 40 ans, la France ne croulait ni sous les Cerfas, ni sous l’imposante paperasserie débile qu’on demande maintenant pour déclarer quelqu’un. Et pourtant, pourtant, cette France fonctionnait malgré tout. Les gens ne mourraient pas dans la rue dans des râles poignants, l’anarchie n’était pas aux portes de Paris. Mieux : le pays comptait moins de chômeurs, et l’écart entre le salaire net et le salaire brut n’était pas gigantesque.

fiche de paie, décembre 1973

À en croire le CESE de 2014, la France de 1973, bien à l’aise dans ses petits bouts de papiers et ses déclarations fort sommaires, barbotait dans la quête du profit à tout prix. À voir les taux rikikis pratiqués, les uns et les autres, en parfait salauds, refusaient de participer au redressement des comptes publics. Si l’on se rappelle qu’à l’époque le travail au noir était estimé à 4% du PIB (il a triplé depuis), on a bien du mal à trouver dans les solutions préconisées par le CESE une réelle opportunité d’amélioration.

oh filocheLa réalité, masquée par les couinements stridents de goret égorgé que les confrères de Filoche poussent à chaque entorse du droit du travail (pavé indigeste dont Sapin entend réduire la taille en l’écrivant plus petit), c’est que l’administration française a lentement mais sûrement asphyxié toute envie de déclarer un travail. Pire encore : ce travail au noir est, très souvent, constitué de ces milliers de bricolages plus ou moins importants consentis entre voisins, cette myriade de chantiers petits ou modestes qui entretiennent, réellement, ce lien social dont nos collectivistes se barbouillent les babines à longueur de temps. Et c’est précisément ce lien là qu’ils font disparaître avec leurs contrôles de Gestapistes en herbe, leurs formulaires illisibles, leur paperasserie incongrue et leurs sanctions vexatoires.

La France croule sous ces parasitages, dans le bruit assommant de ces mouches du coche insupportables, au milieu des injonctions consternantes de ces inspecteurs inutiles des travaux finis. Chaque nouvelle règlementation, chaque nouveau cerfa finement ciselé dans un code du travail toujours plus épais crée son lot de travailleur au noir. Et devant cette vague, que font nos membres du CESE ? Ils ajoutent une louchée de règlementation et de cerfas.

Forcément, ça va marcher.

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Commentaires344

  1. Kekoresin

    La conscientisation des citoyens égarés dans les marges floues des règles communautaires est en marche!

    Attention si tu travailles sans être déclaré et qu’il t’arrive un accident, tu ne cotises pas donc…et ben rien en fait! Et bien mieux que rien parce que si tu ne cotises pas, tu as le droit à la CMU et plein de joulies naides de maman état qui aime tant la pauvreté. Si tu ne sais pas lire ou que tu es mal-comprenant, pas de soucis mon copain, un gentille assistante sociale toute fraîche émoulue de fac de psycho te guidera dans les méandres administratifs afin d’optimiser le débit du pognon gratos. Si tu n’as officiellement aucune ressource en dehors du RSA, nul besoin de s’endetter pour une mutuelle. Si tu est locataire grassement subventionné par la CAF, non plus d’amende en cas d’infraction car dixit un magistrat que je connais “on ne peut pas tondre un oeuf”. Si tu as un accident ou tombes malade, tu seras pris en charge à 100% contrairement à un travailleur salarié qui a fait impasse sur une complémentaire pour payer 100% de son loyer.

    Alors citoyen français, n’aies donc aucun scrupule face à tes maîtres qui détournent l’argent à coup de dizaines de millions sans une goutte de sueur là où ton emploi qui n’a rien de fictif ne représente qu’un grain de sable dans le désert des déficits de cotisations.

  2. Ano59

    Désolé mais vous avez tous tout faux.

    Il faut interdire le travail au noir pour une seul et unique raison : dans “travail au noir” il y a “noir”, c’est pas gentil car ça rappelle les heures les plus sombres et les plus racistes de notre histoire.

  3. Kekoresin

    Je trouve excellent la fiche de paye de 1973, qui prouve à elle seule l’enlisement inéluctable de la France dans la mélasse administrative ruineuse; des cotisations pour payer les fonctionnaires qui vérifient les bons montants!!! Comme disait Clemenceau: “La France est un pays fertile, semez-y des fonctionnaires il y poussera des impôts!” – “A force de compliquer les solutions, on aggrave les problèmes”. Ça marche aussi pour cette ineptie quotidienne qu’est devenue notre nation.

    Cette fiche de paye déclenche en moi la nostalgie d’un monde plus simple que je retrouve dans des photos Polaroïd un peu passées, rangées précieusement dans des albums qui craquent quand on tourne les pages (Pouf Pouf, sort de mon corps !)

