Techniques de diversions

Quand on ne maîtrise pas un sujet, on peut choisir soigneusement de ne pas en parler ce qui permet d’éviter les situations délicates. On peut aussi tenter la diversion, comme dans les films de Jackie Chan où le chinois effervescent, au milieu d’un combat homérique et millimétré, va, en faisant une mine ahurie, pointer du doigt en espérant que son adversaire tournera la tête, pour lui asséner un coup décisif. Dans la vraie vie, c’est en général moins sportif mais tout aussi efficace : pour éviter de montrer sa nullité dans certains domaines, on va s’agiter fiévreusement dans d’autres…

L’appareil d’état est rompu à ce genre de techniques. Les gens qui font fonctionner cet appareil, petits shadoks consciencieux pompant sans savoir de peur qu’arrêter provoquerait une catastrophe, fournissent ainsi tous les jours des exemples flagrants de l’utilisation pertinente de cette technique.

De leur côté, les média ne sont pas en reste : alors que les shadoks pointent la lune avec leur doigt pour détourner l’attention des journalistes des questions gênantes, ces derniers regardent bêtement le doigt et ne comprennent pas. L’attention est détournée, le sujet pointé par les shadoks passe inaperçu, et les média embrayent sur une fine analyse du doigt. L’habitude s’installant, l’automatisme gagne et, tels des coucous suisses réglés à la microseconde, quand un politique sort une bourde, les média se précipitent pour l’analyser.

Il n’aura par exemple pas fallu beaucoup de temps pour que les réponses (fausses) bafouillées par une Ségolène en plein naufrage en haute mer sur le délicat sujet des sous-marins nucléaires français fassent les choux-gras d’une presse probablement désoeuvrée ou plus obnubilée par cet aspect de notre politique que par l’insondable abîme des propositions de la candidate. Pour ne pas perdre la main, cette même presse se sera empressée de relayer à tous ses lecteurs passionnés que le petit Nicolas aura lui aussi trébuché sur la question des sous-marins.

Saperlotte ! A ce point de l’ « analyse », on peut se poser la question : qui se soucie, finalement, du nombre exact de sous-marins nucléaires ? A priori, seuls ceux qui payent (nous) pourraient s’en occuper, mais force est de constater que l’armée, la police et la justice sont définitivement les parents pauvres des programmes électoraux et surtout médiatiques des principaux candidats, peut-être même en réponse à la désaffection chronique de leurs électeurs sur ces sujets. En clair, et cela en est même effrayant, les fonctions régaliennes de l’Etat n’intéressent plus les gens de l’Etat, qui préfèrent tenter, comme Miss Chabichou, un remplissage cosmétique consternant : on a un programme anémique d’hydrocéphale glouton, une équipe de branleurs patentés et de pignoleurs improvistes, un charisme de dindon, et tous les jours, une approche asymptotique aux réalités du terrain (i.e. qui se veut toujours plus près mais sans jamais les atteindre).

Avec de tels boulets, il faut donc mobiliser l’attention par d’autres moyens. La candidate fait donc des annonces non pas sur sa future politique (qu’on distingue, floue comme le pistoléro compulsif dans une brume épaisse et mortifère, à l’horizon de la plaine, lointain et poussiéreux), mais bien sur la façon dont elle structure son club de Présidentielle. C’est génialement hors-sujet, mais ça mobilise une impressionnante quantité de pisse-copies. C’est un peu comme si une équipe de F1 annonçait avec force flonflons, champagne et petits-fours distribués par des hôtesses accortes, que le staff est – enfin – prêt, deux courses avant la fin du championnat. Une preuve ?

« La raison n’est pas organisationnelle, elle est politique. Il n’y avait pas les 100 propositions. A partir du moment où la feuille de route est fixée tout le monde peut se déployer », aurait déclaré Cambadélis.

Qui a crié « foutaises » ?

Et pendant ce temps où les shadoks font du maquillage, les média du remplissage et les électeurs du boudin, la machine de l’Etat, elle, continue à tourner à plein régime. Et cette machine s’emballe toujours à l’approche d’un changement de législature tant il est important pour les petits pompeurs de pomper plus lorsqu’ils vont passer la main aux pompeurs suivants.

Alors, puisqu’il en est ainsi, l’Etat s’occupera de notre télé à laquelle il imposera d’être numérique dans les plus brefs délais. L’Etat, comme toujours indispensable pour nous aider à faire des choix ou des avancées technologiques que nous aurions fait plus vite sans lui, nous impose donc de flanquer notre bon et fidèle poste récepteur à la casse pour en disposer d’un tout neuf, capable de capter les consternantes débilités réparties sur la quinzaine de canaux dont la TNT nous fait profiter. On se demande ce qui se serait passé si l’Etat n’était pas intervenu. Peut-être en serions-nous restés à la bonne télé bombée et noir-et-blanc des années 50, limitée à la réception tristounette d’un Général de Gaulle grandiloquant…

Et puisqu’il a le temps pour ça, l’Etat se mêlera aussi de notre internet, en y bricolant une loi adhoc histoire d’imposer un label de qualité des sites, label qui permettra à l’oeil bovin de l’internaute moyen de distinguer les bons sites des sites médiocres, les sites d’intérêt supérieur des sites graveleux montrant des corps qui s’emboîtent, et protéger – bien sûr – la veuve et l’orphelin dont les mornes soirées, devant leur télé bulbeuse, noir-et-blanc aux accents pompidoliens, les poussent à se jeter lubriquement sur des sites pornos. Si l’Etat n’était pas là, il est évident que les emboîtements scabreux seraient laissés à la portée des chérubins aux parents irresponsables, et que les blogs remplis de mots douteux (comme « cul » « bite » ou « couille » qui vont immédiatement classer celui-ci dans les dépôtoirs de la République) ne leur seraient pas offerts en pâture !

