Cette semaine, dans la catégorie « La Cuisine Socialiste Pour Tous », nous découvrons deux recettes : le Transport Gratuit, et l’Internet Pour Tous. La première, aux saveurs délicieusement surannées de ghettoïsation vous fera découvrir comment accroître pour les plus démunis le besoin de l’Etat et diminuer encore la valeur qu’on attache au Travail. La seconde développera des senteurs nouvelles de lobbying, d’intérêts cachés et de nationalisation de pans nouveaux de notre vie quotidienne. A table !
Pour les deux recettes, il nous faudra d’abord plusieurs ingrédients de base indispensables pour toute recette socialiste. Ils sont au nombre de deux et sont les suivants :
– un service bien dodu, bien gras, qui génère normalement un marché bien consistant.
– une culture à base de protéines étatiques, soit par intraveineuse directe dans le cas d’un monopole, soit par voie basse, en suppositoires, via des règlements, décrêts et des lois.
A partir de cette base commune, nous allons pouvoir retrouver la recette du Transport Gratuit.
Dans un premier temps, vous installerez un monopole sur les transports en commun, sur toute une région. Ce monopole ne sera pas un monopole de fait, mais un monopole de droit, construit de toute pièce. Ce monopole devra être étatique, c’est-à-dire géré par l’état, et, comme le veut la tradition, n’importe comment. Si vous le pouvez, tentez de cogérer l’ensemble avec les syndicats, cela permettra la formation de grumeaux. Vous aurez à coeur de ne jamais remuer, et de ne chauffer qu’à feu très doux, et vous ferez attention à ne pas trop chauffer une zone ou l’autre : il peut advenir des caramélisations partielles – on se souviendra de la grande caramélisation de novembre / décembre 1995 par exemple.
A cette étape, le brouet est déjà bien épais et le coût réel du transport est totalement caché pour l’usager final. En pratique, le prix de son billet lui paraît décent puisqu’en fait, il ne recouvre qu’en partie les frais de gestion des transports qu’il emprunte. Le reste est payé par le contribuable, qui, lui, n’est pas forcément usager et voit son pouvoir d’achat diminuer d’autant au profit d’un service dont il n’a peut-être pas du tout besoin.
Pour bien réussir la recette, il faut avoir préparé, en parallèle, une Opinion Publique Favorable. Cela passe par une campagne de presse bien organisée visant à faire comprendre au contribuable, petit mouton des villes assez maigre mais très poilu qu’on peut tondre pratiquement tous les jours, que certaines personnes voudraient être des usagers mais n’en ont pas les moyens et qu’il est nécessaire pour nos ovins de se faire tondre encore un peu plus.
La recette prend vraiment forme lorsque le système, une fois mis en place, crée une fracture nette et franche entre ceux qui ont tout juste de quoi payer les transports parce qu’ils travaillent encore, et ceux qui travaillent au noir, ou pas du tout, et qui ne payent pas. Le calcul individuel entre s’en sortir à peine avec le RMI et toutes les aides associées, y compris les transports gratuits, et s’en sortir à peine avec aucune aide et en plus en allant bosser devient plus délicat. Il existera toujours des passionnés pour lesquels le travail, même s’il ne paye pas, constitue en soi une rétribution. Les autres finissent par choisir les biberons automatiques que l’Etat met à leur disposition. Concrètement, on peut même estimer qu’il y aura au moins 5000 personnes qui passeront ainsi du travail au RMI.
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Pour la deuxième recette, on prendra là encore un marché assez régulé, sur lequel n’existe pas ipso facto de monopole. Dans cette condition, vous ne pouvez pas réclamer la gratuité. Vous jouerez donc du lobbying, cette épice forte de la vie politique qui relève nettement les additions salées qu’on présente au budget de l’état. Le lobbying, comme le sel, est un exhausteur de goût et permet de faire ressortir du jus à des marchés normalement relativement atones.
Prenons le cas d’Internet. Le marché de l’accès à ce domaine de l’information est relativement libre au départ. Pour que la recette de l’Internet Pour Tous fonctionne, il faudra procéder en deux temps.
