Progressivement et, semble-t-il, avec la bénédiction populaire, la sphère étatique s’étend doucement telle l’eau de mer dans un bateau qui fuit (Titanic ?), bien au delà des prérogatives essentiel d’un état. De récentes affaires en sont la preuve flagrante, et prouvent, s’il était besoin, que cette tendance n’est pas prêt de s’arrêter…
La première de ces affaires concerne le géant de l’informatique, HP.
On est ici dans le domaine du privé. L’état français, après le flamboyant essai du Plan Calcul et les résultats que l’on connaît, après ses investissements judicieux (et juteux !) dans des sociétés prestigieuses-de-collection comme Bull, après avoir rationalisé tant et si bien les 2 (deux) services informatiques (!) distincts du ministère des Finances, après tout ça, a enfin décidé de laisser l’informatique à la sphère privée.
Cependant, en bon donneur de leçon, ce répit n’a été que de courte durée. Hewlett-Packard, férocement attaqué par Dell et dont les marges opérationnelles se réduisent (on ne se demande pas pourquoi) a décidé de licencier en France (comme ailleurs dans le monde). Décision privée. L’état, dans un premier temps, a immédiatement porté la procédure de licenciement économique devant la Commission Européenne, qui a clairement déclaré son incompétence en la matière (la Commission est moins interventionniste que l’état Français, qui l’eût cru ?). Ne pouvant ne rien faire (surtout en période électorale … de dans un an et demi) et laisser ainsi la Gôche se ruer sur l’aubaine, le gouvernement s’empresse de réclamer les aides obtenues par HP pour s’implanter localement. C’est de bonne guerre.
Ce qu’on voit, c’est l’agitation médiatique. Peut-être HP va-t-elle rembourser les aides. Peut-être pas. Il y aura procès. De l’énergie, du temps et de l’argent (le nôtre) seront fortement mobilisé pour tout ceci. Les salariés, futurs licenciés, seront donc placés dans un limbo particulièrement stressant (pas encore chômeurs, mais pas du tout employés). Les aides hypothétiquement récupérées iront en partie aider les futurs chômeurs (pas exactement ceux-là, principe de non-affectation des recettes et des dépenses publiques), et plus certainement abreuver les commissions d’études, les ANPE locales, les fonctionnaires territoriaux, etc…
Ce qu’on ne voit pas, au final, c’est que, HP gagnant ou perdant, personne ne pourra l’obliger à rester en territoire français. Il est probable que ses effectifs seront alors restreints au mininum lui permettant d’y assurer une représentation commerciale. On ne voit pas non plus que les sommes ponctionnées au départ pour les aides (celles qui seront peut-être remboursées) ont coûté au moins autant aux contribuables (certainement plus, les gens gérant la collecte, la redistribution et l’affectation ayant besoin de vivre, eux aussi), et que c’est d’autant moins pour eux. On ne voit pas non plus que HP, en vendant du matériel en France, générait de la TVA qui devait certainement plus que compenser les aides qu’elle a reçues. On ne voit toujours pas plus l’ excellente publicité que va faire HP auprès des investisseurs étrangers : « ce qu’ils vous donnent d’une main, ils le reprennent deux fois de l’autre ».
Au bilan, les chômeurs ne seront pas mieux indemnisés, pas mieux couverts et pas mieux lotis. L’état ne pourra pas plus les protéger, le contribuable s’en retrouvera de toute façon plus pauvre. Pire : les conditions d’emplois vont au final encore se dégrader. Evidemment, ce sera progressif, insidieux, peu visible et pas du tout médiatisé…
MAIS la morale est sauve : l’état a agi !
La seconde affaire concerne les FAI et la protection parentale de l’internet.
Le gouvernement réfléchit à un filtrage parental automatique de certains sites. Inutile de s’apesentir sur la relative inefficacité des filtres automatiques, encore une nouvelle loi se profile pour obliger les FAI à fournir un moyen (? on ne dit pas lequel ?) pour filtrer les sites offensant à la source. Plusieurs questions viennent immédiatement à l’esprit :
– qui va décider de ce qui est « offensant » ou non ? Si certains sites proposant des emboîtements humains en gros plan avec des poils et de la sueurs ne poseront pas de cas de conscience, cela pourrait devenir plus délicat avec des sites gynécologiques, ou des sites d’informations standard sur la santé, la sexualité, etc… En outre, on imagine fort bien les dérives.
– comment va se traduire concrètement l’empêchement de consulter un site ? Comment l’activer, comment le désactiver ? Pour la plupart des parents qui sont généralement moins habiles avec un ordinateur que leurs propres enfants, je laisse imaginer les situations rocambolesques qui peuvent advenir du différentiel de formation entre les enfants et leurs aînés. Si le système de blocage est d’un autre ordre (un coup de téléphone, un recommandé, etc…), il sera vite suffisamment compliqué ou pénible pour rebuter les personnes intéressées.
– internet est un média planétaire, ce qui veut dire que les filtrages opérant sur la base de mots-clés laisseront passer des sites dans des langues non-occidentales, ou dont les mots-clés ne sont pas reconnus par le moteur. Si on impose au FAI de filtrer manuellement (ou semi-automatiquement) les sites du monde entier, la charge de travail encourrue (mécanique ou humaine) aura un coût. Qui diable va supporter ce coût ? … Je vois poindre une nouvelle taxe.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, je pense que la bonne intention, qui consiste à vouloir protéger ses enfants des méfaits d’internet en utilisant l’état et une loi, aboutit à un enfer inutile. Le résultat ne sera évidemment pas à la hauteur des espoirs et des demandes. Les sites seront toujours plus ou moins accessibles, les enfants continueront de tomber sur des pédophiles au milieu de chat-rooms d’ados, etc…
On a là encore déplacé la responsabilité des parents envers leurs enfants vers l’état, et on va là encore aboutir à un désastre.
Pour votre enfant :
- Si vous voulez qu’il utilise internet, soyez avec lui.
- S’il est assez grand pour être autonome sur internet : responsabilisez-le ! Arrêtez de croire que l’état en fera un homme ou une femme responsable. C’est votre travail ! Arrêtez d’imaginer que l’état lui apprendra à l’école comment se servir de cet outil : l’école n’apprend plus grand’chose, les profs sont autant dépassés que vous. Formez vous : des associations existent. Des gens de bonnes volontés qui pourront vous / lui expliquer, ça existe.
- Ultimement, si vous n’avez pas le temps, les moyens, l’intelligence, si vous n’avez pas confiance dans internet, ou pas confiance dans vos enfants sur internet, tirez la prise. Un ordinateur sans prise, c’est un vélo sans roue : ça ne marche plus. Ils pignouseront un peu, mais ils pourront très bien s’en passer. Des centaines, des milliers, … des centaines de millions d’enfants s’en passent et (étonnamment), on n’en fait pas des petits crétins.
Au final de cette affaire, une fois la loi votée, passée, imposée, et les taxes ponctionnées, …
la morale sera sauve : l’état a agi.