Enfin, comme l’Etat n’est pas mesquin et qu’il a encore un peu de temps, il va aussi se mêler de notre santé parce que nous le valons bien. Jugeant sans doute que l’édifice monstrueux de la Santé Française n’était pas encore assez imposant, les députés ont donc choisi d’y ajouter une excroissance turgescente, chargée de répondre « Présent ! » quand la grippe, la malaria, le chikungunya, le H5N1 ou la peste bubonique réapparaîtront dans notre population. Les hordes lépreuses françaises se réjouiront d’apprendre qu’enfin nous aurons un corps de réserve sanitaire, émargeant avec délice au budget de l’Etat qui n’en finit pas de gonfler si l’on en croit tous les domaines où ce dernier peut se lancer.

Il aurait d’ailleurs été tentant de fusionner la commission chargée de labéliser internet avec la commission chargée de lutter contre la grippe aviaire. Nous aurions eu, enfin et avant tout le monde, une Commission Contre Les Virus Sur Internet, qui aurait probablement fait des étincelles en ridiculisant les Frisk et autres Avast que ces imbéciles de capitalistes aux petits bras s’évertuent à produire…

Pas de doute. A mesure que les discours se font plus creux, que les maquillages se font plus épais, le monstre dodu continue sa marche.

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Commentaires9

  1. Copeau

    Génial, juste, lumineux, comme toujours : bravo à toi mon ami. Au demeurant, tu m’as appris cette info pour l’éthique sur internet, je l’ignorais.

  2. Robert Marchenoir

    "Une Commission Contre Les Virus Sur Internet".

    Pas con, pas con. Tant qu’à faire un truc étatique, autant en faire un qui marche et qui soit utile à tout le monde. C’est exactement ce qu’ont fait les odieux capitalistes américains ultra-libéraux mondialisés:

    http://www.us-cert.gov

    Je suis abonné à leur newsletter, c’est évidemment gratuit, très pratique et fort bien fait. Les affreux blairistes, entre deux pipes à Bush, ont fait un truc similaire:

    http://www.itsafe.gov.uk

    (Attention, j’ai eu du mal à me désabonner de la newswletter anglaise.)

    Et en France? Ah ben naaan! On se branle sur la fracture numérique, le méchant Microsoft et l’odieux Google qu’est même pas français, mais tant qu’à faire un truc public qui rende service à tout le monde, faut pas rêver. Les inconvénients du socialisme plus les inconvénients du capitalisme.

  3. @copeau : merci 🙂

    @robert : les inconvénients du socialisme débridé et d’un capitalisme étatosponsorisé, oui, exactement… La Fraônce dans toute sa splendeur !

  4. BangBangBambiDead

    @Woland:

    moi aussi je l’aime bien Charles Martel mais son dernier CD il est un peu mou
    pis j’aime pas le piano avec le metal.

  5. Copeau

    Stratégies de diversion

    L’Etat adore créer des commissions, des comités Théodules, des machins qui, en concentrant l’attention des médias et des citoyens, permet de détourner cette même attention des vrais problèmes et des vraies questions.

    H16 expose…

  6. C.O.N.

    Vous semblez regretter le contenu des programmes télévisés, "consternantes débilités", même critique concernant les journalistes. Venant de vous, cela m’étonne.
    Ça ne vous a pas échappé que dans le monde libre de la consommation de programmes ou d’informations, le souci spontané des producteurs est celui de leur audience. Ils adaptent leur production en fonction de cette contrainte. Leurs programmes sont donc la conséquence directe de choix libres de personnes autonomes et éclairées. Vous savez bien, ces mêmes gens dont vous dites qu’ils n’ont pas besoin de réglementation ou d’incitations de nature fiscales pour régler les problèmes de pollutions (nitrates, dioxines, effet de serre…).
    Curieusement, les programmes que pour ma part j’évalue positivement, sont justement ceux qui sont le moins assujettis à cette pression de l’audimat (France culture, ARTE…). Dans la mesure où leur existence dépend des subsides de l’Etat, je comprendrais que vous en contestiez l’existence.
    Mais pour le reste… tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes libéral ! Les gens consomment librement ce qu’ils veulent, les producteurs s’adaptent au marché, quel est le problème Mrs les libéraux ?

  7. La télé fraônçaise, exemple de marché libéral ? Mais, vous êtes un vrai plaisantin, vous ! Mouah ah ah ah aha ! Votre analyse de la situation (du marché de la télé en France) manque singulièrement de profondeur, de lucidité et/ou de recul !

  8. Alain P.

    Quel style ampoulé ! Je vous suggère d’essayer de réécrire la même chose en cent mots maximum, ça sera certainement un exercice formateur pour vous.

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