      1. Black Mamba

        Elle est conne de vouloir régler son URSSAF … dire qu’il y en a qui veulent se débarrasser de ces sangsues …Oui, on marche sur la tête 🙄

      2. Kekoresin

        perso, 2ans et demi pour que le RSI prenne en compte mon inscription malgré lettres A/R et appels au ministère des marches stupides! Réveil douloureux de la bête jusque là inerte et appel de cotises KOLOSSAL + pénalités de retard (hé oui c’est comme ça en France, double peine. Tu paies l’incompétence de ces parasites morpionnoïdes deux fois!) Ils ont du me confondre avec Bygmalion je pense!

        Depuis mes menaces d’homicides multiples en terminant par moi à la toute dernière balle, mon dossier s’est miraculeusement arrangé avec en prime l’annulation des pénalités engendrées par la sieste après champagne http://www.youtube.com/watch?v=uYcY9pQX_LI&feature=youtu.be!

        Je pense qu’à l’instar de nombre de mes camarades roucoulants, je vais foutre le camp de cette abominable antre de grattes papiers ruineuse et néfaste pour les organismes aquatiques et terrestres. Je suis prêt à affronter les huissiers et les magistrats si tatillons avec les forces vives du pays et si laxistes avec les malfrats à l’enfance malheureuse!

      3. Ano59

        D’après l’article, elle réclame surtout sa couverture sociale qui irait de pair avec ses cotisations.

    1. David

      En rangeant les papiers de mon père décédé, je suis tombé sur ses bulletins de salaires des années 50 : hallucinant … un minuscule feuillet de 1/4 de page A4, en haut nom-prénom-adresse, en bas total, au milieu 2 lignes.

      Aujourd’hui, seuls des experts-comptables bac+8 sont capables de comprendre une fiche de paie.

  4. pouf pouf

    Aujourd’hui c’est champagne, après trois ans de respect glaçant des règles à circuler ensemble, le passage à soixante-dix du périphérique m’ayant tout de même atteint dans ma dignité d’homme, je récupère mes douze points…contre ma dignité. Les salauds, avoir une voiture rouge pour ne rien en faire, avec casquette moustache et chemise à fleurs, c’est horripilant. Quant à mon pote terry et son hélicoptère, quand on part d’issy, pas moyen de se poser à la défense pour faire ses courses au leclerc. C’est agaçant. Dérasséréné pour commencer, la piste est glissante jusqu’à secoué franchement, profondément touché ou vivement ému, au choix, pour finir par s’énerver carrément. J’en ai marre, vous me faites tous chier « mets-toi là » et dors, « pense ça » et surtout calme-toi. J’ai rasé ma belle moustache, troqué mes habits, ma voiture et mes couleurs contre le gris de bon ton d’une époque qui se meurt, il n’y a plus de magnum, je suis tom, le fossoyeur.

      1. Higgins

        Ils vont bien, merci pour eux. Quant à la Défense, c’est vrai qu’il existe une magnifique hélisurface sur le sommet de la Grande Arche mais je ne l’ai jamais vu utilisée. (Il y en a une autre sur le ministère à Bercy mais elle est potentiellement inutilisable car les bacs de rétention de kérosène, en cas de crash, ont été oubliés!!!).

  5. Moggio

    Merci pour ce billet (qui comprend mon facepalm préféré mais un peu seul tout de même car il n’est pas accompagné du loldog “Saperlipopette !”…). Tous les avis du CESE sont de même nature : toujours plus d’État avec tous plus de dispositifs financiers (subventions), de dispositifs fiscaux taxatoires et de dispositifs réglementaires toujours plus contraignants. Une des explications évidentes à cela se trouve dans la composition du CESE et dans celle des personnes qui sont auditionnées habituellement pour fabriquer ces avis inutiles mais financés par le contribuable.

    1. petit-chat

      Ça va bientôt devenir criminel d’envoyer ses gosses à l’école publique, ou dans des écoles sous contrat.
      La réponse devrait(!) être des écoles privées, hors contrat, payées par les parents, avant toute autre “priorité”, c’est de l’avenir de la race qu’il est question.
      Mais, bon, renoncer aux vacances, à la bagnole neuve, aux sorties restau, ciné, à l’écran plasma d’1 mètre pour voir le foute, c’est trop injuste.

    2. Aristarque

      Avec les soces, aucune inquiétude à avoir: aucune mauvaise idée , aucune incongruité n’ est jamais perdue ou enterrée. Une redénomination et hop! Cela repart comme en 14!

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