Le premier consistera à faire constater par tous l’existence d’une différence entre ceux qui ont accès à l’usage, et ceux qui n’y ont pas accès. On notera au passage la symétrie avec le transport. Il ne vient encore à l’esprit de personne qu’il faudra trouver de nouveaux poils au mouton de tout à l’heure pour aider tout le monde à accéder à internet. Ceci ne vient que dans un second temps. Pour le moment, il s’agit essentiellement d’appuyer là où ça ne faisait pas mal. A force d’appuyer, fatalement, ça finit par faire mal (le tout, ici, est d’appuyer suffisamment fort).
Nous en sommes maintenant au moment où l’Opinion Publique devient Favorable. C’est le second temps qui s’enclenche.
Il s’agit alors d’utiliser un lobby déjà existant ou d’en créer un si besoin s’en trouve, qui pourra, par influence, montrer que cette situation (d’asymétrie entre ceux qui veulent et qui payent pour un accès et ceux qui ne veulent pas, ne payent pas, ou ne peuvent pas) est intolérable, et qu’il faut que cela cesse. Arbitrairement, on fixera donc, par exemple, un taux de pénétration de la technologie. Si l’on est à 25%, on demandera 50%. Si l’on est déjà à 50%, on fixera 75%. Etc… L’idée business derrière est « tout le monde doit pouvoir avoir accès », et l’idée politique est « personne ne sera laissé sur le bord de la route ».
Même si l’on veut flâner, ou ne pas monter dans le train, la réponse sera simple : Il Faut Internet Pour Tous. Parce que sinon, c’est mal. Et en plus, ça ferait rater la recette.
Evidemment, dans la démarche, rien que de très logique : les marchands d’accès, de contenu sur internet, se doivent de faire grossir leur marché. Une méthode simple consiste à augmenter le nombre d’accès, et donc le nombre de consommateurs. Ce qui est plus symptomatique, c’est l’utilisation de l’Etat en l’espèce, qui marque typiquement le « capitalisme à la Française » : on en revient toujours finalement aux bonnes vieilles méthodes de tripotage du marché par la main étatique. On voit fort bien où cela commence, la suite est elle aussi évidente : un ministère de l’information, ou de l’internet, chargé de s’assurer le bon accès de tous et chacun au Service Public d’Internet.
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Dans les deux recettes, ce qui semble évident, ce qu’on voit, ce sont les RMIstes qui profitent des transports gratuits et pourront voyager, sourire aux lèvres, à travers Paris, ou le papy du Cantal qui va enfin pouvoir envoyer des mails à ses petits enfants. Ce qu’on ne voit pas c’est que ces tripotages de marchés, en introduisant les petits doigts boudinés de l’état dans les rouages pourtant délicats de l’économie, c’est que chaque loi, chaque aménagement spécifique se paye, d’une façon ou d’une autre.
Et ceux qui payent le plus cher, ce sont toujours les plus pauvres.
J’adore ces recettes de cuisine. A quand un livre de recettes complètes?
Ca c’est vraiment une bonne idee!! 🙂
Mais des livres concernant cette cuisine existent. Un conseiller d’etat, enarque, pdg de filiale francaise d’une societe x, a meme ecrit dans son temps libre un livre de recette etatique ; du temps il en a car il est pedegeee de complaisance, question de controler au nom de l’etat ce qui se passe en cette entreprise jugee sensible, et ainsi s’assurer du bon usage fait du permis de chasser dans les terres du bon monarque chichi premier dit le faux derche. Ce livre est etonnant il parle de l’impact economique positif de la construction de Versailles, ou le bien fonde de l’action etatique pour promouvoir l’economie et les technologies… rappelons qu’a la mort de Louis XIV et Colbert le pays etait ruine!
Recette suivie semble t-il, avec quelques nouveaux ingredients, les plus anciens n’etant plus disponibles.
J’aime bien tes billets 🙂 Ah la la, la continuité territoriale…
Merci 🙂